Programme 2030 de l’ONU
De l’urgence de se mobiliser face au péril des inégalités
« Nous avons la possibilité de mettre fin aux fléaux immémoriaux de l’extrême pauvreté et de la faim plutôt que de continuer à détériorer notre planète et à laisser d’intolérables inégalités créer du ressentiment et semer le désespoir. » Ces mots de l’ancien secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon, prononcés en 2015 en faveur de l’adoption des objectifs de développement durable (ODD), trouvent écho dans les cours de l’économiste Khalid Adnane, où il convie ses étudiantes et étudiants à délibérer autour du programme 2030 et de ses ODD.
Enseignant à l’École de politique appliquée de la Faculté des lettres et sciences humaines depuis plus de 25 ans, Khalid Adnane est un habitué de l’intégration des concepts de développement durable à la formation. Que ce soit dans le cadre du baccalauréat en études politiques appliquées ou de la maîtrise en médiation interculturelle, il ajoutait déjà au début des années 2000 des activités pratiques inspirées des engagements de l’ONU en matière de justice et d’équité. Activités réflexives, simulations, débats… son approche pédagogique amenait les personnes étudiantes à s’interroger sur le monde et à prendre le pouls des grands enjeux sociétaux.
C’est qu’avant les ODD, il y a eu les… OMD, ou objectifs du millénaire pour le développement. En adoptant ces 8 objectifs au tournant du XXIe siècle, les États membres de l’ONU entendaient réduire d’ici 2015 l'extrême pauvreté et construire un monde plus sûr, plus prospère et plus équitable. La faillite de l’atteinte de ces engagements – les inégalités se sont même accentuées de manière importante dans certains pays – a mené à l’adoption d’un nouveau programme, pour l’horizon 2030.
De son propre aveu, Khalid Adnane a mis un certain temps à se familiariser avec l’esprit des nouveaux ODD. Le programme était encore plus ambitieux que le premier – 17 objectifs plutôt que 8, et 169 sous-cibles au lieu de 21 –, lequel avait échoué lamentablement à ne laisser personne derrière.
2030, c’est demain matin, à l’échelle d’une société. Je ne crois pas qu’un gouvernement va militer en faveur de moins de croissance, et encore moins en faveur de la décroissance. Mais sur le plan micro, on peut s’approprier individuellement les idées, en débattre, et faire en sorte d’exiger des actions autour de ces enjeux-là. La solution passe peut-être par là, pour que les pouvoirs politiques voient que ça devient une préoccupation publique et y répondent.
Khalid Adnane, économiste et enseignant à l'École de politique appliquée
Ce texte est le sixième d’une série qui illustre chaque mois l'intégration du développement durable dans la formation à l'UdeS, par l'entremise d'initiatives et d'exemples liés à l'un des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU. L'approche pédagogique dont il est question dans le présent texte met en valeur l'ODD 10 – Inégalités réduites.
Prioriser, délibérer, faire consensus
Khalid Adnane plonge donc ses étudiantes et étudiants dans l’esprit des ODD en les faisant travailler sur une activité de délibération autour du programme 2030. D’abord sur le plan individuel, puis en équipe, ils doivent prioriser les quatre objectifs les plus importants à atteindre pour favoriser l’avènement d’un monde plus sûr et plus juste pour toutes et tous, puis en débattre, pour finalement parvenir à un consensus.
Les ODD, qui peuvent paraître à première vue exogènes à la formation, sont en réalité au centre de notre vie et de notre avenir. En classe, ils deviennent un prétexte pour développer des compétences en matière de délibération et de recherche du consensus.
Khalid Adnane, économiste et enseignant à l'École de politique appliquée
La forte prise de conscience chez la génération étudiante actuelle par rapport à l’urgence d’agir pour un monde meilleur met d’ailleurs un baume d’espoir sur le pessimisme que Khalid Adnane ressent parfois devant l’état mondial actuel.
Pour la toute première fois depuis que je propose cet atelier, les étudiants étaient unanimes : l’ODD lié aux changements climatiques doit être la priorité numéro un si on veut ensuite agir sur les autres. Ça donne espoir de voir cette mobilisation-là autour d’un même objectif.
Khalid Adnane, économiste et enseignant à l'École de politique appliquée
Alors que ce sont largement les riches et non les pauvres qui menacent la planète et accentuent le dérèglement climatique, ce sont les moins nantis qui en souffriront davantage. Le constat ramène inévitablement la question des inégalités et de ses dérives au premier plan. Un phénomène qui s’est accru de manière exponentielle partout dans le monde, entre les pays et au sein même de ces derniers, rappelle l’enseignant.
Un risque pour la cohésion sociale
La mondialisation des marchés, qui devait être heureuse et profitable pour tout le monde, ne l’aura été que pour les plus riches, se désole Khalid Adnane.
Les inégalités inhérentes au modèle capitaliste ne cessent de se creuser de façon très marquée depuis les années 1980; la mondialisation a failli à ses promesses. Il y a là un réel danger pour la cohésion sociale.
Khalid Adnane, économiste et enseignant à l'École de politique appliquée
Ce dernier précise que si on les laisse encore se creuser, les inégalités risquent de représenter la menace sociale la plus sérieuse dans les prochaines années, notamment pour les sociétés occidentales.
Face à cet enjeu crucial, Khalid Adnane amène donc ses étudiantes et étudiants à repenser le développement de demain autrement que sur l’unique plan économique, en cherchant à y intégrer les principes de développement durable et de solidarité sur les plans national et international.
Déjà, il remarque que les jeunes générations auxquelles il enseigne constatent de plus en plus qu’il y a péril en la demeure, et que ce modèle économique n’est plus viable.
« Les pays ne peuvent pas tous devenir émergents et consommer comme les États-Unis d’Amérique, ça ne fonctionne pas dans l’état actuel du monde », entend régulièrement Khalid Adnane de la bouche de ses étudiantes et étudiants, et ce, dès le début d’un cours de quinze semaines abordant les relations Nord-Sud.
De l’appropriation des ODD en classe au nécessaire changement de paradigme, l’horizon 2030 pourrait peut-être se révéler finalement moins gris qu’il n’en paraît…
À propos de l'ODD 10 – Inégalités réduites
Si les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre demeurent préoccupantes à l'heure actuelle, leur réduction fait partie intégrante des efforts visant à atteindre les objectifs de développement durable. En dépit de quelques signes favorables à la réduction des inégalités dans certains domaines, comme la réduction des inégalités de revenus dans certains pays et l’octroi d’un statut commercial préférentiel dont bénéficient les pays à faible revenu, les inégalités persistent à l'échelle planétaire.
Ne manquez pas la suite de cette série, en novembre prochain!