Étude unique appuyée par la Fondation Brain Canada
Des chercheurs s’unissent pour améliorer la réadaptation des victimes d’AVC
Au Canada, une personne subit un AVC toutes les neuf minutes. C’est la première cause d’incapacité physique au pays, freinant des centaines de milliers d’adultes dans leurs activités quotidiennes. Dans bien des cas, cependant, leur sort pourrait être amélioré si les programmes d’entraînement prescrits étaient… plus intenses.
La physiothérapeute Marie-Hélène Milot aide des victimes d’accident vasculaire cérébral (AVC) à se rétablir depuis plus de 15 ans. Au fil de ses années de pratique, elle est confrontée à une question récurrente. Pourquoi certaines personnes répondent peu au programme d’entraînement post-AVC, alors que d’autres voient leur condition physique grandement améliorée? « Il faut arriver à mieux prédire le potentiel de rétablissement de chaque personne, dit la professeure-chercheuse à l’École de réadaptation de l’UdeS et au Centre de recherche sur le vieillissement (CdRV) du CIUSSS de l’Estrie-CHUS. Les patients sont souvent sous-entraînés parce que leur capacité de récupération est sous-estimée par les protocoles d’évaluation actuels. »
Un vaste chantier unique en son genre
Appuyée financièrement par la Fondation Brain Canada*, l’équipe de Marie-Hélène Milot entreprend une vaste recherche qui vise à tester des programmes d’entraînement post-AVC basés sur le potentiel réel de récupération de chaque individu. Il s’agit d’une des toutes premières études à intégrer les approches de réadaptation habituelles (interventions physiques) aux techniques d’évaluation et de neurostimulation de pointe.
Marie-Hélène Milot pourra compter sur la participation de sa collègue Hélène Corriveau, professeure-chercheuse à l’École de réadaptation de l’UdeS et au Centre de recherche sur le vieillissement (CdRV) du CIUSSS de l’Estrie-CHUS. L’équipe est aussi formée de la professeure Marie-Hélène Boudrias de l’École de physiothérapie et d’ergothérapie de l’Université McGill ainsi que du professeur François Tremblay de la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa. Entamée en février 2017, la recherche doit recruter 84 participants de Sherbrooke, de Montréal et de l’Ontario et s’échelonnera jusqu’au printemps 2020, où les résultats seront connus.
Qu’est-ce qu’un AVC?
Un accident vasculaire cérébral (AVC) survient lorsque le flux sanguin vers une partie du cerveau est interrompu. Il est causé par l’obstruction ou la rupture d’un vaisseau sanguin. Les cellules du cerveau sont alors privées d’oxygène et des éléments nutritifs qui leur sont essentiels. Les conséquences de l’AVC dépendent, entre autres, de la partie du cerveau atteinte et des fonctions qu’elle contrôle. Plus cette région est grande, plus les séquelles risquent d’être importantes. Parmi les conséquences les plus courantes : une paralysie partielle ou complète d’une moitié du corps.
Des recommandations à revoir?
Les programmes d’entraînement post-AVC font partie des recommandations de la Fondation pour les maladies du cœur du Canada. Cette pratique repose sur le fait que le cerveau a la capacité de se réorganiser (plasticité cérébrale) après l’AVC pour compenser les déficits engendrés. L’entraînement du membre affecté (le bras ou la jambe) améliore en effet les fonctions motrices, augmente la force du muscle ainsi que la plasticité du cerveau. Cela se traduit par des gains notables dans la vie de tous les jours et accroît l’autonomie de la personne. Des études récentes suggèrent que c’est davantage la fréquence et l’intensité de l’entraînement qui font la différence, peu importe le type d’entraînement. Pourtant, malgré son utilisation de plus en plus répandue en recherche et en contexte clinique, cet entraînement en force fait toujours l’objet de controverse.
« C’est justement dû à la variabilité importante de la réponse à l’entraînement observée entre les individus, explique Marie-Hélène Milot. Alors que certains patients démontrent des gains significatifs suite à l’exercice en force, d’autres n’en démontrent pratiquement pas. Je crois que c’est parce que les outils utilisés pour évaluer l’état des patients ne sont pas adaptés pour refléter leur réel potentiel de récupération. »
L’équipe de chercheurs verra, dans un premier temps, à mesurer l’excitabilité du cerveau des participants dans le but d’évaluer comment il communique avec les muscles du bras atteint (stimulation magnétique transcrânienne). Cette étape permettra d’estimer le potentiel de récupération spécifique de chaque participant pour doser adéquatement un programme d’entraînement en force du bras atteint. En deuxième partie des travaux, il s’agira de stimuler la partie lésée du cerveau par l’induction d’un léger courant électrique (stimulation transcrânienne à courant continu), une procédure faite pour « réveiller » les zones affectées. L’approche, combinée à l’entraînement physique intense en force du bras atteint d’une durée de quatre semaines et adaptée à la réalité du patient, aspire à optimiser les gains possibles. « Nos techniques de neurostimulation sont non invasives et absolument sans douleur », tient à préciser la professeure Milot.
Marie-Hélène Milot sera au Congrès de l’Acfas qui se tient du 8 au 12 mai à l’Université McGill pour discuter de la neurostimulation à la suite d’un AVC dans le cadre du colloque « Les techniques de neurostimulation pour évaluer et traiter le système nerveux chez l’humain : avancées et perspectives. »
Pour participer à l’étude
Le groupe de chercheurs incite toute personne ayant été victime d’un AVC depuis six mois ou plus et intéressée à participer à l’étude à entrer en contact avec lui.
- Sherbrooke : 819 780-1832 ou 1 888 780-1832
- Montréal : 514 398-5457
- Ottawa : 613 562-6262 ext. 1344 ou 1580
Les participants doivent être âgés de 18 ans et plus. « Il y a une certaine croyance à l’effet que passé six mois, il est presque impossible d’améliorer sa condition. Ce n’est pas vrai ! Il faut travailler plus fort, sans doute, mais le cerveau est une ressource flexible qui permet aux personnes ayant subi un AVC de progresser, même après plusieurs années. »
*Au sujet de l’étude : les organismes subventionnaires
Les fonds recueillis pour cette vaste étude totalisent 345 000 $ pour une durée de trois ans. La Fondation Brain Canada octroie 50 % de ce total, avec le soutien financier de Santé Canada par l’entremise du Fonds canadien de recherche sur le cerveau. L’autre moitié des sommes est assurée par des subventions accordées par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS), la Fondation Vitae, le Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain (CRIR) ainsi que l’Hôpital juif de réadaptation de Laval.