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Groupes de médecine familiale

Mieux connaître le rôle des infirmières : un besoin urgent

L'infirmière clinicienne Marie-Ève Poitras.
L'infirmière clinicienne Marie-Ève Poitras.

Les infirmières jouent des rôles essentiels dans les groupes de médecine familiale, contribuant à améliorer l’accès aux soins de santé. Elles assurent le suivi de nombreux Québécois atteints de maladies chroniques, en collaboration avec les médecins. Dans la pratique, toutefois, l’apport de ces infirmières est parfois loin d’être optimal.

« Le rôle des infirmières varie significativement d’un GMF à l’autre », relate Marie-Ève Poitras, qui entreprend son doctorat pour documenter la situation. L’infirmière de profession est directement interpellée par la question : spécialisée dans le suivi des patients atteints de maladies chroniques, Marie-Ève Poitras intervient au sein de l’Unité de médecine de famille du Centre de santé et de services sociaux de Chicoutimi.

L’arrivée des GMF
Un GMF est une organisation composée de médecins de famille travaillant en groupe, en collaboration étroite avec des infirmières, et qui offre une gamme étendue de services à une clientèle qui s'y inscrit librement. En place depuis 2002, les GMF ont été implantés à la suite des recommandations faites par la Commission Clair et constituent rien de moins qu’une clé de la réorganisation des services de santé de première ligne au Québec. Leurs principales missions est d’élargir l’accès aux médecins de famille et d’améliorer la prestation de soins médicaux.

Un besoin criant de définir le rôle des infirmières en GMF

Les modalités d’intervention des infirmières en GMF sont inspirées de recommandations émises par le gouvernement et l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Mais elles ne font l’objet d’aucune réglementation. Sur le terrain, les pratiques diffèrent d’une région à l’autre, voire même d’un GMF à l’autre. « On observe des écarts importants entre la pratique et ce qui est recommandé par les autorités, rapporte Marie-Ève Poitras. Dans bien des cas, les infirmières pourraient répondre à plus de besoins. » Un constat d’autant plus significatif que les patients atteints de maladies chroniques forment la principale clientèle des soins de première ligne : 90 % de la clientèle des GMF sont des patients atteints de deux maladies chroniques ou plus, telles que le diabète ou l'hypertension.

Malgré les 10 ans d’existence des GMF, on en sait peu sur ce qui préside au rôle et aux interventions des infirmières. Le manque de données probantes se fait criant et nuit à l’atteinte d’un des objectifs principaux des GMF, qui est d’élargir l’accès aux soins pour le bénéfice de tous les Québécois.

C’est dans ce contexte, par ailleurs, que les infirmières de première ligne viennent de se voir confier le pouvoir d’améliorer le dépistage et le suivi des maladies chroniques. Annoncée le 25 mars par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Réjean Hébert, cette mesure permettra à des Québécois atteints de maladies chroniques de renouveler leurs ordonnances directement avec l’infirmière, sans passer par le médecin, le tout par le biais d’une ordonnance collective. Les infirmières pourront ainsi intervenir et contribuer à l’amélioration des soins. À condition que ces nouveaux pouvoirs qui leur sont confiés soient bel et bien mis à profit.

Car bien que les suivis effectués par les infirmières entraînent des effets positifs sur la santé des patients, le rôle attribué à ces infirmières, dans les faits, est étroitement lié au niveau de collaboration entre médecins et infirmières d’un même GMF. Cette collaboration est elle-même tributaire de la relation de confiance qui unit les deux professionnels. « Mon hypothèse, soutient Marie-Ève Poitras, est que la vision du rôle de l’infirmière au sein des GMF varie d’un milieu à l’autre et qu’elle peut être liée à la méconnaissance du potentiel infirmier. »

Connaître la pratique infirmière pour élargir l’accès aux soins

Pour vérifier son hypothèse et combler l’absence de données probantes, Marie-Ève Poitras veut décrire en profondeur les rôles et les interventions de l'infirmière en GMF lors du suivi des patients atteints de maladies chroniques. Son projet vise également à cerner les barrières de même que les facteurs qui facilitent leurs interventions. Elle s’attardera à décrire comment ces interventions prennent forme au sein de la collaboration infirmière\médecin de même qu’au sein de la collaboration infirmière\infirmière praticienne en soins de première ligne. Saisissant l’opportunité au vol, la doctorante documentera également l’implantation des nouveaux pouvoirs donnés aux infirmières, en vigueur dès le 15 avril, et qui leur permettront de renouveler certaines ordonnances.

Ainsi, la doctorante analysera les cas de sept GMF recrutés dans l’ensemble du Québec, par le biais d’entrevues réalisées auprès d’infirmières, de médecins et de patients atteints de maladies chroniques. Une enquête plus élargie sera aussi menée auprès de l’ensemble des GMF du Québec, qui seront sollicités pour remplir un questionnaire électronique exhaustif. « Les résultats devraient mettre en relief des pratiques novatrices de suivi et de collaboration pour le bénéfice des patients atteints de maladies chroniques », précise l’étudiante-chercheure, fournissant ainsi des pistes pour uniformiser la pratique infirmière dans les GMF.

Son enquête est dirigée par la professeure Frances Gallagher, de l’École des sciences infirmières de l’UdeS. Marie-Ève Poitras s’est aussi adjoint deux codirecteurs : la professeure Maud-Christine Chouinard, du Département des sciences infirmières de l’Université du Québec à Chicoutimi, ainsi que le professeur Martin Fortin, du Département de médecine de famille de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’UdeS. Le professeur Fortin est titulaire de la Chaire de recherche appliquée des IRSC sur les services et politiques de santé en maladies chroniques en soins de première ligne. Marie-Ève poursuit d’ailleurs son doctorat au sein de cette chaire, qui origine d’une collaboration entre la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’UdeS ainsi que le Centre de santé et de services sociaux de Chicoutimi.

Les premiers résultats de son enquête sont attendus au printemps 2014.