Recherche sur l’ARN pour la médecine de demain
Il était une fois… un soleil nommé UdeS
Quand on découvre le rôle que l’Université de Sherbrooke joue dans l’expansion de la science de l’ARN au Canada, un domaine prometteur pour la médecine de demain, on mesure toute l’attraction gravitationnelle de son leadership en recherche. Histoire d’une expertise convergente et unique en son genre.
ARN. Trois lettres désignant une molécule qu’on soupçonne être à l’origine de la vie sur Terre. Un sigle tout simple, mais qui incarne la promesse de traitements médicamenteux révolutionnaires dans des domaines comme l’oncologie (cancer du sein et de l’ovaire, par exemple) et la virologie (VIH et autres virus émergents).
Le 28 avril dernier, l’Université McGill recevait le plus important financement de son histoire pour un projet de recherche majeur portant sur les thérapies ARN. Au rang des partenaires de recherche figurait l’UdeS, qui mettra à contribution notamment sa plateforme de recherche RNomique. Si le montant du financement frappait l’imaginaire, la présence de l’UdeS parmi les universités collaboratrices allait de soi pour plusieurs.
Au cours des 30 dernières années, l’UdeS s’est taillé une excellente réputation en recherche sur l’ARN. Sa solide expertise est multidisciplinaire, et sa communauté, influente. D’ailleurs, dès la création du premier laboratoire ARN à l’UdeS, toutes les personnes étudiant cette molécule au Canada se sont mises à orbiter autour de l’institution.
La force de l’UdeS est indéniable en recherche, et l’étude de l’ARN le confirme une fois de plus : l'institution croise les disciplines pour étudier toutes les facettes de cette molécule prometteuse, et crée des connexions entre les meilleurs du domaine pour aider le Canada à s’y positionner à l’échelle internationale.
Dans ce domaine, on peut comparer l’UdeS à l’un des soleils d’une galaxie, autour duquel gravitent des planètes attirées par son magnétisme irrésistible.
Mais la naissance d’une étoile ne relève pas du hasard; elle est le résultat d’une séquence d’événements bien précise.
Naissance modeste, ambitions supergéantes
À l’UdeS, le professeur Jean-Pierre Perreault est l’un des premiers chercheurs à avoir étudié l’ARN dans les années 1990. Le vice-recteur à la recherche et aux études supérieures se rappelle ses débuts dans ce « domaine du futur » avec le microbiologiste Benoît Chabot et le rhumatologue Gilles Boire :
« Nous venions de l’Université Yale tous les trois, relate le vice-recteur. Avec notre premier octroi en 1994, nous avons commencé à recruter des chercheurs, le professeur Raymund Wellinger d’abord, puis d’autres, comme le professeur Sherif Abou Elela. Vers 1998, nous avons obtenu une reconnaissance en tant que groupe de recherche. En parallèle, nous avions organisé une retraite scientifique provinciale qui a connu un immense succès. L’année suivante, c’est devenu le fameux RiboClub. Rapidement, nous avons commencé à attirer à peu près tout le monde qui travaillait sur l’ARN à travers le pays. »
Au fil des années, le RiboClub a acquis une notoriété nationale grâce au jumelage de son événement annuel à celui de la Société canadienne de biochimie et de biologie moléculaire et cellulaire, également piloté par le professeur Perreault. Puis, un volet international s’est ajouté avec l'invitation d'expertes et d'experts provenant chaque année de différents coins du monde : Suisse, Boston, Japon, etc.
Aujourd’hui, le RiboClub de l’UdeS jouit d’une notoriété internationale. Son rassemblement annuel est devenu un événement scientifique incontournable, d’exception. Quelques lauréats d’un prix Nobel y ont même pris part.
À ces événements annuels s’ajoutent des rencontres mensuelles où les quelque 70 membres du RiboClub – dont 13 provenant de l’UdeS – décortiquent ensemble une impasse de recherche avec une lunette multidisciplinaire : microbiologie, biochimie, rhumatologie, virologie, génétique et informatique.
C’est sans compter les journées annuelles et mensuelles organisées par les étudiantes et étudiants à la recherche sur l’ARN, des initiatives qui ouvrent un univers de possibilités en formation et en développement professionnel.
Un environnement de recherche exceptionnel, il va sans dire. Avec un tel dynamisme, il n’est pas étonnant d’apprendre que l’UdeS est un acteur majeur dans le développement de cette discipline au Canada.
Structurer l’ARN au Canada
Plusieurs applications issues de l’ARN révolutionneront la médecine à long terme. Aider le pays à développer ce secteur est l’un des objectifs de l’UdeS.
Au Canada, près de 50 % du financement réservé à la recherche sur l’ARN est octroyé au Québec. La province a de solides atouts.
Des projets sont d’ailleurs en préparation avec des instances gouvernementales. « Nous travaillons au développement d’un agenda ARN au Canada. Il faut donner à cette science toute la place qui devrait lui revenir », confie le professeur Perreault.
Par ailleurs, à l’UdeS, une deuxième génération de scientifiques s’apprête à prendre le relais dans l’exploration et l’expansion de ce domaine de recherche, avec comme copilotes un essaim d’étudiantes et d’étudiants à la maîtrise, au doctorat et en stage postdoctoral pour divers projets.
Quand on sait que 19 essais cliniques sur 20 échouent en développement du médicament, les avancées à base d’ARN tracent une trajectoire des plus prometteuses en santé et pour les instances qui les financent. Pour peu que la mise en orbite soit réussie. Mais cela est déjà entre les mains de chercheuses et chercheurs au talent infini.
Qu’est-ce qu’un ARN?
Un ARN ou « acide ribonucléique » est une molécule essentielle à la vie. On en retrouve des millions dans chacune de nos cellules. Il en existe plusieurs sortes; le plus connu est l’ARN messager, dont le rôle est de participer à la fabrication des protéines essentielles aux cellules.
Pour comprendre comment fonctionne l’ARN messager, imaginez que vous vous bâtissiez un nouveau cabanon. Vous aimez les volutes, alors vous vous inspirez d’un des symboles archéologiques les plus connus de toutes les civilisations : le Parthénon. Une recherche fructueuse à la bibliothèque vous a permis de mettre la main sur les plans de construction originaux. Vous faites une photocopie sur laquelle vous annotez quelques modifications quant aux dimensions, parce que 2100 mètres carrés de marbre blanc, c’est trop pour votre budget!
Les travaux avancent, et votre projet suscite l’envie du voisinage. Tout le monde veut son petit Parthénon! Le cœur sur la main, vous reproduisez votre copie modifiée et en remettez un exemplaire à chacun. Pour vous faciliter la tâche, vous auriez pu annoter vos changements dans l’ouvrage de référence directement et diriger tous vos voisins à la bibliothèque pour qu'ils les consultent, mais c’est du savoir ancestral, du patrimoine, on ne touche pas à ça!
L’ARN messager, c’est comme la photocopie du plan de construction : c’est ce qu’on peut modifier en laboratoire quand l’information génétique (ouvrage de référence) contient des failles à corriger. L’ARN synthétisé fournit de nouvelles instructions aux protéines qui fabriquent les cellules. Avec cette science, on peut par exemple livrer de l’ARN directement dans un hépatocyte pour combattre un cancer du foie, et ce, sans jamais modifier l’information génétique, ce qui en fait des thérapies sûres.
Les thérapies à base d’ARN sont utiles contre les cancers, les maladies génétiques, les maladies liées au vieillissement, les bactéries et les virus (dont le VIH/sida). Elles sont rapides et moins coûteuses à développer que les molécules classiques, et elles peuvent être livrées dans un endroit précis du corps.
La recherche sur l’ARN est très dynamique depuis la découverte du code génétique dans les années 1960.
Aperçu de nos spécialistes de l’ARN
Sherif Abou Elela, François Bachand, Brendan Bell, Martin Bisaillon, Jean-Philippe Brosseau, Benoît Chabot, Karine Choquet, Daniel Lafontaine, Benoît Laurent, Éric Massé, Aïda Ouangraoua, Jean-Pierre Perreault, Michelle Scott, Raymund Wellinger.
Les regroupements qui contribuent à l’avancement de ce domaine : l'Institut de recherche sur le cancer de l’Université de Sherbrooke (IRCUS ), le Centre de recherche sur le vieillissement (CdRV), le Centre interdisciplinaire de recherche en informatique de la santé de l’Université de Sherbrooke (CIRIUS) et l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke (IPS).