Catherine Hudon : la passion de l’être humain
Du plus loin dont elle se souvient, Catherine Hudon a toujours voulu être médecin. Elle a poursuivi son rêve et ne s’est vraisemblablement pas trompée de voie. Sa passion pour l’être humain et son désir d’aider ne se sont jamais démentis et l’ont conduite il y a 10 ans à devenir chercheuse-clinicienne au Département de médecine de famille de l’UdeS. Son but : trouver des solutions à des problématiques rencontrées dans sa pratique, en vue notamment d’améliorer la vie des patientes et patients ayant des besoins complexes.
« Quand j’étais petite et que j’entendais des médecins de mon entourage parler de belles histoires vécues avec leurs patients, je trouvais que ça avait l’air d’un métier passionnant. Aujourd’hui, j’ai toujours la même motivation : travailler auprès des gens pour agir concrètement », affirme-t-elle.
Catherine Hudon fait partie de ces personnes qui, à défaut de pouvoir changer le monde, emploient toute leur énergie à changer ce qui peut l’être autour d’elles. Après ses études de médecine à l’Université Laval et sa résidence à l’Unité de médecine de famille de Chicoutimi, elle a pratiqué et enseigné la médecine de famille pendant 14 ans avant de devenir chercheuse-clinicienne, pour « la diversité de la pratique et le contact privilégié que l’on peut avoir avec les patients, puisqu’on est en première ligne ».
Mais elle n’était pas entièrement satisfaite.
Je voyais des problématiques sur le plan de la structure de notre système de santé. Et ce sont les personnes les plus vulnérables qui en souffraient.
Les gens ayant des besoins de santé complexes sont en effet souvent ballotés d’un professionnel de la santé à l’autre, sans que leurs problèmes de fond ne soient réglés, avec comme résultat qu’ils aboutissent souvent aux urgences, ne sachant plus vers qui se tourner. « C’est très dur à vivre pour ces personnes, en plus d’être lourd pour notre système de santé », explique la Dre Hudon.
Les personnes avec des besoins complexes représentent 5 % des patientes et patients du système de santé, mais utilisent beaucoup de ressources humaines et financières tout en continuant à avoir des besoins non comblés. Ce sont des gens qui présentent plusieurs problèmes de santé physique ou mentale et qui ont souvent un statut socioéconomique précaire.
Par nos recherches, mon équipe a essayé de trouver des solutions. Nous nous sommes dit : comment peut-on faire différemment, pour que notre système de santé réponde mieux aux besoins de ces personnes, et que leur vie puisse s’améliorer?
La chercheuse-clinicienne en est venue à cette conclusion : « Il faut chercher à comprendre les problématiques vécues par ces personnes dans leur globalité, comprendre dans quelles conditions elles vivent et quel est leur projet de vie plutôt que d’analyser chacun de leurs problèmes de santé séparément. Et ensuite, faire du sur-mesure, personnaliser les soins et travailler mieux ensemble pour répondre à leurs besoins. » Pour cela, Catherine Hudon a réussi à mobiliser toute une équipe autour d’elle. Ce travail collectif a notamment produit l’approche V1sage, qui est en voie d’être déployée dans l’ensemble du système de santé québécois.
« Cette approche prévoit l’instauration de nouveaux rôles, soit celui de gestionnaire de cas pour les personnes avec besoins complexes dans les hôpitaux et personne-pivot dans les GMF (groupes de médecine familiale) ou les CLSC. Des travailleurs sociaux, infirmières ou autres professionnels seront attitrés à des patients avec besoins complexes et feront le lien avec l’ensemble du système de santé. Ils seront un contact privilégié pour le patient et feront en sorte de connaître sa réalité globale et son projet de vie. Ils vont demeurer disponibles pour répondre aux questions du patient tout en impliquant ses proches, et le diriger vers les bonnes personnes et les bons organismes au besoin. Et ils vont s’assurer que les médecins et autres professionnels de la santé qui s’occupent du patient soient concertés et aient un portrait global de la situation. »
Car, parfois, un professionnel de la santé peut ne voir qu’une facette du problème. « Par exemple, s’il conseille à un patient de bien manger afin de mieux contrôler son diabète, mais qu’il ne sait pas que la personne a de la difficulté à s’acheter de quoi remplir son assiette, il est fort à parier que son conseil sera difficile à mettre en pratique. Il faudra d’abord diriger la personne vers des organismes qui pourront l’aider à répondre à ses besoins. »
Parfois, les conditions de vie des patients vont au-delà de ce qu’on pourrait imaginer. Et si on ne répond pas d’abord à leurs besoins de base, on ne pourra pas améliorer leur santé.
Pas surprenant qu’au cours de l’année 2022 seulement, la Dre Hudon ait été lauréate d’un prix Tremplin en recherche et création de l’UdeS en avril et du prix Jeune chercheuse André-Dupont du Club de recherches cliniques du Québec en octobre, en plus d’être reçue comme membre à l’Académie canadienne des Sciences de la Santé en septembre.
Garder un juste équilibre
Et sa vie personnelle dans tout ça? « Je cherche un juste équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. C’est indispensable pour moi, pour garder l’étincelle, la motivation au travail. Quand je suis au travail, je me donne à 100 %, et quand la journée est terminée, je passe du bon temps avec ma famille et mes amis. »
Elle aime aussi marcher en forêt ou en montagne, faire du ski de fond, et dévorer des livres. « Je peux dire que je suis passionnée d’apprendre. Apprendre sur un tas de sujets différents et apprendre à connaître les gens en profondeur et à entrer en relation avec eux. Avoir régulièrement de nouveaux défis, et des défis qui sont variés. Et avoir un impact positif. C’est ce qui m’allume. »
Sa plus grande fierté? « Avoir réussi à mobiliser, dans divers projets ou circonstances, différentes personnes qui ont travaillé ensemble dans un climat qui les a amenées à donner le meilleur d’elles-mêmes pour l’atteinte d’un objectif commun dans lequel elles croyaient. » C’est sans doute le secret des gens qui changent le monde.