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Réduire les risques liés à l’injection de drogues : c’est possible !

L’entretien motivationnel pour réduire les comportements à risque de transmission du VIH et du virus de l’hépatite C chez les personnes qui consomment des drogues injectables

Saviez-vous que l’injection de drogues demeure l’une des grandes causes de transmission des virus de l’hépatite C (VHC) et du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ?

En effet, selon l’Institut national de santé publique du Québec, les deux tiers des personnes utilisatrices de drogues injectables à Montréal sont infectées par le VHC et près de 15 % par le VIH. En matière de transmission entre consommateurs, en plus des risques sexuels, les scientifiques incriminent le partage de seringues, ou d’autres matériels utilisés pour l’injectiona. Pour y remédier, la pratique largement employée au Québec est la distribution gratuite de matériels stériles, principalement dans les organismes communautaires dédiés aux personnes qui utilisent des droguesb.

Malgré tout, la distribution ne garantit pas l’utilisation adéquate du matériel. Une solution envisageable est alors proposée : développer la motivation des consommateurs à adopter des comportements d’injection sécuritaires. Mais est-ce efficace ?

Une recherche ambitieuse

La Pre Karine Bertrand du Département des sciences de la santé communautaire de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et ses collaborateurs ont réalisé une étude expérimentale de grande ampleur auprès de 219 utilisateurs de drogues injectables qui ont fréquenté des organismes communautaires à Montréal entre 2008 et 2012. Les chercheurs ont relevé le pari d’évaluer s’il est possible d’intervenir brièvement et efficacement grâce à l’entretien motivationnel afin de diminuer le partage de matériel d’injection auprès des personnes utilisatrices de drogues injectables. La rigueur de l’étude a permis de publier les résultats dans la très reconnue revue Addiction.

L’entretien motivationnel : un choix éclairé

Les chercheurs ont choisi d’évaluer l’entretien motivationnel, une intervention brève jugée adaptée aux personnes utilisatrices de drogues injectables. Pre Bertrand souligne : « Ces personnes forment une clientèle qui souvent se présente de manière irrégulière. Cette clientèle n’est pas toujours en capacité ou intéressée à s’engager dans une intervention à long terme »c.

Le devis de l’étude a permis de comparer les effets d’une intervention basée sur l’entretien motivationnel aux effets d’une session éducative, reposant chacune sur une seule rencontre d’une trentaine de minutes entre un intervenant et un utilisateur de drogues injectables. La distinction entre ces deux interventions réside dans le style de communication de l’intervenant.

L’entretien motivationnel repose sur la collaboration et facilite la motivation personnelle et l’engagement vers un changement de comportement » explique Pre Bertrand. « L’intervention éducative consiste, quant à elle, en une démonstration pratique de l’utilisation adéquate du matériel stérile combinée à de l’information sur les risques encourus lors du partage de matériel et les comportements sécuritaires à adopter

Deux interventions brèves efficaces à implanter

Les résultats révèlent qu’autant l’entretien motivationnel que l’intervention éducative diminuent les pratiques d’injection à risque six mois après avoir rencontré l’intervenant.

Fait intéressant, comparé à l’intervention éducative, l’entretien motivationnel est encore plus efficace pour diminuer le partage de tout le matériel d’injection et du contenant de préparation.

L’équipe de chercheurs recommande aux gestionnaires et intervenants en dépendance de réaliser à la fois des interventions motivationnelles et éducatives qui ont l’avantage d’être brèves et implantables dans les sites d’échange de matériels stériles, lieu de contact privilégié avec cette clientèle. Les auteurs de l’étude rappellent l’avantage de l’intervention éducationnelle qui n’exige que peu de formation pour les intervenants comparativement à l’entretien motivationnel.

Cette étude est une des rares à évaluer si une intervention brève d’une trentaine de minutes fait la différence. Les chercheurs ont relevé leurs manches et ont tenu le pari qu’ils s’étaient lancé : montrer l’efficacité de l’entretien motivationnel auprès des personnes utilisatrices de drogues injectables pour réduire les comportements de partage de matériels en cause dans la transmission du VIH et du virus de l’hépatite C.

a http://www.catie.ca/fr/guides-pratiques/hepatitec-detaille/prevention-reduction-mefaits/s-injecter-facon-plus-securitaire

b http://santesaglac.com/medias/centres_acces_materiel_injection.pdf

c Bertrand, K., Roy, E., Vaillancourt, E., Vandermeerschen, J., Berbiche, D., & Boivin, J-F. (2015). Randomized controlled trial of motivational interviewing for reducing injection risk behaviours among people who inject drugs. Addiction, 110, 832–841. (traduction libre de citations)