Jour de la Terre
Des gaz à effet de serre qui servent de matière première
D’un côté, on a une équipe de recherche qui se concentre pour concentrer du CO2, puis, juste à côté, une autre qui poursuit ce continuum de recherche en transformant ce CO2 bien concentré en un carburant vert. Un mélange de génie chimique et de génie mécanique pour créer une inspirante solution verte que l’on veut faire passer de l’étape du bécher à la mise à l’échelle universitaire, puis à un changement planétaire. On aime bien l’idée des gaz à effet de serre qui servent de matière première!
L’idée de vouloir créer des carburants verts en utilisant ces gaz comme source de carbone n’est pas nouvelle. Mais le plus grand problème avec les différentes initiatives pour produire des carburants verts, ce sont les coûts extrêmement élevés.
Plusieurs éléments peuvent expliquer ces coûts élevés, entre autres un trop grand nombre d’étapes de purification et des équipements dispendieux pour chacune de ces étapes. Ce qui est intéressant avec la recherche que nous faisons ici à l’Université de Sherbrooke, c’est que les technologies sur lesquelles nous travaillons devraient permettre d’arriver à des résultats intéressants à des coûts beaucoup plus bas.
Professeure Bruna Rego De Vasconcelos
Et qui dit coûts plus bas dit application et commercialisation envisagées beaucoup plus rapidement. Et qui dit commercialisation dit rapprochement vers des solutions réelles pour enrayer l’utilisation des énergies fossiles.
Réduire les étapes pour diminuer les coûts
Contrairement à ce qui se fait habituellement dans l’industrie, les équipes ici travaillent à soustraire quelques étapes du processus – notamment l’étape de la production d’hydrogène – pour arriver quand même à produire des carburants verts de qualité. Les équipements pour la mise à l’échelle et la production d’hydrogène sont très dispendieux, et le tout doit être réalisé dans des conditions très précises et encadrées. En combinant en une seule étape le CO2, qui devient ici matière première, avec de l’eau et de l’électricité, on arrive à faire du syngas, ce gaz intermédiaire qui, par la suite, est utilisé pour produire le type de carburant vert que l’on aura choisi de faire selon nos objectifs : méthanol, méthane, diesel, carburant pour l’aviation, etc. On pourrait même à la limite enlever l’étape de la concentration de CO2, mais, comme nous l’explique la professeure De Vasconcelos, il y a des avantages à la conserver :
Les gaz d’échappement – industriels ou provenant des automobiles – peuvent avoir un pourcentage quand même assez faible de CO2 considérant toutes les autres impuretés présentes. On parle la plupart du temps de 10 à 15 % de CO2. Capter les émissions qui sont rejetées et ajouter une étape de purification de CO2 pour ramener à 80 % la pureté du CO2 permet d’être beaucoup plus efficace par la suite. C’est une partie importante des travaux de recherche de l’équipe du professeur Martin Brouillette avec laquelle je collabore activement.
Professeure Bruna Rego De Vasconcelos
Autour de nous
Des industries autour de nous qui souhaiteraient bifurquer vers une consommation énergétique verte et responsable, il y a en. Beaucoup.
Le secteur du transport maritime par exemple n’a pas beaucoup d’options pour diminuer sa consommation de carburants fossiles comme source d’énergie. Le méthanol s’invite dans l’équation pour éventuellement devenir une bonne solution de rechange pour diminuer ces émissions maritimes.
Professeure Bruna Rego De Vasconcelos
Programme Défi « Matériaux pour combustibles propres »
Le Conseil national de recherches Canada (CNRC) a mis sur pied le Programme Défi « Matériaux pour combustibles propres » il y a environ 4 ans, et l’équipe de la professeure De Vasconcelos s’est qualifiée dès le début, et encore récemment pour ce programme, qui se veut une initiative de collaboration avec des chefs de file du milieu de l'enseignement postsecondaire et de l'industrie. L'idée est de développer des matériaux destinés à des technologies ciblant la décarbonisation de l'industrie pétrolière et gazière et le secteur de la pétrochimie au Canada.
Plusieurs partenaires sont avec nous dans le cadre de ce projet avec le CNRC. On est dans l’appliqué, et j’adore ça. Avec ce projet, le carburant ciblé à la toute fin est le méthanol. Il est facile à entreposer, facile à transporter, il est utilisé beaucoup dans l’industrie chimique et peut aussi être utilisé pour produire d’autres carburants.
Professeure Bruna Rego De Vasconcelos
Parmi les partenaires du projet, notons la présence entre autres de Sequoia, qui commercialise des chaudières à la biomasse et qui est toujours à la recherche de solutions pour mieux optimiser ses processus. L’Université de Sherbrooke aussi n’est pas trop loin, toujours à l’affût de nouvelles initiatives pour être toujours plus verte : avec les gaz d’échappement d’une génératrice, on veut tester la conversion en gaz de synthèse, puis en méthanol. Hydro-Sherbrooke aussi est partie prenante du projet pour l’aspect de l’électricité renouvelable nécessaire au projet. On est ici à l’échelle laboratoire.
Finalement, outre ce projet avec le CNRC, notons l’intérêt du projet GENESIS, sous la direction du professeur Jean-Michel Lavoie, pour utiliser la technologie, mais cette fois-ci on monte d’un cran en maturité technologique, et on bascule vers l’échelle pilote.
L’équipe du projet GENESIS est déjà en collaboration avec la Ville de Lac-Mégantic et son microréseau et souhaite utiliser notre technologie pour 3 procédés différents. Le premier sera la gazéification de résidus de la biomasse forestière pour la production de syngas pour alimenter une génératrice. Celle-ci produit de l’électricité, qui sera à son tour utilisée pour alimenter des bâtiments. En plus, on récupère à la fois la chaleur émise par la génératrice, pour alimenter des serres mobiles, ainsi que ses gaz d’échappement pour produire du diesel vert. Un beau cycle de conversion.
Professeure Bruna Rego De Vasconcelos
On peut penser que c’est dans un avenir pas si lointain que de grandes organisations seront capables de capter leurs gaz à effet de serre pour les reconvertir en gaz de synthèse et alimenter ainsi directement, par exemple, leur flotte de véhicules.