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Concours de vulgarisation scientifique FMSS 2016 | finaliste

Recevoir un surplus de poids en héritage

Photo : Fournie

L’obésité est un problème alarmant partout sur la planète. Les conséquences d’une accumulation de graisse vont du diabète, aux maladies cardiaques et même jusqu’à la mort. Ces complications contribuent à faire de l’obésité un fardeau financier en hausse constante pour notre pays avec plus de 4,5 milliards de dollars annuellement.1

Les problèmes d’obésité commencent malheureusement de plus en plus tôt. Au Canada, le nombre d’enfants en surpoids ou obèses a presque triplé entre 1978 et 2004.² Aujourd’hui, au Québec, un enfant sur 10 souffre d’obésité. ³ Le mode de vie actuel, c’est-à-dire une alimentation riche en gras et en sucre combinée à un manque d’activité physique, est blâmé. Désormais, on sait aussi qu’on peut avoir une prédisposition génétique à développer un surplus de poids.

Cette prédisposition est un handicap métabolique qui s’installe très probablement avant la naissance, souligne le Pr Luigi Bouchard, du Département de biochimie de la FMSS. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Organisation Mondiale de la Santé a souligné l’importance de la santé de la mère avant et pendant la grossesse pour prévenir l’obésité infantile.

Les travaux du Pr Bouchard visent à comprendre comment le développement de l’enfant durant la vie fœtale influence sa croissance et sa santé.

La Commission sur les moyens de mettre fin à l’obésité de l’enfant œuvre depuis 2014 pour chercher des solutions pour combattre ce fléau. Plus de 100 états membres de l’OMS ont été consultés pour préparer ce rapport4. Voici les principales pistes de solutions proposées :

- Favoriser une alimentation saine
- Encourager l’activité physique
- Surveiller les habitudes de vie et le poids des enfants
- Voir à la santé de la mère avant et pendant la grossesse

Le diabète de grossesse touche jusqu’à 20 % des femmes enceintes. Il est l’un des principaux facteurs de risque de l’obésité dans l’enfance.5 Le diabète de grossesse s’explique par un déséquilibre entre le sucre dans le sang et l’hormone chargée de le dégrader : l’insuline. Ainsi, chez une mère diabétique, le sucre anormalement élevé se rend de la mère jusqu’à l’enfant en traversant le placenta. L’insuline, elle, ne franchit pas la barrière placentaire. En conséquence, l’enfant va produire sa propre insuline. Or, l’insuline ne sert pas seulement à dégrader l’excès de sucre, elle va aussi favoriser la formation des tissus graisseux chez l’enfant.

Idéation: Valérie Gagné-OuelletConception: Marie-Hélène Lambert
Idéation: Valérie Gagné-Ouellet
Conception: Marie-Hélène Lambert

On remarque que les bébés de mères diabétiques sont souvent plus gras à la naissance et ont donc un plus grand risque de souffrir d’obésité plus tard dans la vie. Peut-on dire qu’ils sont donc prédisposés à être obèses? Dans le domaine médical, on appelle ce phénomène la programmation fœtale puisque les effets néfastes ont été inscrits dans le programme épigénétique pendant la grossesse.

Quand l’ADN est perturbé

Notre corps est composé de cellules. Chaque cellule contient un code génétique : l’ADN. Ce code génétique est le manuel d’instruction pour que notre corps puisse fonctionner. Toutefois, lire les instructions contenues dans le code génétique n’est pas aussi simple. Effectivement, des molécules chimiques ou marques épigénétiques (au-dessus de la génétique), peuvent s’ajouter à l’ADN et perturber la lecture de ce code.

Ces marques épigénétiques sont sensibles aux signaux de l’environnement, incluant ceux provenant de la mère pendant la grossesse. Ces marques épigénétiques peuvent être conservées tout au long du développement de l’enfant et même après la naissance. Elles pourraient donc être impliquées dans la programmation de la santé notamment pour plusieurs maladies graves, dont l’obésité et ses complications.6 Il est donc primordial de comprendre comment, où et pourquoi sont ajoutées ces perturbations épigénétiques.

Un lien avec le bon et le mauvais gras?

Les scientifiques ont longtemps pensé qu’il n’y avait qu’une sorte de gras, soit le tissu adipeux blanc, qui sert à emmagasiner l’énergie dans les cellules, entre autres fonctions. Ils savent aujourd’hui qu’il existe aussi le tissu adipeux brun, considéré comme le bon gras puisqu’au lieu d’emmagasiner les graisses, il les dégrade pour produire de la chaleur.

L’étude menée par le Pr Bouchard a démontré qu’il y avait des perturbations épigénétiques chez les enfants de mères diabétiques et que ce dérèglement touche des régions du code génétique impliquées dans la formation du tissu adipeux brun.7 Ces perturbations augmenteraient la formation du tissu adipeux blanc au détriment du tissu adipeux brun chez ces enfants : ils seraient donc plus susceptibles de développer de l’obésité dans l’enfance.

Aucune pilule miracle!

Il existe plusieurs pistes de solutions visant à combattre l’épidémie d’obésité actuelle. Parmi ces options, il y a la chirurgie bariatrique et les médicaments qui diminuent l’appétit. Or, les stratégies mises en place pour faire baisser le taux d’enfants en surpoids et obèses se sont avérées jusqu’à présent inefficaces.8 Cela justifie donc que les chercheurs essaient actuellement de trouver de nouvelles avenues de traitements. Peut-être qu’en stimulant la production de tissu adipeux brun on parviendrait à prévenir le surpoids de ces enfants? Il reste toutefois beaucoup de travail à faire pour en arriver là. D’ici l’apparition d’une pilule miracle contre l’obésité, il faudra continuer de sensibiliser les gens sur l’importance d’adopter de saines habitudes de vie, en particulier durant la grossesse et l’enfance.

À propos de l’auteure, Valérie Gagné Ouellet

Valérie a débuté son parcours en sciences en effectuant un baccalauréat en biologie à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Son intérêt pour la génétique humaine s’est intensifiée lors d’un stage dans le laboratoire de la Pre Catherine Laprise, titulaire de la Chaire de recherche en santé du Canada sur l’environnement et la génétique des troubles respiratoires et de l’allergie à l’UQAC.

Elle y a donc réalisé une maîtrise en médecine expérimentale visant à documenter l’impact de l’environnement sur certains gènes de l’inflammation chez des patients asthmatiques. La réalisation de son projet a été possible grâce à un stage de formation en épigénétique dans l’équipe du Pr Luigi Bouchard, professeur agrégé au Département de biochimie de l’Université de Sherbrooke. Elle a ensuite choisi de poursuivre sa formation au doctorat en biochimie sous la supervision du Pr Bouchard.

Son projet de doctorat permettra de mieux comprendre comment la santé de la mère pendant la grossesse affecte le développement de l’enfant à naître et sa santé à plus long terme.

En parallèle avec ses études, Valérie est impliquée dans la Corporation de Recherche et d’Action sur les Maladies Héréditaires (CORAMH) du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cet organisme a pour mission de sensibiliser la population de la région aux maladies génétiques fréquentes dans la région. Originaire de la région et avec un bagage de connaissances en génétique humaine, Valérie a été interpelée par la mission de l’organisme.

Au terme de sa formation, Valérie aspire à faire carrière en recherche dans le domaine de la santé humaine. Outre ce besoin d’assouvir sa curiosité constante, transmettre son savoir devra faire partie de son quotidien.