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Concours de vulgarisation scientifique 2016 : lauréate

Comprendre une surprenante structure cellulaire nommé G-quadruplex

Les G4 se forment lorsque quatre séries de guanines, un des quatre nucléotides composant l’ARN.

Les G4 se forment lorsque quatre séries de guanines, un des quatre nucléotides composant l’ARN.


Photo : Josiann Normandeau-Guimond

G-quoi ? Il s’agit d’une curieuse structure cellulaire qui joue un rôle dans certaines maladies, dont le cancer. Comparables à de l’origami, les G4 se forment lorsque quatre séries de guanines, un des quatre nucléotides composant l’ARN, s’assemblent pour former un carré. Tout comme des feuilles de papier, ces carrés peuvent s’empiler les uns sur les autres afin de former un bloc. Les coins des carrés sont reliés par des boucles de nucléotides rappelant le fil qui relie un bouton à une chemise. Un sel, le plus souvent du potassium, sert de colle afin de maintenir l’arrangement.

Une équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke, dirigé par le Pr Jean-Pierre Perreault, du Département de biochimie, a démontré que la longueur des boucles pouvait être supérieure à celle observée habituellement, ce qui augmenterait la quantité de G-quadruplex estimée au départ. En plus de jouer un rôle majeur sur le fonctionnement des gènes, ces structures semblent intervenir au niveau de la formation de cancer. Puisque de plus en plus de séquences semblent pouvoir les former, il devient primordial de comprendre les effets qu’ils ont sur le corps humain. Après tout, c’est en trouvant les morceaux du casse-tête un à la fois que l’on finit par avoir une idée plus claire de l’image. Mais comment y parvenir ?

Avant les dinosaures, il y avait…

Chaque être vivant est composé d’une multitude de cellules invisibles à l’œil nu, chacune d’elles contenant l’information génétique qui permet notre développement : il s’agit de l’ADN. À chaque instant, de petites machines cellulaires parcourent ce long fil d’information afin de produire des ARN, qui seront eux-mêmes transformés en protéines par une protéine nommée ribosome. Il existe presque autant de protéines différentes qu’il y a d’habitants à Montréal, et toutes ont un rôle important. Or, il arrive que les ribosomes soient incapables de les produire à cause d’une structure qui empêche leur passage sur l’ARN. Il s’agit de l’effet présumé des G4 : le ribosome prend plus de temps à surmonter l’obstacle et façonne moins de protéines, ce qui se reflète sur le fonctionnement du corps. Il arrive que la présence du G4 diminue la production de certaines protéines, bien que l’inverse soit également possible. Dans les deux cas, cela peut mener au développement d’un cancer.

Tout comme n’importe quelle machine, le corps humain vieilli et s’use au fil des années. Bien que les cellules se renouvellent continuellement, il arrive qu’elles fassent des erreurs lors de leur réplication, à la manière d’une faute de frappe. Tout comme une coquille dans un texte, celle-ci pourrait être répétée à chaque exemplaire si elle n’est pas corrigée : c’est exactement ce qui se produit dans le développement de cancer. Bien qu’elles soient le plus souvent rectifiées, les erreurs, mieux connues sous le nom de mutation, s’accumulent jusqu’à ce qu’il y ait dérèglement : les cellules se multiplient de façon incontrôlable et forment des tumeurs. Il existe plusieurs facteurs qui favorise la prolifération cellulaire, dont les plus connus sont le tabac et certains polluants. Cela dit, tous les paramètres qui affectent la prolifération des cellules peuvent un jour ou l’autre favoriser ce type de maladie, y compris les G-quadruplexes.

Dans une cellule près de chez vous

Chez l’humain, plus de 376 000 séquences potentielles modifiant des gènes sont estimées, mais cette approximation ne prend en compte que des G4 à courtes boucles. Des outils informatiques sont utilisés afin de prédire les séquences d’ARN qui pourraient former un G-quadruplex. Comme pour une recherche Google, il est possible d’entrer des paramètres correspondant au type de G4 souhaité : le nombre de feuilles empilées, la longueur des boucles ou la stabilité de la structure. Dès que les structures potentielles sont identifiées, il faut valider leur effet : la séquence d’ADN contenant le G4 est introduite dans des cellules, suivi d’une séquence permettant la production d’une protéine lumineuse identique à celle que produit la luciole. Si le G4 diminue l’expression de la protéine, il est possible de le détecter par la baisse de la lumière, et vice-versa.

Comme les G-quadruplex peuvent se retrouver presque partout dans l’information génétique et que leurs effets sont variés, les étudier permet de comprendre comment s’en servir ! Ainsi, il est possible de développer des traitements qui stabiliseront la structure dans les cas où c’est avantageux, où encore qui la déplieront afin de rétablir la production de protéine normale. D’ailleurs, les chercheurs sont confiants : des boucles plus longues laissent croire qu’il serait encore plus facile de les cibler par des médicaments, puisqu’il y a plus de place pour permettre au composé d’agir. Comme quoi il n’y a pas que les G4 qui se plient aux règles du jeu !

À propos de l’auteure

Josiann Normandeau-Guimond
Josiann Normandeau-Guimond

Josiann Normandeau-Guimond s’intéresse aux sciences depuis son plus jeune âge. Bien qu’elle ait toujours eu l’envie d’effectuer de la recherche, c’est un projet de vulgarisation scientifique qui la décida sur son domaine de prédilection : la microbiologie. Désormais étudiante au baccalauréat en microbiologie de l’Université de Sherbrooke, elle poursuit sa passion pour la communication en s’impliquant avec Parlons Science, un organisme permettant d’expliquer la science à des élèves de primaire. L’objectif de cette association est non seulement d’éduquer, mais également de sensibiliser et d’inciter à la curiosité dans divers axes portés sur les sciences : biologie, physique, ingénierie et bien plus. Pour la suite de ses études, Josiann souhaite entamer une maitrise en microbiologie appliquée, en plus de poursuivre au certificat en communication scientifique.