Journée mondiale de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC)
Chanter, pour mieux vivre avec la MPOC
Imaginez avoir tellement de difficulté à respirer que vous n’êtes plus en mesure d’effectuer de simples tâches quotidiennes. C’est ce que vivent bien des personnes touchées par la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Le chant choral est une initiative qui vise à améliorer leur qualité de vie. Professeure à l’École de réadaptation de l’Université de Sherbrooke et physiothérapeute de formation, Nicole Marquis souhaite démédicaliser les services offerts aux personnes avec des maladies pulmonaires afin de rendre les séances de chant choral plus accessibles.
Caractérisée par la toux chronique et l’essoufflement, la MPOC réduit grandement la qualité de vie des gens atteints. Se déplacer et parler sont des gestes du quotidien qui peuvent être difficiles pour la population touchée par cette maladie irréversible, indique la professeure. Elle souligne également que les personnes vivant avec la MPOC sont souvent très isolées socialement, ce qui peut mener à la dépression ou à l’anxiété. Leur souffrance psychologique, qui passe d’ailleurs souvent sous le radar, s’est accentuée durant la pandémie de COVID-19 en raison d’un accès plus limité aux services, ce qui a mené à une détérioration de leur état de santé général, révèle la physiothérapeute.
Le chant au service de la santé
Bien que ce ne soit pas un exercice médical, le chant choral a d’importants impacts sur la qualité de vie des personnes touchées par la MPOC. Après quelques séances de chant, les patientes et les patients ont un meilleur contrôle de leur voix, un meilleur maintien des sons et un meilleur souffle. Sortir de leur domicile et se retrouver en groupe leur redonne également confiance et leur permet de briser l’isolement. Choriste elle-même depuis 1992, Nicole Marquis, qui connaît bien les bienfaits du chant, mentionne aussi que certaines personnes retrouvent l’assurance de faire du vélo ou d’aller au cinéma, des activités qu’ils ou qu’elles n’avaient pas faites depuis plusieurs années. Une dame a même qualifié le chant choral de gymnastique pour ses poumons, indique la chercheuse.
Il y a vraiment des changements assez importants. De jour en jour et de semaine en semaine, ces personnes voient une amélioration, et ça les motive à rester actives.
Nicole Marquis, professeure à la Faculté de médecine et des sciences de la santé
Sans oublier que le chant choral comprend des avantages qui rivalisent avec d’autres programmes de réadaptation. Aucune évaluation préliminaire ou prescription médicale n’est requise pour y participer. Les gens n’ont également pas à se déplacer en centre, puisque le chant choral peut aussi se dérouler à distance par visioconférence. De plus, le chant est une activité qui est jugée à très faible risque sur le plan médical.
Un programme à bout de souffle
La réadaptation pulmonaire est un programme utilisé mondialement, d’une durée d’environ 12 semaines et s’adressant aux gens atteints de la maladie pulmonaire obstructive chronique ou de tout autre problème de santé pulmonaire. La professeure Marquis souligne que ce programme est, avec la médication et la cessation tabagique, la base du traitement de la MPOC. La réadaptation pulmonaire comprend un volet éducatif et un volet physique. Le volet éducatif renseigne notamment sur la façon d’agir lors d’un essoufflement ou d’une infection et vise une meilleure gestion de la maladie par les patients, tandis que le volet physique, qui comprend des exercices cardiovasculaires et des exercices respiratoires, vise à améliorer la capacité fonctionnelle dans le quotidien.
Toutefois, la chercheuse précise que la réadaptation pulmonaire comporte de nombreux enjeux. Contrairement au chant choral, ce programme n’est accessible généralement qu’une seule fois par individu. Également, les acquis faits lors de la réadaptation pulmonaire ne se maintiennent pas dans le temps. En effet, la spécialiste affirme que 18 à 20 semaines après avoir suivi le programme, les patientes et les patients sont de retour à la case départ. De plus, il y a un problème d’accessibilité. D’après la physiothérapeute, seulement 6 % de la population peut en bénéficier à travers le Canada. Elle rapporte aussi que les médecins vont même s’abstenir de prescrire ce programme en raison du manque important de ressources. La quasi-inaccessibilité s’explique entre autres par le peu d’argent injecté dans des services offerts à cette clientèle, soulève la professeure Marquis.
Pour le futur, Nicole Marquis souhaite la pérennisation des cliniques de chant choral pour les personnes vivant avec la MPOC, mais aussi pour tous ceux et celles qui ont des problèmes respiratoires.
Tout dernièrement, le projet La prescription à un programme de chant choral comme alternative à la réadaptation pulmonaire a reçu l’appui financier des Fonds de recherche du Québec (FRQ). Ce projet est mené en interdisciplinarité avec notamment la professeure Véronique Provencher, le professeur Bessam Abdulrazak et le professeur Yves Couturier, et s’appuie sur la collaboration médicale du docteur Pierre Larivée, professeur à la FMSS et pneumologue au CIUSSS de l’Estrie – CHUS.
La recherche étudiante tient par ailleurs un rôle clé dans la pérennisation des cliniques de chant choral. En compagnie de Véronique Provencher, ergothérapeute et directrice du Centre de recherche sur le vieillissement, Nicole Marquis a codirigé la thèse de doctorat de Louise Drouin, qui traite des effets du chant choral comparés à ceux de la réadaptation pulmonaire. Mme Drouin poursuit d’ailleurs des activités de chant choral avec des gens atteints de maladies pulmonaires en collaboration avec Sercovie et SingWell Canada.
La professeure Marquis aspire également à la création d’un guide utilisateur où toute l’information pertinente pour démarrer une chorale thérapeutique de façon sécuritaire s’y retrouverait. De cette manière, le chant choral, une activité ludique qui favorise la socialisation et le bien-être, pourrait s’étendre plus facilement à travers la province et le pays pour être encore plus accessible pour les usagers et les usagères.
Mettre l’art au service de la santé d’une clientèle trop souvent oubliée, voilà une manière créative de repenser les soins.