Un des textes gagnants du Concours de vulgarisation scientifique 2019
Quand le sexe est douloureux
Marie souffre de vestibulodynie provoquée. Elle n’est pas seule. Une femme sur six souffre de douleurs vulvaires lors des relations sexuelles. Elle en parle peu, embarrassée par sa condition.
Elle a d’ailleurs attendu quatre ans avant d’avoir un diagnostic. Pendant ces années, elle quittait les consultations avec son médecin en ayant l’impression que le problème était dans sa tête. Depuis son diagnostic, elle tente d’en comprendre l’origine et se renseigne sur les traitements possibles.
Vestibulodynie provoquoi ?
La vestibulodynie provoquée est une douleur à l’entrée du vagin ressentie lors d’une pression. Marie souffre donc à l’insertion d’un tampon et aux relations sexuelles. Les causes sont méconnues et elle s’interroge : comment développer un traitement efficace si on ne connaît pas l’origine de la douleur ? Des chercheurs de l’Université de Sherbrooke y concentrent justement leurs recherches. Le laboratoire de Pre Mélanie Morin a mené une étude sur 212 femmes pour comparer l’efficacité de la physiothérapie à celle d’un analgésique en crème. Elle a permis d’investiguer le lien entre l’intensité des douleurs et des facteurs physiques et psychosociaux. Ces facteurs ont déjà été investigués séparément, mais jamais combinés.
« Pas ce soir chéri, j’ai mal au sexe »
L’étude discute de catastrophisation, de peur de la douleur, de soutien conjugal (évalués à l’aide de questionnaires) et des muscles du plancher pelvien (évalués par un spéculum mesurant la force). La catastrophisation est une stratégie d’adaptation où on tend à amplifier et à se concentrer sur nos symptômes. La peur de la douleur est une crainte exagérée. Le soutien conjugal est l’aide déployée par le conjoint dans la relation tel que perçu par la femme. Par exemple, Marie a-t-elle l’impression que Nicolas comprend sa manière de penser et de ressentir les choses. Les muscles du plancher pelvien forment un hamac qui supporte nos organes, assurent que nous n’ayons pas de fuites, urinaires ou fécales, et contribuent à la fonction sexuelle. Les femmes souffrant de vestibulodynie provoquée ont une diminution de force et de flexibilité de ces muscles, de même qu’une augmentation de tonus. Ces changements pourraient être causés par un mécanisme de protection, mais aussi par une diminution du désir et des relations sexuelles.
Qu’est-ce qui fait mal?
Les muscles du plancher pelvien, la catastrophisation, la peur de la douleur et le soutien conjugal expliquent près du tiers de la douleur. Plus la catastrophisation et la peur sont élevées, plus les douleurs sont élevées. Marie reconnaît que la catastrophisation et la peur de la douleur engendrent un mécanisme de protection. Elle s’est enracinée dans un cercle vicieux douloureux. Comme les relations sexuelles impliquent son partenaire, Nicolas, sa réponse a aussi une importance. L’étude soutient qu’un partenaire offrant un soutien élevé brise le lien entre la catastrophisation et la douleur. Nicolas peut donc favoriser une brèche dans le cercle vicieux.
Elle a également lu que le manque de flexibilité des muscles du plancher pelvien contribuait à l’augmentation des douleurs. Effectivement, la pénétration vaginale cause un étirement douloureux des muscles du plancher pelvien.
Marie s’interroge sur les autres éléments qui pourraient expliquer les douleurs, puisque l’étude n’en explique que le tiers. Elle apprend que plusieurs autres facteurs pourraient être impliqués: d’autres facteurs psychologiques et physiques, mais aussi neurologiques.
Il y a de l’espoir!
Cette étude confirme que la vestibulodynie provoquée cause des douleurs bien réelles qui sont multifactorielles et qui peuvent être traités en physiothérapie. Ces traitements visent à diminuer les déficiences des muscles du plancher pelvien, contribuent à déconstruire les idées ancrées dans la catastrophisation et diminuer les peurs. Marie et les 675 000 femmes atteintes de vestibulodynie provoquée au Québec n’ont plus à croire que leurs douleurs sont exagérées. Elles sont réelles et il existe une solution multimodale à ce problème multifactoriel.
À propos Justine Benoît-Piau
Justine adore la danse. Entrepreneure dans l’âme, elle a même créé sa propre école de danse à Drummondville et elle y enseigne. Est-ce que c’est cette passion pour la danse, le mouvement et l’incroyable capacité du corps qui l’a poussée à décrocher son baccalauréat-maitrise en physiothérapie de l’Université de Sherbrooke? Possiblement.
Justine est maintenant étudiante à la maîtrise en recherche en sciences de la santé. Son projet de maîtrise porte sur les facteurs de risques de blessures chez les danseurs. Au terme de sa maîtrise, Justine souhaite poursuivre au doctorat et éventuellement décrocher un poste de professeure
À propos du concours
L’Université de Sherbrooke tient annuellement le Concours de vulgarisation scientifique, dont les objectifs sont de stimuler des vocations en vulgarisation scientifique et d’augmenter le rayonnement des travaux de recherche qui s’effectuent à l’Université, qu’ils soient de nature fondamentale ou appliquée.