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L’ergothérapie au Nunavik : adapter les acquis du Sud à la réalité du Grand Nord

Benjamin Pandev-Girard
Benjamin Pandev-Girard
Photo : fournie

Guillaume Rivard et Benjamin Pandev-Girard, étudiants en ergothérapie à l’École de réadaptation de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, sont au Nunavik depuis la mi-janvier pour y effectuer un stage. Au cours de leur formation, ils ont appris dès les premiers cours de leur baccalauréat-maîtrise que l’ergothérapie est basée sur le concept que chaque personne est unique. Ils doivent par conséquent adapter leur vision des services offerts et leur approche en fonction de la population locale. Un défi extrêmement formateur qui leur fait prendre conscience des écarts qui peuvent exister entre les gens du Grand Nord et ceux du sud du Québec.

«Quand je suis arrivé à Kuujjuaq, j’avais ma personnalité et mes intérêts, basés sur l’environnement dans lequel je vivais au Sud. Si j’avais maintenu mes routines et intérêts basés sur ce que je vivais là-bas, je serais probablement gelé dans un banc de neige à l’heure qu’il est», explique Benjamin sur son blogue. «Il est dur d'accepter que je cherche à aider un peuple, avec les outils de mon peuple, à se protéger des problèmes que mon peuple lui a imposés», explique pour sa part Guillaume.

«Pour moi, le plus grand défi est de trouver un équilibre entre les valeurs du Sud qui se heurtent à celles du Nunavik, explique Benjamin. En effet, les Nunavimmiuts considèrent l'indépendance de chaque individu comme étant primordiale. Faire une étude en leur posant des questions sur leurs besoins est déjà une atteinte à cette valeur d'indépendance et donc une contradiction. Il aurait fallu rester ici non pas sept semaines mais bien sept ans pour développer des liens concrets avec la population.»

Un stage sur mesure

Guillaume Rivard et Benjamin Pandev-Girard sont en stage au Nunavik jusqu’à la mi-mars.
Guillaume Rivard et Benjamin Pandev-Girard sont en stage au Nunavik jusqu’à la mi-mars.
Photo : fournie

À la fin de 2011, Guillaume et Benjamin ont lu un article qui traitait des conditions de santé et de la qualité de vie des Inuits du Nunavik. Leur programme universitaire offrait la possibilité de faire des stages internationaux ou non conventionnels dont les objectifs pouvaient être fixés par les étudiants. Ils ont proposé un projet de stage créé de toutes pièces. Après avoir planifié leur projet durant les mois suivants, ils devaient trouver un partenaire local. Ils ont eu l’occasion de rencontrer des représentants de la régie de la santé du Nunavik qui ont accepté de travailler avec les étudiants.

Comprendre les besoins de la population locale

Au Nunavik, les indicateurs de la santé et des conditions sociales sont semblables à ceux que l'on peut retrouver dans les sociétés en voie de développement. Le surpeuplement, le peu d'éducation reconnue, les faibles perspectives d'emploi et la pauvreté sont quelques-uns de ces indicateurs qui limitent l'épanouissement des Inuits.

Guillaume Rivard
Guillaume Rivard

Or, selon les hypothèses de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, la mise en place de centres de jour dans les communautés pourrait contribuer à l'amélioration des conditions de santé de sa population. En effet, les centres de jour, en offrant des services d'alimentation, de loisirs et de réadaptation sur une base quotidienne, offrent un lieu de rencontre et de partage commun aux participants, aînés en perte d'autonomie et personnes avec handicap de la population, tout en offrant aux intervenants la possibilité de dépister des problématiques sociales ou médicales.

Benjamin et Guillaume ont donc le mandat, d’une part, de faire l'étude du fonctionnement du centre de jour existant à Kuujjuaq et d’autre part, de déterminer les besoins des communautés de Kangiqsujuaq et de Puvirnituq. L’objectif est d’évaluer la possible mise en place de centres de jour adaptés et arrimés à la culture inuite, aux besoins sociaux et aux ressources locales.

Par exemple, l'isolement social et la pauvreté font partie des problématiques qui peuvent entraîner, entre autres, de la négligence ou de la malnutrition. Les besoins se définissent donc en fonction de ces problématiques. Au terme de leur stage, les étudiants doivent présenter les résultats de leur analyse et les recommandations précises à la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik.

Les ergothérapeutes travaillent fréquemment auprès d’individus afin de cerner leurs besoins et trouver des moyens d’y répondre. Parfois, cela conduit certains ergothérapeutes à intervenir auprès d'une communauté ou d'une population pour l'analyse de besoins spécifiques en tenant compte de l'ensemble des facteurs qui peuvent influencer leur état de santé.

«Au Nunavik, la culture joue un rôle majeur dans le travail qu'on doit réaliser, explique Guillaume Rivard. Le plus grand défi professionnel auquel nous sommes confrontés est de bien comprendre − et rapidement − le fonctionnement des communautés. Nous devons planifier la mise sur pied d'une structure de soins et s'assurer qu'elle s'intégrera à la communauté locale de manière respectueuse de sa culture et de ses ressources actuelles tout en permettant de répondre aux attentes de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik.»

Autrement dit, ils doivent tenir compte du point de vue de la Régie, du centre de santé local (CLSC), de la communauté locale qui devra s'occuper du projet et des usagers qui utiliseront le service. «Et nous devons arrimer tout cela le temps de notre passage dans les différentes communautés, soit en trois jours chacune», ajoute Guillaume.

Vivre dans le Grand Nord

Benjamin et Guillaume se sont aussi donné un objectif secondaire, celui de faire la promotion de la culture inuite au sud du Québec. Ils ont par conséquent créé un blogue afin de renseigner la population sur leurs réflexions hebdomadaires.


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