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Portrait de chercheur

Jean Lessard : du pianiste au chimiste

Jean Lessard
Jean Lessard
Photo : Université de Sherbrooke

Jean Lessard, sympathique chimiste à la retraite, est le genre d’homme passionné qui touche à tout et qui ne peut s’arrêter : après plus de 145 publications, 3 brevets et plusieurs bourses, prix et distinctions à son nom, il n’a pas fini d’impressionner!

Passionné de musique, Jean Lessard jouait du piano dans sa jeunesse, jusqu’à ce qu’un bémol le freine dans son ardeur : un fâcheux accident à la main le poussa à mettre de côté son instrument et à choisir une autre carrière. Heureusement qu’il s’intéressait à tout! Au départ, c’était la philosophie, mais il ne voulait pas enseigner; ensuite, les mathématiques, mais le baccalauréat durait 5 ans; enfin, la chimie, qui a été choisie sur un coup de tête. Monsieur Lessard se décrit lui-même comme «un type qui prend des décisions rapides et sans trop réfléchir». D’ailleurs, pendant tout son baccalauréat, il détestait la chimie organique, mais quelle ne fut pas sa surprise et celle de ses professeurs lorsqu’il a changé de perception du tout au tout et a décidé de poursuivre son doctorat non pas en chimie physique, mais en chimie organique!

Changements radicaux...

Alors qu’il accomplissait son postdoctorat en Angleterre, Jean Lessard s’est fait approcher pour travailler au Conseil national des recherches du Canada (CNRC) à Ottawa où il a travaillé comme chercheur indépendant de 1967 à 1969. À l’époque, le chercheur affectionnait particulièrement une chimie très instable appelée chimie radicalaire. Son principe découle du fait que les radicaux possèdent un électron célibataire qui recherche un partenaire afin de créer l’accord parfait : une réaction organique! Il a développé plusieurs réactions à très haut rendement et a su démontrer qu’une structure particulière que possèdent certains radicaux était plus stable qu’une autre.

Malheureusement, Jean Lessard ne se plaisait pas assez au CNRC pour continuer à y faire ses recherches. De plus, le conseil allait bientôt être aboli par le gouvernement. Le chercheur s’est donc tourné vers les écoles et a été engagé au Département de chimie à l’Université de Sherbrooke en 1969. Jamais il n’aurait pensé que l’enseignement le rattraperait, mais l’harmonie qui régnait entre collègues l’avait tout de suite décidé à accepter le poste. C’est là qu’il continuera à effectuer des recherches sur les radicaux et qu’il commencera à travailler sur l’électrochimie qui deviendra un de ses principaux sujets de recherche.

Environnement et chimie à l’unisson!

L’électrochimie est la science qui permet la transformation de l’énergie chimique et de l’énergie électrique de manière réciproque. Jean Lessard l’a surtout utilisée dans les travaux de la Chaire de recherche Électrocatalyse-hydrogène qu’il a orchestrée de 1989 à 1999. Ces travaux visaient à découvrir des matériaux moins coûteux que le platine utilisé comme électrode, mais tout de même performants pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Cette façon de créer de l’énergie est beaucoup plus «verte» que la méthode de reformage au gaz naturel.

Par ailleurs, Jean Lessard est un de ceux qui voient la chimie verte d’un très bon œil, car, il faut se rendre à l’évidence, la chimie est très polluante de par ses innombrables réactions et solutions nocives produites lors d’expériences scientifiques. L’électrochimie permet justement de développer des procédés émettant moins ou pas du tout de polluants. Avec ses recherches en hydrogénation électrocatalytique, le scientifique a mis au point une méthode écologique de manipulation de molécules pouvant être employée pour des applications médicales. C’est en 2002 que le chercheur est récompensé pour ses recherches dans le domaine, car il remporte la Gold Medal de l’Electrochemical Award de l’Electrochemical Society, un prix décerné seulement tous les quatre ans.

«J’en suis très fier, déclare-t-il humblement, en tant qu’organicien, parce qu’il n’y a pas d’autres chercheurs en chimie organique au Canada à l’avoir eue, mais aussi en tant que premier Québécois à la recevoir.»

Carillon de louanges

Après avoir consacré une partie de sa carrière à l’électrochimie, Jean Lessard revint dans les années 2000 à la chimie radicalaire. Son objectif était de découvrir de nouvelles structures de radicaux qui pouvaient être réactives. Après la précision de plusieurs modèles, une réaction se produisit, mais ce n’était pas ce que le chercheur voulait alors il la mit de côté et même l’oublia. Quelque temps plus tard, la réaction se reproduisit après de nouveaux essais et c’est à ce moment qu’une petite cloche se fit sonner quelque part et fit réaliser à Jean Lessard ce qui suit : une nouvelle réaction venait d’être découverte!

«On est quand même conditionné quand on fait des travaux, explique le scientifique. “Think outside the box”, c’est ce qu’il faut faire souvent pour se rendre compte de ce qu’il y a devant nous.»

Une autre distinction surprit Jean Lessard en 2004. Cette fois, personne n’avait construit de dossier pour le proposer comme candidat. Il reçut un appel à son bureau disant qu’il est le récipiendaire du Murray Raney Award de la Organic Reactions Catalysis Society, qui est attribué tous les deux ans. Un prix de cette ampleur, ça se prend bien en fin de carrière, non?

En 2008, le professeur émérite a pris sa retraite officielle de l’enseignement, mais, encore aujourd’hui, il supervise des travaux d’étudiants au doctorat quatre jours par semaine à l’Université. De plus, il a participé à la rédaction d’un ouvrage scientifique et d’une encyclopédie sur le sujet de l’électrochimie. Actuellement, il travaille sur un article de revue portant sur l’hydrogénation électrocatalytique. À ce rythme, Jean Lessard ne délaissera pas sa passion de sitôt!