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Quatre étudiantes de médecine au Rwanda

Partir et revenir… pour repartir?

Laurence Lapointe, Camille Latreille, Marie-Philippe Bergeron et Stéphanie Lanthier-Labonté, étudiantes en médecine à l’Université de Sherbrooke.

Laurence Lapointe, Camille Latreille, Marie-Philippe Bergeron et Stéphanie Lanthier-Labonté, étudiantes en médecine à l’Université de Sherbrooke.


Photo : fournie

«J’ai réalisé un rêve de longue date. Je voulais voir ce qu’on disait sur la relève surprenante du Rwanda à la suite du génocide de 1994.»

Telle est la réflexion de Camille Latreille, étudiante en médecine, au retour d’un stage d’observation clinique de quatre semaines au Rwanda. Ce rêve, elle l’a partagé avec Stéphanie, Marie-Philippe et Laurence, aussi étudiantes à la Faculté de médecine et des sciences de la santé. Si chacune avait ses propres raisons de partir, les quatre jeunes filles tenaient surtout à constater ce qu’est la vie de médecin en Afrique. Un voyage au pays des 1000 collines, au milieu desquelles elles ont apprivoisé le manque criant de ressources, tant du côté de la pratique que de celui des patients. Les quatre futures médecins y reviendront peut-être un jour.

Hôpital de Kabutare, Butare, Rwanda

Puisque les étudiantes n’avaient pas encore acquis toutes les compétences pour pratiquer, le stage en était un d’observation. Le projet a été réalisé en collaboration avec la Fédération internationale des associations d’étudiants en médecine, qui a pour mission de mobiliser les futurs médecins pour les enjeux sociaux, culturels et mondiaux de la santé. Par des ateliers de formation, l’organisme a pu aider les jeunes filles à améliorer leur préparation au contexte interculturel, même si cette préparation n’est toujours que partielle.

Extraits du journal de Stéphanie Labonté-Lanthier

«Le lundi 21 juillet. Le Dr Prince, médecin-chef de l’hôpital et responsable de notre stage, nous accueille au staff meeting dès 7 h. Ensuite, nous faisons le tour des différents services pour nous repérer dans l’hôpital : médecine interne, pédiatrie, maternité, gynécologie-obstétrique, néonatalogie, urgence, chirurgie, physiothérapie, et aussi l’aile des prisonniers hospitalisés. Nos emplois du temps changeront chaque semaine. Pour ma part, je débute en chirurgie et lorsque la tournée des patients est terminée, je peux visiter les autres services.»

Les pathologies rencontrées dans le petit hôpital rwandais sont bien différentes de celles qui touchent les Canadiens. Les stagiaires apprennent sur le traitement du paludisme, de la tuberculose et du VIH, des maladies courantes en Afrique.

«Nous arrivons généralement vers 7 h 30; nous nous changeons en scrub et après la réunion du personnel, qui se déroule en français et en kinyarwanda, nous nous rendons dans nos départements respectifs pour suivre le travail des infirmiers et des médecins. Nous dînons de pain, d’avocats et de légumes achetés au marché. Nous reprenons le stage à 12 h 40 puis revenons à pied à Mukoni, chez nous, soit 40 minutes de marche.»

En dépit des différences, les quatre étudiantes québécoises reconnaissent aux médecins de Kabutare – que des généralistes! – un fort bagage de connaissances, larges et diversifiées. «Tout simplement, écrit Camille Latreille, ils n’ont pas toutes les ressources nécessaires pour les mettre en pratique.»

Mukoni, la ville où les étudiantes ont séjourné, vue du chemin au retour de l'hôpital.

Mukoni, la ville où les étudiantes ont séjourné, vue du chemin au retour de l'hôpital.


Photo : fournie

Au Rwanda comme à plusieurs endroits en Afrique, les patients hospitalisés doivent compter sur eux-mêmes pour subvenir à leurs besoins fondamentaux, ce qui bouleverse quelque peu les stagiaires. Véritables préposées aux bénéficiaires, les familles s’occupent de nourrir, laver et changer les malades. L’hôpital possède même un bâtiment pour accueillir les familles, où elles peuvent faire la cuisine et la lessive. «Comment font les patients qui n’ont pas de familles ou d’amis?», se demande Camille, qui dit aussi avoir été témoin d’une grande solidarité entre les patients, certains n’hésitant pas à partager nourriture et vêtements. Heureusement, le «service social» en place prend en charge du mieux qu’il peut les patients orphelins.

Réflexions sur la vie au Rwanda
Extraits du journal de Stéphanie Labonté-Lanthier

«Vingt ans après le génocide rwandais, ce pays s’est bien repris en mains et mis à part les mémoriaux et les musées, on ne pourrait pas deviner son passé. On ne ressent pas de tension sociale et on se sent en sécurité lorsqu’on circule dans les rues. Les gens sont très polis et accueillants.»

«Le souper est pris vers 21 h et il est difficile de s’adapter à manger aussi tard. Nous passons nos après-midis au gym ou à laver notre linge à la main, sous les moqueries de nos «sœurs» rwandaises qui prennent plaisir à nous enseigner la bonne technique! Parfois nous révisons les pathologies observées ou allons marcher dans les rues, sous les rires des enfants qui nous désignent en criant «Muzungu» (Blanc en français).»

Revenir... pour repartir?

Marie-Philippe réalise qu’il est plus difficile qu’elle ne le croyait d’être témoin de tout cela sans pouvoir aider, même médicalement. «Beaucoup d’enfants meurent à la naissance. Il y aussi le fait que les patients souffrent beaucoup, car ils ne reçoivent pas toujours un analgésique. Et quand la famille n’a pas l’argent nécessaire pour payer les soins, le patient demeure sans traitement. Comme cet enfant atteint de paludisme qui reste à l’hôpital, mais dont le cas ne cesse d’empirer. Et puis, les patients n’expriment aucune forme de douleur ou de souffrance.»

Laurence, pour sa part, constate qu’elle est capable de composer avec des situations émotivement difficiles. «J’ai rencontré des patients dont les nouveau-nés étaient aux prises avec des pathologies sévères et parfois incurables, dit-elle. Malgré tout, j’arrive à garder mon sang-froid tout en éprouvant de la compassion.» Elle est plus que jamais motivée à continuer ses études en médecine pour soigner ses futurs patients le mieux possible.

Puisque la médecine de famille fait partie de ses choix pour la résidence, Laurence Lapointe envisage d’intégrer le microprogramme de l’UdeS en santé internationale. «Je voudrais sûrement repartir lorsque je serai médecin diplômé mais à raison de quelques semaines à la fois, dit-elle. Je pense qu’il serait plus difficile de m’adapter si je devais rester à l’étranger sur une base permanente.» Stéphanie, Camille et Marie-Philippe partagent également l’ambition de recommencer l’expérience mais à condition d’avoir terminé leurs études. «Partir en tant que médecin sans frontière, oui, mais pas tant que nous ne pourrons agir pleinement comme médecins.»