2018 Radiation Instrumentation Early Career Award / IEEE Nuclear & Plasma Sciences Society
Reconnaissance internationale pour le Pr Pratte
En 2001, il était à la même conférence pour la première fois. Au lieu d’être en Australie, c’était à San Diego. Au lieu d’y aller comme professeur, c’était comme étudiant à la maîtrise. Mais la passion, elle, était la même. Celle qui est née dans un laboratoire où il a vu pour la première fois des scans du corps humain en compagnie de celui qui allait être un de ses mentors, le Pr Roger Lecomte. Le génie, oui, mais pour changer la vie des gens, faire une différence. La voie était tracée depuis cet instant, à l’automne 1999.
Jean-François Pratte, professeur à la Faculté de génie depuis 9 années, est reparti de la conférence annuelle sur les sciences nucléaires et l’imagerie médicale IEEE Nuclear Science Symposium and Medical Imaging Conference avec un prix qu’il qualifie lui-même de « C'est probablement le prix le plus prestigieux que je pouvais gagner là où j'en suis dans ma carrière! » : 2018 Radiation Instrumentation Early Career Award. Une bourse de 1500$ est associée à ce prix. Mais c’est surtout la reconnaissance qui est associée au prix qui le rend si significatif pour le chercheur.
« Vraiment très content de ce prix. Et je mets du cœur à essayer de transmettre à mes étudiants ce que je trouve le plus important en recherche. Quand j’étais au Brookhaven National Laboratory dans les années 2000, mon bureau était en face de celui d’un des plus grands chercheurs qu’il m’a été donné de côtoyer : Pavel Rehak. Il avait deux doctorats, il parlait 7 langues. Une légende. Parfois, je lui posais des questions que je qualifiais de stupides. Et il m’a dit une chose que je n’ai jamais oubliée et que je répète à mes étudiants : ʺ There’s no stupid questions… only stupid answers. So the burden is on me! ʺ. Je leur répète aussi que l’humilité, c’est important. Il faut rester accessible physiquement et intellectuellement, laisser de la place au débat d'idées et travailler en équipe. Il faut rester ouverts et curieux envers les projets de recherche autour de nous, et non seulement sur le centimètre carré de notre projet de recherche », a confié le récipiendaire.
Astroparticules, scanners et Lego
Ce prix prestigieux veut reconnaître les contributions techniques significatives et innovatrices d’un jeune chercheur - qui a obtenu son doctorat depuis moins de 10 ans - en ce qui a trait aux techniques de mesure et d’instrumentation appliquées aux sciences des radiations.
« Ce qui apparaît sur la plaque qu’on m’a remise c’est : For Spearheading the Development of per Pixel Picosecond Timing with Single Photon Avalanche Diodes Three-Dimensionally Integrated to Custom Readout Circuits. Prenez par exemple la caméra sur votre téléphone, tablette ou PC. Elle est composée de millions de pixels qui permettent de capturer une image avec une résolution qui ne cesse de s’améliorer avec les années. Dans notre cas, les pixels ont la particularité de pouvoir compter les photons, le corpuscule élémentaire de la lumière, un par un. De plus, ces pixels sont aussi dotés de circuits microélectroniques qui permettent de mesurer le temps de vol des photons avec une précision temporelle inégalée, de l’ordre des picosecondes (soit un millionième de millionième d’une seconde). Une autre particularité qui fait la force de nos détecteurs, c’est le fait que l’information provenant de chacun des pixels est traitée par des circuits microélectroniques intégrés en 3D sous la matrice de pixels. C’est comme jouer au Lego : le morceau du dessus est la matrice de pixels, et le morceau du dessous contient toute l’électronique. »
Les travaux de recherche du Pr Pratte touchent globalement la conception de circuits intégrés, de détecteurs photoniques, de microsystèmes électroniques et l’assemblage 3D de circuits intégrés pour l’imagerie médicale et l’instrumentation pour des détecteurs de radiation.
« Par exemple, un des projets sur lequel je travaille avec le Pr Serge Charlebois touche les astroparticules, ce nouveau monde pour sonder l’Univers. On voudrait avoir 400 m2 de pixels qui baigneraient dans de l’argon liquide pour étudier la matière noire et mieux comprendre l’Univers dans lequel on vit, illustre le professeur. Je travaille aussi avec le Pr Réjean Fontaine sur les détecteurs et l’électronique frontale pour les scanners TEP. Un autre projet est dans le domaine du quantique : la distribution des clés quantiques. »
Travail d’équipe reconnu
Quand les équipes de recherche membres du GRAMS (Groupe de recherche en appareillage médical de Sherbrooke) se rendent à différentes conférences internationales liées au domaine, Sherbrooke se démarque de façon notable. « Sherbrooke est partout, et une des raisons pour laquelle nos étudiants se démarquent autant, je crois, c’est que nous les encadrons non seulement pour les volets techniques mais aussi pour les compétences relationnelles et communicationnelles, poursuit le chercheur. Nos collègues internationaux nous disent que nos étudiants sont vraiment bien préparés. »
Lors de cette même conférence en Australie en novembre 2018, notons les prix remarquables reçus par Samuel Parent, étudiant au doctorat en génie électrique, et Julien Rossignol, étudiant à la maîtrise en génie électrique. Ils ont reçu respectivement la 2e place pour la meilleure communication orale (sciences nucléaires) et la 1ere place pour la meilleure communication orale (imagerie médicale).
« Il y a tellement de joueurs impliqués dans ces reconnaissances-là. Mon équipe, mes collègues, mes collaborateurs, tous y ont contribué. Je tiens aussi à souligner l’importance d’une chaîne d’innovation comme on a la chance d’avoir à l’UdeS, mentionne le professeur. Je suis membre du GRAMS, de l’Institut quantique et de l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique – 3IT. L’accès à toutes ces ressources fait une énorme différence. »
Jean-François Pratte collabore aussi entre autres avec Teledyne Dalsa, à Bromont, avec le McDonald Canadian Astroparticle Physics Research Institute, à Queen’s University, CMC Microsystems, le CERN en Europe et avec Triumf, le principal laboratoire national du Canada en matière de recherche nucléaire et de physique des particules, situé à l’University of British Columbia. « Les partenariats, c’est important. Je demande toujours à mes étudiants ce qu’ils veulent faire après leur passage dans notre équipe. Que ce soit pour poursuivre vers une carrière académique ou dans l’industrie, je m’assure d’enrichir autant que possible leur « coffre à outils » et réseau de contacts pour qu’ils se rendent là où ils le désirent. Et de là, tout peut émerger », conclut le chercheur.