UdeS amie des aînés
L'université... après 50 ans
S’asseoir sur les bancs de l’université à 50, 60 ou 70 ans? C’est possible... C’est même couru! De 120 en 1976 à 22 000 l’année passée, les inscriptions ont explosé à l’Université du troisième âge. Beaucoup grâce à elle et au Centre de recherche sur le vieillissement, l'UdeS a reçu la reconnaissance Université amie des aînés le 16 janvier dernier.
Apprendre pendant toute sa vie
À l’évidence, depuis sa création, l’Université du troisième âge (UTA) propose des activités pédagogiques adaptées aux attentes des aînés.
Les étudiants cherchent d’abord les connaissances, explique la directrice, Monique Harvey. La formation de l’UTA est distincte de celle offerte ailleurs à l’UdeS. Sa finalité n’est pas professionnelle; elle répond plutôt à un besoin de se former tout au long de sa vie, de s’instruire sans contraintes. Et elle aide à briser l’isolement.
Apprendre garde donc les étudiants de l’UTA vifs et branchés sur leur monde. « Le portrait des retraités a changé et change encore. De plus en plus d’entre eux explorent des activités qui les stimulent, qui mettent à profit leurs fonctions cognitives », souligne Monique Harvey, pour qui l’éducation et la prévention sont les secrets d’un vieillissement positif. Elle souhaite d’ailleurs que ces idées clés sous-tendent toutes les activités de l’UTA, partout où elles se tiennent. C’est que l’UTA couvre 11 régions du Québec et près de 50 villes.
Le mot d’ordre? Accessibilité.
Les cours donnés le sont au plus petit prix possible. Le contenu est vulgarisé, afin d’ouvrir la porte à qui est intéressé, peu importe son cheminement scolaire antérieur. Le seul critère d’inscription est d’avoir atteint l’âge de 50 ans.
Mais les classes sont la pointe de l’iceberg : les aînés participent au développement de l’offre de cours.
Concevoir son propre cheminement
Comités, colloques, tables rondes, sondages, évaluations… Tous ces moyens servent à comprendre ce qui passionne les aînés. La réponse? Des sujets éclatés et actuels : les maladies génétiques, les enjeux géopolitiques en Arctique, la portée culturelle des jardins japonais, et la liste continue longtemps. Chaque année, quelque 600 personnes participent bénévolement au processus.
L’implication d’aînés bénévoles confère à l’UTA toute sa vie, souligne Monique Harvey. Elle lui donne une couleur particulière.
Elle remarque d’ailleurs que l’engagement des bénévoles change au même rythme que la réalité des retraités. Elle souhaite que l’UTA continue à entretenir un lien précieux avec eux, afin d’évoluer de pair.
Ainsi, si tous les cours de l’UdeS sont accessibles aux aînés, selon leurs prérequis respectifs, l’UTA propose une programmation unique, donnée, bien souvent, par leurs pairs.
En effet, la majorité des personnes-ressources chargées d’animer les activités pédagogiques ont plus de 60 ans. De nombreux professeurs à la retraite saisissent l’occasion de continuer à transmettre leur savoir. Pour d’autres, c’est une deuxième carrière.
Nous sommes membre de l’Association internationale des universités du troisième âge; partout où je vais, j’entends que notre UTA est inspirante. Et c’est vrai. Elle n’est ni loufoque ni ludique : grâce à des balises précises et à nos partenariats, elle allie la qualité universitaire aux intérêts des personnes aînées.
Une approche semblable est en vigueur au Centre de recherche sur le vieillissement, ou « CdRV ». Elle s’incarne notamment dans le Laboratoire d’innovation par et pour les aînés (LIPPA).
Réfléchir à la situation des aînés… avec les aînés
Développé dès 2016, le LIPPA est un laboratoire vivant, ou living lab. Il sollicite l’engagement d’aînés à toutes les étapes de la recherche. De plus, il mise sur une approche interdisciplinaire pour traiter des problématiques complexes en profondeur.
Ainsi, les recherches du LIPPA visent à répondre aux besoins des ainés en s’intéressant à la fois aux dimensions biologiques, psychologiques et sociologiques du vieillissement. Ce dernier y est vu comme un processus découlant de multiples facteurs, qu’il modifie en retour. Considérer les choses ainsi demande la participation des aînés.
C’est une posture de recherche, un choix épistémologique, explique la professeure Suzanne Garon. Impossible, à mes yeux, de réfléchir aux aînés sans les aînés. Leur parler et les écouter permet à l’équipe du CdRV de partir d’un besoin réel et, par conséquent, de mieux y répondre.
Pour la professeure-chercheuse à la Faculté des lettres et sciences humaines et au CdRV, s’intéresser aux aînés relève de l’équité, de la justice sociale. Il y a 20 ans à peine, ce groupe comptait parmi les plus pauvres au Québec. Lui donner une voix est toujours vital, surtout dans un contexte social où l’hostilité est fortement dénoncée.
On parle souvent de racisme et de sexisme… Mais l’âgisme est aussi très présent dans notre société, qui veut beaucoup et le veut vite. Cela fait que, parfois, elle oublie des gens précieux.
Suzanne Garon, elle, porte toujours le souvenir de témoignages d’ainés croisés à travers les années : ces moments phares nourrissent sa réflexion.
Mélanger les générations pour les enrichir toutes
Pour améliorer encore la réflexion, le CdRV soutient aussi les initiatives intergénérationnelles avec les aînés.
Par exemple, l’équipe du Groupe de recherche intergénérationnel sur le vieillissement de l’Estrie compte 5 citoyennes aînées, depuis sa mise sur pied en 2017.
Les réalisations déjà considérables motivent Suzanne Garon, qui bouillonne d’idées. « On pourrait faire encore plus, du point de vue de l’échange intergénérationnel. Chaque faculté a les moyens d’intégrer davantage les aînés dans les apprentissages de ses étudiants. »
Par exemple, un groupe de génie a travaillé auprès d’une association d’aînés. Il a amélioré l’adéquation des glacières utilisées pour le transport de produits alimentaires. Pour les étudiants, c’était un projet assez rapide, réalisé dans le cadre d’un cours. Mais, pour l’association, cela signifiait gagner du temps parce ce que l’équipement était complètement adapté à ses besoins!
Par ailleurs, la professeure salue la qualité des recherches sur le vieillissement menées à l’UdeS. Parmi tous les projets, l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement (ÉLCV), à laquelle participe le CdRV, se distingue par son ambition.
Dresser un portrait réaliste du vieillissement : mission possible, mais à long terme
« L’ÉLCV est une plateforme de recherche, explique Benoît Cossette, professeur-chercheur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé et au CdRV. Les données obtenues sont disponibles pour tous les chercheurs intéressés, à travers le Canada, pas seulement pour les chercheurs principaux. » Cette démarche, très collégiale, est d’autant plus précieuse que l’étude s’étend dans le temps et l’espace.
L’ÉLCV en chiffres
30 000 participants interrogés en personne et 20 000 répondants consultés par téléphone, tous âgés entre 45 et 85 ans
20 ans de suivi, chaque participant étant interrogé aux 3 ans
11 sites de recherche à travers le Canada
4 centres d’appel
Le résultat est d’ailleurs probant : plus de 150 projets de recherche, basés sur les résultats de l’ÉLCV, ont déjà été approuvés. En mai 2018, l’ÉLCV a publié les résultats de la phase de recrutement. La prochaine publication, basée sur le premier suivi, devrait se faire d’ici un an.
L’ÉLCV est déjà un réel succès, ne serait-ce que par l’utilisation qu’en font des chercheurs de partout au Canada, indique le chercheur principal pour l’UdeS. La disponibilité des données du premier suivi prévue en mai 2019 rendra l’étude encore plus précieuse.
Quelque 3000 participants passent dans les bureaux du CdRV, à raison de 5 par jour. De plus, Sherbrooke agit aussi comme centre d’appel pour 3000 participants francophones joints par téléphone.
Oui, la quantité de données impressionne, reconnaît Benoît Cossette. Mais c’est toute l’ampleur de l’ÉLCV qui est incroyable. Tous les chercheurs intéressés par le vieillissement y trouvent du matériel qui rejoint leur domaine.
Parmi les sujets couverts par l’étude figurent la santé, les soins donnés et reçus, les modes de transport, la génomique et la violence.
Signifier une envie de « faire plus » : la reconnaissance Université amie des aînés
Devant toutes les initiatives de l’UdeS pour inclure les aînés à son fonctionnement, obtenir le titre d’université amie des aînés est apparu comme une évidence à Suzanne Garon.
Selon Mélisa Audet, coordonnatrice au transfert de connaissances et aux partenariats au CdRV, « il s’agit d’abord de faire reconnaître ce qui est déjà bien en place à l’UdeS. Oui, notre volonté d’établir et d’accroître, même, un dialogue avec les aînés est une de nos forces distinctives ».
Souscrire à ce réseau émergent, c’est une façon de dire aux autres acteurs que nous sommes fort intéressés au développement de partenariats : nous avons envie de travailler en collaboration, afin d’agir pour et avec les aînés… contre l’âgisme.
Première institution québécoise à obtenir ce statut, l’UdeS a prouvé qu’elle respecte 10 principes fondamentaux, établis par l’Age-Friendly University Global Network. Même s’il semble long, cet article est loin d’être exhaustif. Grâce aux efforts déployés, corridors, autobus, Galerie d’art ou Centre sportif accueillent de plus en plus d'aînés, pour le bénéfice de tous.