Une étude sur les métaux lourds présents dans les lichens
Le Nord québécois demeure l’une des régions les plus propres de la planète
Les lichens sont des partenaires de choix pour les chercheurs. En effet, ils sont capables de se développer dans des conditions extrêmes et possèdent la capacité d’accumuler divers contaminants. Ils sont ainsi utilisés depuis longtemps comme indicateurs biologiques de pollution atmosphérique.
L’équipe du Pr Jean-Philippe Bellenger, biogéochimiste au Département de chimie, a réalisé en collaboration avec l’équipe de Pr Lutzoni de l’Université Duke (É.-U.), une étude exhaustive de la pollution atmosphérique en métaux lourds au Québec. Cette étude, couvrant près de 1000 km du sud au nord du Québec et incluant plus de 100 échantillons, est la première du genre dans l’Est canadien et révèle que les niveaux de contaminations en métaux lourds retrouvés dans le Nord québécois sont parmi les plus faibles enregistrés à la surface de notre planète à ce jour. « Les niveaux de contaminations en métaux lourds des lichens du Nord québécois (de la hauteur de Manicouagan jusqu’à la baie d'Ungava) sont comparables, voire inférieurs à ceux retrouvés dans des zones très reculées telles que la cordillère des Andes, le Groenland ou le sommet des Alpes » précise le Pr Bellenger.
La circulation atmosphérique préserve le Nord
Romain Darnajoux, Ph.D., premier auteur de l’article publié dans la revue Science of The Total Environment, ajoute que « ces faibles niveaux de contaminations s’expliquent par la circulation atmosphérique de l’Est canadien. En effet, les grands courants atmosphériques de la région font que toutes les contaminations, provenant des mégalopoles de l’Est américain ou des villes du Québec, sont drainées le long du St-Laurent et très vite évacuées vers l’Atlantique. Le Nord québécois se trouve ainsi relativement protégé de toutes dépositions atmosphériques en métaux lourds provenant du Sud ». M. Darnajoux mentionne également que « nos données démontrent aussi que les activités minières actuelles du Nord québécois n’ont qu’une influence très locale en terme de contaminations en métaux lourds ». Il précise cependant que « notre étude se limite uniquement à la caractérisation des dépôts atmosphériques ».
Les travaux de l’équipe du Pr Bellenger mettent également en lumière le fait que « Le Nord canadien et québécois constitue un milieu privilégié pour la recherche sur le rôle biologique des métaux lourds. En effet, de nombreux métaux sont essentiels au fonctionnement de la biosphère. L’étude de leur rôle en milieu naturel est malheureusement souvent rendue difficile du fait de contaminations nombreuses et importantes qui masquent la réalité naturelle. Le Nord canadien et québécois est également un endroit exceptionnel pour la recherche sur le fonctionnement des écosystèmes boréaux ainsi que pour l’étude de leurs réponses aux changements climatiques et atmosphériques actuels. Les enjeux environnementaux liés aux écosystèmes boréaux restent méconnus du public, en comparaison par exemple à l’Amazonie, surnommée « le poumon de la planète ». Pourtant les écosystèmes boréaux jouent un rôle de premier plan, encore plus que l’Amazonie, dans les processus de séquestration du carbone (stockage de dioxyde de carbone et production de méthane) influant le processus de changement climatique.
L’équipe du Pr Bellenger souhaite répéter cette caractérisation des dépôts atmosphériques en métaux lourds dans le Nord québécois tous les 5 ou 10 ans afin de suivre l’évolution de la qualité de cet écosystème essentiel. En effet, dans le contexte actuel de réchauffement climatique, la circulation atmosphérique de l’hémisphère nord pourrait être fortement affectée remettant en cause la protection actuelle du Nord québécois. Le développement économique du Nord québécois (Plan Nord) pourrait également se traduire par de nouvelles sources de contaminations en métaux lourds liées aux activités humaines qu’il convient de documenter. Romain Darnajoux conclut que « nous avons la chance d’avoir un écosystème extrêmement diversifié, extrêmement intéressant et qui est encore peu touché par l’activité humaine. Il faudrait pouvoir le maintenir dans cet état au bénéfice de tous ».
Le lichen est un organisme fascinant et complexe. Bien qu’on puisse penser qu’il représente « une plante ordinaire », le lichen est en réalité le résultat d’une coopération, une symbiose, entre plusieurs organismes provenant de différents règnes du vivant; celui des champignons, celui des algues et celui des bactéries. Les lichens rendent de multiples services aux écosystèmes, notamment nordiques.