Chaire de recherche du Canada
Vers une meilleure qualité de vie pour les patients atteints d’incapacités liées à la mobilité
De nombreux Canadiens et Canadiennes atteints de maladies dégénératives ou d’autres pathologies qui affectent le mouvement pourraient avoir une meilleure qualité de vie grâce aux travaux de recherche de la professeure Karina Lebel et de son équipe. Installée au Centre de recherche sur le vieillissement, cette chercheuse aux profils à la fois technique et recherche clinique le dit elle-même : elle a trouvé sa niche, qui consiste à faire le lien entre plusieurs domaines dans un but explicite, celui d’améliorer la qualité de vie des patients. La science, le génie, la gériatrie, la physiothérapie, la pharmacie, l’instrumentation : elle en est convaincue, travailler ensemble dès le début est la solution.
Professeure Lebel, rattachée au Département de génie électrique et génie informatique, est à la tête d’une Chaire de recherche du Canada depuis le printemps dernier, dont les objectifs sont orientés vers la signature biomécanique du mouvement pour mieux comprendre et réduire les incapacités liées à la mobilité.
Ce qu’on veut réussir à atteindre, en résumé, c’est le développement de systèmes de mesure et d’analyse qui vont nous permettre de caractériser la mobilité fonctionnelle d’une personne au fil du temps, pour pouvoir suivre l’évolution de ses incapacités liées à la mobilité afin que le suivi par les professionnels qui l’accompagnent soit vraiment optimisé et, surtout, personnalisé.
Pre Karina Lebel
Identifier les incapacités plus rapidement
La mobilité fonctionnelle est liée à la capacité d’une personne à accomplir des activités quotidiennes, comme se lever, se déplacer ou s’habiller. « Pour chaque tâche, il y a une séquence spécifique de mouvements attendue, c’est ce que l’on appelle la signature, poursuit professeure Lebel. Quand une personne devient limitée dans ses mouvements par une maladie dégénérative ou une limitation biomécanique, la signature change, et c’est ce qui peut entraîner des conséquences immédiates ou à venir, et cela a un réel impact sur sa qualité de vie. »
Les outils sur lesquels les travaux de la Chaire seront orientés permettront justement d’améliorer la qualité de vie de ces patients atteints d’incapacités fonctionnelles en permettant des interventions personnalisées basées sur la signature de leur mouvement. En optimisant les outils de mesure, on permettra une identification plus précoce et plus précise de certaines incapacités que l’on pourra ensuite mieux gérer en contexte clinique ou écologique, c’est-à-dire directement dans le milieu de vie de la personne. Les écarts par rapport à la signature visée sont un bon indicateur de la présence d'un handicap.
« Par exemple, souligne Karina, on observe chez les patients atteints de Parkinson un couplage tête-tronc plus accru lors d’un changement de direction, c’est-à-dire qu’ils bougent plus en bloc, les deux ensemble. Cette façon de bouger augmente les risques de chutes. Notre objectif consiste à analyser à l’aide de capteurs, dès le début de la maladie, la signature de leurs mouvements avant même l'apparition de signes visuels. La médication pouvant aider à tendre vers un couplage normal, nos résultats pourraient par exemple guider un neurologue dans sa prise de décisions en regard de la dose d’un médicament ou de l’horaire qui y est associé. L’idée est d’agir plus vite et de façon optimale pour ralentir le plus possible les pertes d’autonomie. »
Aider le spécialiste à aider le patient
Karina et son équipe garderont toujours en tête l’importance de rendre les systèmes qu’ils développeront utilisables pour les cliniciens, de maximiser leur potentiel pour une utilisation clinique mais aussi écologique.
C’est tellement important de faire le pont entre les développements technologiques et la réalité des professionnels de la santé. Le mot clé, c’est la communication. Créer cette synergie interdisciplinaire, c’est la base, et ensuite la communication entre les parties devient primordiale avec toujours comme but d’aider le mieux possible le patient. En plus, les systèmes développés peuvent servir à d’autres chercheurs, plusieurs spécialités peuvent en bénéficier. Médecins, gériatres, pharmaciens, ingénieurs, scientifiques, professionnels en réadaptation : tous sont impliqués. L’esprit de la Chaire se voit bien ici : on a besoin de s’entraider, de développer en commun au service d’autres connaissances, d’agir en synergie pour l’atteinte d’objectifs communs.
Pre Karina Lebel
L’importance de la qualité des données
Dans le cadre d’un des premiers projets de la Chaire, on demandera à des volontaires sains de s’adonner à la marche sur des chemins à inclinaisons variables, question de valider la stabilité et la fiabilité des systèmes. On développe en effet la validité des systèmes avec des gens sans pathologies. La qualité de ces données puisées en amont est importante, car elles détermineront toutes les étapes subséquentes : lorsqu’un patient sera dans son milieu de vie et prendra de nombreuses données pendant des semaines à l’aide par exemple de capteurs, on veut pouvoir s’y fier ou, du moins, en connaître les limites.
Les travaux de la Chaire s’intéresseront aussi aux mouvements involontaires oraux-faciaux, pour lesquels des outils de mesure n’existent pas à proprement parler, ainsi qu’aux mouvements du haut du corps. On veut comprendre entre autres comment les mouvements volontaires sont affectés par les mouvements involontaires. Le laboratoire au Centre de recherche sur le vieillissement sera notamment bonifié pour ces recherches.
La technologie derrière les systèmes
Avec ces projets de recherche, on veut pousser plus loin la technologie liée à la validation des systèmes disponibles sur le marché et voir comment on peut rendre ces systèmes-là utilisables, comment on peut maximiser leur potentiel pour une meilleure utilisation clinique. Pour ce faire, on utilisera principalement des capteurs inertiels, qui permettront de qualifier la qualité d’un mouvement et non pas seulement la quantité. Et si on s’avance encore un brin sur le terrain technique derrière ces recherches, les mots clés qui nous intéressent sont le traitement de signal et le développement d’algorithmes novateurs.
Avec son intérêt indéniable pour l’interdisciplinarité en recherche, professeure Karina Lebel mettra tout son bagage en génie électrique, en contrôle aérospatial, en assurance qualité, en sciences cliniques, en biomécanique, en neurosciences et en orthopédie au service d’une meilleure analyse du mouvement fonctionnel humain.
Ce qui ferait qu’elle serait satisfaite dans 5 ans : « Aller plus loin dans l’interdisciplinarité me branche énormément; développer une synergie, aller ensemble plus loin, c’est le cœur du projet. Mon engouement pour la combinaison du génie et de la médecine me nourrit, j’ai besoin de sentir l’utilité de ce que je fais. Dire "Oui on peut faire ça!" à un clinicien qui, depuis 5 ans, pense que ce n’est pas possible, c’est plus que gratifiant. Ça nourrit une relation, qui, elle, va justement servir la globalité des objectifs de recherche. »
À propos de la professeure-chercheuse Karina Lebel
Karina Lebel est professeure à la Faculté de génie au Département de génie électrique et informatique. Installée au Centre de recherche sur le vieillissement, cette chercheuse se spécialise dans la technologie de capture des mouvements, des capteurs biomédicaux et du traitement des données pour mettre au point des méthodes de mesure et des algorithmes analytiques novateurs afin de caractériser différentes signatures du mouvement. Titulaire d’une Chaire de recherche du Canada sur la signature biomécanique du mouvement pour mieux comprendre et réduire les incapacités liées à la mobilité, elle fait le lien entre plusieurs domaines afin d’améliorer la qualité de vie des patients.