Aller au contenu

Emma Campillo Munoz, stagiaire postdoctorale

Rencontres extraordinaires autour de la physique quantique

Emma Campillo Munoz, originaire de l'Espagne, fait partie de l'équipe de recherche du professeur Louis Taillefer.
Emma Campillo Munoz, originaire de l'Espagne, fait partie de l'équipe de recherche du professeur Louis Taillefer.
Photo : Martin Blache, collaborateur

À l’Institut quantique comme dans la vie, Emma Campillo Munoz sait profiter des rencontres, autant pour parfaire sa 3langue qu’est le français, pour se poser en fière ambassadrice des sciences fondamentales, que pour s’inspirer des plus grands de ce monde.

Arrivée à l’UdeS en 2023, la stagiaire postdoctorale de l’équipe du professeur Louis Taillefer n’a pas perdu une minute pour s’investir dans sa nouvelle université, sa nouvelle ville, son nouveau pays et la pratique d’une nouvelle langue qu’elle maitrise après seulement 2 ans. Emma est engagée autant dans ses recherches que dans les nombreuses activités de l’Institut quantique, comme les midis-langues et les activités de vulgarisation comme les Bistro Brain, que dans les activités multiculturelles de Sherbrooke.

À l’été 2024, sa passion pour la recherche scientifique l’a menée à la 73rencontre Lindau des lauréats de prix Nobel, un rare privilège pour faire le plein d’inspirations, de rencontres et se rassurer sur son choix de carrière en recherche fondamentale.

De l’astrophysique en Espagne aux supraconducteurs en Suède… en passant par l’Angleterre

C’est son intérêt pour l’astrophysique qui l’incite d’abord à faire ses études universitaires en physique. Rapidement, Emma passe du monde de l’infiniment grand à celui de l’infiniment petit en se tournant vers la physique des particules pour son baccalauréat. Elle réalise ses deux premières années d’études à l’Université de Murcie, uun établissement fondé au XIIIsiècle, puis décide de compléter son diplôme par deux années à Madrid.

« J’étais intéressée par la physique de la matière condensée, et l’Université de Madrid offrait davantage de possibilités. C’est une physique que je peux toucher, que je peux expérimenter, manipuler. Mon tuteur, Adolfo Bastida, m’a fortement encouragée à saisir cette opportunité. Il a été ma première inspiration en recherche. Sans oublier mes parents qui, sans connaitre le milieu de la recherche, m’ont soutenue et m’ont surtout fait confiance. »

Toujours en Espagne, une maitrise en science quantique et technologie à l’Universidad del País Vasco (Université du Pays basque ) / Euskal Herriko Unibertsitatea (UPV/EHU) marque le début de ses études supérieures alors qu’un stage effectué à l’Université de Birmingham sera à l’origine d’une rencontre importante. « J’ai complété ma maitrise et amorcé mon doctorat dans le laboratoire de la Pre Elizabeth Blackburn. Lorsque la professeure Blackburn a décroché un poste à l’Université de Lund, en Suède, j’ai décidé de la suivre. »

C’est donc ainsi qu’Emma Campillo Munoz s’est retrouvée dans ce pays nordique pour y étudier les supraconducteurs de type 2 avec de la diffraction de neutrons. « Lorsque tu appliques un champ magnétique à un échantillon, le champ magnétique traverse l’échantillon en forme de vortex. J’ai étudié la formation et la distribution de ces vortex avec la diffraction des neutrons. »

Jusqu’à Sherbrooke

« Je n’ai pas de peurs » était sa devise alors qu’elle décidait d’entreprendre un postdoctorat dans un sujet différent.

J’ai demandé des suggestions à mon entourage, et le nom de Louis Taillefer s’est retrouvé tout en haut de ma liste. Nous avons tenu une rencontre virtuelle où j’ai eu l’occasion de parler avec ceux qui allaient devenir mes collègues.

La rencontre avec Louis Taillefer, jumelée avec son souhait d’apprendre le français, l’ont guidée vers l’Université de Sherbrooke et son Institut quantique.

Dans ce parcours déjà riche, c’est un grand saut, car en plus de s’intéresser aux supraconducteurs, Emma élargit désormais ses recherches aux matériaux quantiques dans leur ensemble avec une technique différente pour les étudier. « Ici, nous étudions comment la chaleur se distribue à travers l’échantillon à très basse température et à très haut champ magnétique. Ça nous aide à comprendre la structure des matériaux et aussi à observer des phénomènes uniques comme l’effet Hall thermique. Il y a plusieurs facteurs et caractéristiques que l’on peut ainsi observer, car le transport thermique dépend notamment du type, de la composition et de la structure cristalline du matériau. »

Rencontrer les lauréats des prix Nobel!

Du 30 juin au 5 juillet dernier, sur l’île de Lindau en Allemagne, se tenait la 73e édition des rencontres des lauréats du prix Nobel, un événement qui met en lien de jeunes scientifiques et 37 lauréats et lauréates. Emma faisait partie des quelque 650 scientifiques de la nouvelle génération triés sur le volet pour passer une semaine en compagnie de ces sommités, alors que l’année 2024 mettait la physique à l’honneur.

Emma gardera de précieux souvenirs de son passage à Lindau. Elle tient la médaille du professeur Duncan Haldane, lauréat du prix Nobel de physique 2016.
Emma gardera de précieux souvenirs de son passage à Lindau. Elle tient la médaille du professeur Duncan Haldane, lauréat du prix Nobel de physique 2016.
Photo : fournie

Ces rencontres encouragent les échanges entres les scientifiques de cultures et de disciplines différentes sur leurs enjeux, défis et réalités. Si les sessions plénières et agoras calquent le format magistral, c’est lors des repas et des pauses que lauréates, lauréats et scientifiques ont l’occasion d’avoir des échanges significatifs.

Emma a ainsi pu converser avec la Pre Donna Strickland, lauréate canadienne du prix Nobel de physique en 2018. La lauréate ayant visité l’Institut quantique en janvier 2023, c’était une première rencontre entre les deux. Emma a aussi rencontré le PAlain Aspect, lauréat du prix Nobel de physique en 2022 et docteur d’honneur de l’UdeS, qui se souvenait d'ailleurs très bien de sa visite à Sherbrooke.

Peu avant son départ, Emma souhaitait rencontrer une lauréate en particulier, Anne l’Huillier, lauréate du prix Nobel de physique en 2023 et professeure à la même université où Emma a obtenu son doctorat. « J’étais tellement contente de la rencontrer. Je la suivais avant même qu’elle gagne un prix Nobel. Elle nous a partagé sa vision si réaliste de la science. C’est réellement quelqu’un de vrai et d’humble. »

Confirmer ses choix

C’est à l’occasion d’une table ronde, alors que jeunes scientifiques et personnes lauréates des prix Nobel discutaient des nouvelles technologies quantiques, qu’Emma s’est sentie concernée par le commentaire d’un professeur et a décidé de prendre la parole. Le commentaire faisait référence à l’importance de la recherche fondamentale. Le rappel que les recherches en mécanique quantique ont débuté afin de prouver la théorie, pas nécessairement pour une application industrielle, a légitimé le parcours d’Emma, son propre sujet de recherche n’ayant pas d’application spécifique dans l’industrie.

« J’étudie des matériaux quantiques avec transformateur thermique et diffraction des neutrons. Il y a un intérêt dans la physique de ses matériaux, mais pas forcément dans l’application. J’ai partagé mon expérience et je me suis ouvert avec le public. J’espère qu’au moins quelques personnes ont pu s’identifier à mes mots. »

Un réseau essentiel et rassurant

Le parcours d’Emma Campillo Munoz est rempli d’expériences mémorables, mais ce sont, par-dessus tout, les gens et les rencontres qui la marquent. « Cette expérience à l’île Lindau arrivait à un moment tellement important de ma vie. J’avais besoin d’entendre la réalité de tous ces gens », raconte-t-elle.

L’honnêteté des personnes lauréates des prix Nobel a été très rassurante, eux-mêmes avouant avoir vécu les mêmes doutes qu’elle. Emma a aussi pu faire la connaissance de plusieurs jeunes stagiaires postdoctoraux, comme elle. « J’ai réalisé qu’il y a des personnes comme moi et qui peuvent me comprendre. C’est une sensation difficile à décrire. Cet esprit de communauté, se sentir écouter. »

Emma ne souhaite pas cacher les défis venant avec la vie universitaire. Les échecs sont inévitables, mais c’est ce genre de rassemblement, ce réseau, qui aide à continuer.

Il y a des moments où tu doutes de ta passion, tu n’es pas sûre que tu es préparée pour le monde de la recherche. Cette expérience particulière m’a rappelé pourquoi j’ai choisi cette voie.

Emma a récemment reçu une bourse pour étudiant étranger du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies et pourra prolonger son passage à l’Institut quantique, toujours avec le souhait de poursuivre une carrière dans le monde universitaire en recherche et en enseignement.

Cependant, la question demeure pour ce qui est d’où je pourrai réaliser cet objectif...


Informations complémentaires