Acfas 2021
Observer la Terre pour en prendre soin
Voie lactée, perséides, éclipses : depuis la Terre, toutes les raisons sont bonnes pour sortir et lever les yeux ou empoigner son télescope et se perdre dans l’immensité interstellaire un instant. Observer les astres fascine l’imaginaire collectif et inspire nos œuvres de fiction, mais cela alimente également nos chercheuses et nos chercheurs. Mais si plusieurs groupes de recherche observent l’espace depuis la Terre, qui observe notre planète bleue depuis l’espace?
Pas besoin d’être sur une autre planète pour observer la Terre! Les chercheurs et chercheuses du Centre d’applications et de recherche en télédétection (CARTEL) le font depuis leur laboratoire, à l’aide de capteurs satellitaires en orbite dans l’espace. Ce centre de recherche se spécialise dans l’observation de la Terre, ou télédétection, et accumule des quantités phénoménales de données (Big Data) concernant notre planète, à l’aide de plateformes satellitaires ou aériennes.
Créé en 1985, le CARTEL est un des plus importants centres de recherche universitaires au Canada dans le domaine de la télédétection.
Mais que fait-on avec une quantité phénoménale de données? Comment ce Big Data pourrait-il, par exemple, aider les gouvernements à mieux prévoir les impacts des changements climatiques? Voilà un exercice auquel se prête régulièrement le CARTEL lorsqu’il utilise ces données, afin d’en faire de l’information décisionnelle et élaborer, au besoin, des recommandations dans différents contextes, notamment la gestion efficiente des territoires, des ressources naturelles ou de l’environnement. Et pour le professeur et directeur du centre de recherche, Kalifa Goïta, le développement des approches d’intelligence artificielle dans le domaine de l’observation de la Terre permettra de repousser les limites de l’analyse traditionnelle.
Pour être fiable, la production d'information doit se baser sur des données pertinentes et des méthodes adéquates. L’exploitation des mégadonnées de télédétection nécessite, en plus des approches d’analyse traditionnelles, le recours aux nouvelles techniques d’analyse de données appelées aussi forage de données (data mining). L’intelligence artificielle, et plus particulièrement l’apprentissage profond, ont connu ces dernières années de grands succès, où les approches statistiques traditionnelles ont montré leurs limites.
Kalifa Goïta, professeur au Département de géomatique appliquée de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke et directeur du CARTEL
Ainsi, les données géospatiales sont une mine d’informations par excellence en géomatique. Encore faut-il être en mesure de les obtenir et de les traiter. Des capteurs terrestres ou satellitaires optiques et radar jusqu’aux photos du type Google Street View, en passant par les images du LiDAR, plusieurs sources offrent une quantité impressionnante d’observations, qui peuvent être valorisées pour les applications terrestres concrètes portant, par exemple, sur l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles, la protection de l’environnement, la gestion des zones urbaines, l’agriculture durable, etc. Ces données donnent un portrait juste, et surtout en temps réel de notre planète, et pourraient permettre de mieux nous préparer ou nous adapter aux changements climatiques.
L’abondance des données géospatiales permet, entre autres, de tenir compte de la dimension temporelle, très importante pour les milieux dynamiques nécessitant un suivi régulier, notamment en raison des changements climatiques.
L’observation de la Terre à l’ère de la 4e révolution industrielle
Pour les chercheuses et les chercheurs du CARTEL, l’avènement de la 4e révolution industrielle a joué un grand rôle dans le développement des technologies accessibles aux géomaticiennes et géomaticiens. Cette révolution a entre autres poussé l’intégration dans les processus industriels de diverses technologies numériques, comme l’internet des objets, l’intelligence artificielle, les données massives, les solutions infonuagiques, la réalité augmentée, etc. Pour les géomaticiennes et les géomaticiens, elle a également révolutionné le secteur de l’observation de la Terre, qui est fortement basé sur les technologies numériques.
Les technologies numériques apparentées à la 4e révolution industrielle ont permis d’améliorer les performances de plusieurs applications d’observation de la Terre et de créer des opportunités pour développer de nouvelles applications. Ces avancées permettent de répondre aux défis grandissants de développement durable et de conciliation du progrès économique et de la protection de l’environnement, spécialement dans le contexte des changements climatiques et des pressions anthropiques et naturelles sur l’environnement.
Le professeur Goïta souligne que l’automatisation des chaînes de traitement des données géospatiales, l’utilisation d’algorithmes avancés issus de l’intelligence artificielle ainsi que le recours aux capacités de calcul infonuagique ne sont que quelques exemples qui ont permis d’augmenter considérablement l’efficacité des applications d’observation de la Terre en termes de précision, de temps de traitement et de coûts de production. Une avancée qui comporte cependant son lot de défis.
Assurer la relève en dans le secteur de l’observation de la Terre
L’utilisation de ces données pour des applications opérationnelles pose immanquablement un enjeu de taille lorsqu’on tente de passer de l’enseignement au transfert des connaissances. Comme les technologies évoluent rapidement, la formation de personnel hautement qualifié (PHQ) dans le domaine de l’observation de la Terre doit tenir compte de plusieurs facteurs, constate le professeur Goïta.
Il faut que les formations soient en phase avec les développements technologiques et avec les besoins des secteurs professionnels industriels et publics.
Ainsi, plusieurs cours au Département de géomatique appliquée de l’Université de Sherbrooke intègrent les techniques d’automatisation des traitements, d’apprentissage automatique et d’infonuagique afin de se coller aux réalités du milieu. Le professeur Goïta note que le CARTEL et le Département ont su prendre ce virage technologique afin de former des PHQ avec un niveau d’employabilité très élevé.
La majorité de nos PHQ ont été intégrés aux équipes des partenaires industriels ou publics de leurs projets de recherche.
Le directeur du centre de recherche et professeur du Département de géomatique appliquée est d’accord pour dire que l’avenir de notre planète bleue est en jeu dans une course contre la montre sans précédent. Ses collègues et lui restent cependant très optimistes lorsqu’ils voient l‘engagement de cette relève en télédétection, qui jouera un rôle primordial dans la préservation de notre milieu de vie et de nos écosystèmes.
Ce sujet a piqué votre curiosité?
Le colloque L’observation de la Terre à l’ère de la 4e révolution industrielle, pour lequel les professeurs Kalifa Goïta et Yacine Bouroubi sont coresponsables, sera présenté dans le cadre du prochain congrès annuel de l’Acfas, plus grand rassemblement multidisciplinaire du savoir et de la recherche de la francophonie, qui se tiendra du 3 au 7 mai 2021.