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Un des textes gagnants du Concours de vulgarisation scientifique 2021

D’étranges apocalypses : la fin du monde réinventée

Valérie Fiset-Sauvageau est étudiante à la maîtrise en études françaises.
Valérie Fiset-Sauvageau est étudiante à la maîtrise en études françaises.
Photo : Camille Girard

Avez-vous déjà vu la couverture d’un roman sans réussir à deviner son genre? Horreur, science-fiction, fantasy… De temps à autre, même une fois la lecture terminée, le doute plane toujours. Ne vous inquiétez pas, c’est normal! Vous avez mis la main sur une œuvre hybride, soit une fiction combinant les traits de plusieurs genres ou sous-genres. En pleine pandémie, l’anticipation postapocalyptique, un genre qui explore le futur après une catastrophe, remporte une grande popularité. Attention, si vous cherchez de tels livres en librairie, vous pourriez passer à côté d’œuvres hybrides surprenantes.

Couverture d’Hivernages de Maude Deschênes-Pradet, Montréal, Éditions XYZ, 2017

Couverture d’Hivernages de Maude Deschênes-Pradet, Montréal, Éditions XYZ, 2017

Deux romans québécois, Faunes de Christiane Vadnais et Hivernages de Maude Deschênes-Pradet, constituent de bons exemples avec des couvertures très esthétiques qui ne révèlent pas leur contenu. En commençant à lire, des éléments – mutations, cataclysmes, parasites, recherches biologiques et ville souterraine – donnent à penser qu’il s’agit uniquement de science-fiction. Un article de 2021 nuance cette première impression.

Catastrophe, surnaturel et conte merveilleux : un étonnant trio

Un hiver éternel. Voilà le futur cauchemardesque d’Hivernages, tandis que les personnages de Faunes affrontent une progressive transformation du monde. De nombreuses anticipations postapocalyptiques ou dystopiques (société imaginaire pire que la nôtre), par exemple La Servante écarlate de Margaret Atwood, 1984 de George Orwell ou Hunger Games de Suzanne Collins, proposent des dérives sociales ou technologiques. Au fil des pages, les fictions de Vadnais et de Deschênes-Pradet s’éloignent de ces univers.

Couverture de Faunes de Christiane Vadnais, Québec, Éditions Alto, 2018

Couverture de Faunes de Christiane Vadnais, Québec, Éditions Alto, 2018

En effet, dans les deux romans, des événements insolites, inquiétants et inexplicables se produisent : le fantastique apparaît peu à peu. Contre toute attente, le merveilleux, un genre lié aux contes, surgit par des allusions au grand méchant loup, à l’ogresse dévoreuse d’enfants ou à la Belle au bois dormant. Un tel mélange est captivant – les autrices de Faunes et Hivernages ont d’ailleurs remporté le Prix des Horizons imaginaires en 2019 – , mais est-il nouveau?

Redéfinir les imaginaires du futur

Au Québec, on regroupe les littératures de l’imaginaire sous le terme SFFQ (la science-fiction et le fantastique québécois). L’existence de cet acronyme montre que les textes hybrides existent depuis longtemps au sein de cette littérature spécialisée. Toutefois, Faunes et Hivernages se distinguent par le croisement peu fréquent de plusieurs genres : l’anticipation, l’apocalyptique et la dystopie avec le fantastique et le merveilleux. Un enchevêtrement créant une lueur d’espoir malgré la fin des temps.

Faunes et Hivernages s’adressent au grand public, et pas seulement à un lectorat adepte de SFFQ. Les deux romans traversent ainsi les frontières entre les genres, mais aussi entre la littérature spécialisée et la littérature générale (surnommée mainstream). De telles fictions sont qualifiées de slipstream chez les spécialistes anglophones. Il n’existe pas de traduction équivalente en français. Pour remédier au manque, l’article se conclut avec une suggestion pour désigner ce type d’œuvres : littératures transfrontalières de l’imaginaire.

Des idées pour l’avenir

Pourquoi inventer de nouvelles catégories? Ne suffirait-il pas de dire que ce sont des œuvres hybrides et cesser de s’en préoccuper? Pas tout à fait. Nommer des phénomènes permet de les reconnaître et de les étudier. En littérature, proposer de nouveaux termes influence la recherche, mais aussi la création et la réception. En d’autres mots, savoir qu’il existe des anticipations fantastiques et merveilleuses pourrait vous inspirer à en écrire ou vous donner le goût d’en lire.

À propos de Valérie Fiset-Sauvageau
Valérie Fiset-Sauvageau est étudiante à la maîtrise en études françaises, cheminement études littéraires et culturelles, profil recherche-création, sous la direction de la professeure Nathalie Watteyne. Dans le cadre de son mémoire, elle s’intéresse aux réécritures féministes et contemporaines de contes merveilleux. Bachelière en études internationales et en communication, elle est membre chercheuse étudiante du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), ainsi que membre du comité de lecture de la revue universitaire Cavale. Son premier roman jeunesse, Les corneilles de Diablevert, est paru en octobre 2021 chez Bayard Canada. L’article « Imaginaires sans frontières », vulgarisé dans le cadre de ce concours, est sa première publication scientifique.

À propos du concours
L’Université de Sherbrooke tient annuellement un concours de vulgarisation scientifique dont les objectifs sont de stimuler des vocations en vulgarisation scientifique et d’augmenter le rayonnement des travaux de recherche qui s’effectuent à l’Université, qu’ils soient de nature fondamentale ou appliquée.


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