Jeunes chercheurs en robotique
Robotique 2021 : tout un terrain de jeu!
Alexandre, Nicolas et les deux François sont quatre nouveaux professeurs principalement associés au génie robotique, arrivés en nos murs pour appuyer le développement du seul programme de baccalauréat en génie robotique au Canada. Ils se sont joints avec un naturel désarmant aux projets de robotique en cours et ont même eu le temps depuis leur arrivée de développer de nouveaux partenariats stratégiques. La robotique a accès à un beau terrain de jeu actuellement, étant liée de près à plusieurs enjeux du moment comme l’intelligence artificielle, l’éthique et l’autonomie énergétique. Balayons cette image de R2-D2 qui vient de se pointer le nez : place à la robotique 2021, désormais personnifiée par des drones, exosquelettes, puces et autres dispositifs.
Nicolas Quaegebeur : ode aux ondes
Directement de la France, Nicolas devait venir faire un stage de recherche à Sherbrooke… de douze mois. Stage qui s’est prolongé un brin sous forme de trois ans d’études postdoctorales, suivies par une offre professorale. Quand on étudie dans une grande école parisienne où les arts côtoient allègrement le génie, rien d’étonnant à ce que l’on s’intéresse à la qualité des haut-parleurs en fonction de leur mécanique... Et pas étonnant non plus que, en lien avec ce parcours, nos projets continuent d’associer l’ingénierie aux sons! Plus précisément, aux ultrasons.
Tous les principaux projets sous la loupe de Nicolas en ce moment ont les ondes ultrasonores comme dénominateur commun. Procédés industriels, aéronautique, inspection de structures et imagerie médicale : tous des domaines où l’utilisation des ultrasons représente une petite révolution!
Traverser la boîte crânienne pour l’obtention d’images tout à fait inédites? Il y a de beaux défis pour l’utilisation des ultrasons en médecine, qui peuvent permettre d’envisager un jour cette possibilité. Mais, en attendant, les projets en cours visent l’adaptation des techniques d’échographie pour améliorer le contraste ou la résolution des images médicales ou, d’un point de vue plus thérapeutique, pour améliorer les traitements en cas d’AVC ou de maladies neurodégénératives. L’ingénierie derrière tout ça permettra de fabriquer, par exemple, des sondes à l’échelle de quelques dizaines de microns ou des systèmes de positionnement dans le but de mieux outiller les spécialistes.
La robotique
Un robot est un dispositif qui combine la mécanique, l’électronique et l’informatique pour accomplir automatiquement des tâches qui imitent des actions humaines. La conception de ces systèmes est la robotique.
Une échographie des matériaux
De l’hôpital à l’usine de pâtes et papiers, l’ingénierie est encore là. Pourquoi vouloir utiliser les ultrasons pour rejeter l’eau, sans lui toucher, sur les parois d’un tuyau afin de concentrer au centre la fibre de bois? Projet d’actualité pour le professeur Quaegebeur, qui vise notamment une grande économie d’eau et d’électricité. Toujours dans le monde industriel, les innovations robotiques peuvent aussi permettre l’inspection de structures complexes de génie civil, de celles en aéronautique, des parois des pipelines ou encore des réservoirs pour l’automobile. « Un robot peut facilement suivre un contour et scanner une surface, précise Nicolas Quaegebeur. Il est aussi tout à fait capable de faire l’échographie de n’importe quel matériau, mais de façon automatisée et contrôlée. On peut imaginer un outil robotisé qui s’ajusterait ainsi à une structure complexe et qui s’adapterait même à la rugosité de la surface. »
Mettre ses bottes à cap, la main à la pâte et ses connaissances au service de partenaires industriels aux prises avec de beaux défis qui demandent de pousser un peu plus loin l’éventail de solutions : oui, tout ça fait vibrer Nicolas. Et à tout ça s’ajoutent la robotique proprement dite et, surtout, l’enseignement :
Les fondations de la robotique m’ont toujours passionné. L’humain contrôle des machines qui sont amenées à évoluer toutes seules, comme prévu, de manière fiable. À travers leur parcours, les étudiantes et étudiants sont amenés à réaliser tout le défi que représente le besoin de voir ce comportement se répéter de jour en jour, même en présence de scénarios catastrophes. Et cela m’allume, j’aime les voir évoluer, voir comment je peux les accompagner, voir où je peux les amener. Bref, j’aime enseigner!
François Grondin : l’audition robotique
Le cœur de la recherche de François Grondin est l’audition artificielle en robotique. On veut permettre aux robots des interactions avec les humains en utilisant la voix : « On peut facilement imaginer une situation où une personne désire donner clairement une consigne à un robot qui se déplace dans un entrepôt même si elle a les mains occupées, introduit le professeur. L’interaction n’est pas si simple à optimiser : le robot fait des bruits quand il se déplace, il y a du bruit ambiant et de la réverbération. On est dans un environnement dynamique. Et comme les bruits indésirables affectent la reconnaissance vocale, il y a encore beaucoup de recherches à mener dans le domaine »
Diminuer l’anxiété des personnes malentendantes
L’utilisation de la voix pour interagir efficacement avec les robots amène une variété de beaux projets. Parmi les projets qui occupent François, on retrouve des robots assistants dans les CHSLD et, dans un contexte de cognition assistée, un autre qui cible les personnes malentendantes afin qu’elles puissent se tourner dans la direction d’où vient un son à l’aide d’une ceinture qui vibre selon l’origine de ce son.
Ce projet-là pourrait faciliter l’inclusion des personnes malentendantes et diminuer leur anxiété face à certaines situations. Puisque la perception sonore est omnidirectionnelle, on comprend que notre attention est d’abord auditive avant d’être visuelle. Si on parvient à les aider à localiser la direction du son, on peut réduire les interférences provenant des autres directions, et tout cela contribue à rehausser la qualité sonore de ce qu’elles perçoivent.
François a fait sa maîtrise et son doctorat dans le laboratoire IntRoLab sous la direction du professeur François Michaud. Depuis longtemps, donc, les robots autonomes, mobiles et concrets meublent son imaginaire. Il adorait voir les applications concrètes se déployer en solutions sous ses yeux. Mais une autre voie s’est subrepticement immiscée dans son parcours : « J’ai su dès mon postdoctorat au MIT que je voulais enseigner. Déclic total. Voir une appropriation du domaine par un étudiant, voir la maturité d’un futur chercheur prendre forme, voir l’assurance se développer, c’est vraiment un sentiment génial. »
Positionner l’UdeS en audition robotique
« Le génie robotique fait partie de plusieurs solutions. »
Le professeur Grondin s’avance même sur le chemin d’un positionnement institutionnel en robotique auditive : « Je pense que l’UdeS possède tous les atouts pour se positionner dans cette niche. On est déjà une référence dans le domaine, on a une forte crédibilité, et notre expertise est unique. » Son mot de la fin est tout aussi éloquent : « La robotique en soi a une vocation noble, mais le but ultime n’est pas unique : on fait profiter dans l’intervalle d’autres domaines qui ont les mêmes besoins. Le génie robotique fait partie de plusieurs solutions. »
François Ferland : vers une téléprésence efficace
Si on vous parle d'« intelligence artificielle embarquée », de « robotique cognitive » ou d’« architectures de contrôle pour robots autonomes », vous savez à quoi ces notions font référence? En fait, elles font partie du quotidien du professeur François Ferland. Avec des études initiales en génie informatique, il s’intéresse plus particulièrement à la conception de systèmes robotisés, mais aussi aux interfaces qui permettent de contrôler un robot à distance. L’interaction du robot avec l’externe est rendue possible par l’information qui lui est envoyée à distance via un ordinateur avec lequel on programme les différentes tâches à accomplir.
Moduler les réactions d’un fauteuil avec le cerveau!
François aussi est issu du laboratoire de recherche IntRoLab, où il a fait sa maîtrise et son doctorat. Déjà, il s’intéressait à la nécessité qu’a le robot d’explorer son environnement en temps réel. On vise des actions-réactions en temps réel, sans trop de délais. Et pour optimiser ce comportement, il faut en fait aider le robot à se concentrer.
Pour que le robot ait un comportement riche, il faut lui permettre d’avoir une attention sélective, il faut l’aider à déterminer quelles données il doit traiter en priorité. Ça permet ainsi de réguler les capacités du robot en fonction des tâches. Ces développements pourraient nous mener à une intelligence artificielle embarquée très efficace.
Ses recherches se poursuivent d’ailleurs sous cet angle avec, entre autres, des robots de téléprésence dans les centres pour personnes âgées. Il s’intéresse également à la conception d’un casque avec électrodes qui permettrait de moduler, sans avoir à entrer des commandes fines, comment un fauteuil roulant semi-autonome réagit selon l’action du cerveau!
De la détection de présence aux réparations de conduits
Les partenariats se multiplient entre les chercheurs eux-mêmes, mais aussi avec plusieurs entreprises qui voient toutes les possibilités d’une collaboration universitaire. « J’ai effectivement des projets de recherche avec, entre autres, Alexandre Girard, François Grondin et Alexis Lussier-Desbiens. On touche plusieurs secteurs industriels : un système de vision pour les robots collaboratifs, des systèmes de détection de présence humaine, des systèmes d’aide à la conduite, des tâches de ponçage automatisées, des réparations de conduits d’eau et des tâches d’inspection de câbles haute tension avec des drones. »
RoboCup@Home
Sachant depuis longtemps qu’il allait aller à l’école longtemps, François connaissait son goût et son besoin d’apprendre, d’inventer, de créer. Goût et besoin qu’il a aussi transposés dans un autre volet : « J’aime vraiment enseigner. Monter les cours et même, dans ce cas-ci, un programme, c’est gratifiant. Je ne me doutais pas que j’aimerais ça à ce point. » L’informatique est, selon lui, un endroit incroyable pour créer et se dépasser. « Ce que j’aime le plus dans ce domaine? Voir ce qu’on crée en informatique dans une machine qui interagit instantanément aux changements de son environnement et voir son comportement évoluer sur cinq minutes, deux heures, trois jours... Notre travail, c’est de faire en sorte que l’on n’ait pas à ajuster son comportement tout le temps; elle doit être capable de le faire elle-même, de percevoir son environnement, de prendre des décisions, de les appliquer. Et quand on fait des essais dans des environnements non contrôlés, c’est vraiment là qu’on voit tout ce qui reste à faire. »
Prochaine étape : François et son équipe de recherche visent d’ici moins de trois ans la compétition internationale RoboCup@Home. Le défi : développer des technologies de service et de robot d'assistance pour les futures applications domestiques personnelles. Il s'agit du plus grand concours annuel international de robots de service autonomes.
Alexandre Girard : pas de recettes toutes faites, svp!
Je suis attiré par les trucs plus flyés et moins par les recettes de cuisine toutes faites. J’aime quand, initialement, on ne sait pas trop comment aborder un problème. Je suis allé faire mon doctorat au MIT, et on peut dire que je me suis vraiment amusé avec la robotique. J’ai vu toutes sortes de robots! Nos activités de recherche étaient orientées vers le mouvement robotisé, le défi de faire bouger des dispositifs de façon intelligente.
De retour à Sherbrooke depuis peu comme professeur, Alexandre Girard fait encore des projets de recherche que l’on pourrait qualifier de flyés, principalement associés à deux axes de recherche : les bras robotiques performants et les véhicules intelligents.
Opérer avec un robot et sentir le scalpel!
En collaboration avec le professeur Jean-Sébastien Plante, il s’intéresse à la conception et à la commande de bras robotisés, principalement aux bras collaboratifs qui peuvent par exemple être utilisés dans un contexte d’interaction avec des humains.
C’est sûr qu’on parle souvent de nos bras portables, comme ceux de Dr Octopus, qui représentent la branche un peu plus éclatée de nos recherches. À plus court terme, on vise à développer, basées sur les mêmes technologies, des applications plus matures comme des exosquelettes, des systèmes de réadaptation ou des dispositifs haptiques, qui concernent le sens du toucher. Ces applications pourraient, par exemple, permettre aux chirurgiens d’opérer à distance avec l’aide d’un robot tout en ressentant les sensations du scalpel sur la peau.
Adapter les véhicules autonomes à la glace
Le professeur Girard s’intéresse aussi aux commandes derrière les véhicules intelligents. On parle ici d’algorithmes de mouvements appliqués aux drones, aux véhicules hors route, aux voitures. « Sans vouloir entrer trop dans le côté technique, disons juste que l’on est ici en contexte de Machine Learning ou d’apprentissage machine, c’est-à-dire que l’on veut récolter le plus de données possible pour permettre à notre algorithme d’apprendre de ses erreurs et de devenir meilleur pour toujours mieux gérer les problèmes de contrôle. Ce n’est pas facile pour un véhicule autonome de bien réagir sur une surface glacée par exemple. Il doit identifier le problème, prendre une décision et réagir rapidement en considérant à la fois le freinage et la direction. On travaille là-dessus. »
Diminuer les blessures pour les préposés
Une collaboration existe aussi avec un fournisseur mondial de dispositifs médicaux pour le développement de systèmes robotiques collaboratifs. « Ici, ce qui est intéressant, c’est que la robotique est réellement en train d’être intégrée dans leur prochaine génération de produits. Leurs technologies sont à maturité, ce qui rend l’implémentation robotisée plus rapide et plus près de la commercialisation. C’est super valorisant de travailler sur une technologie qui contribuera à diminuer les blessures chez les préposés, et ce, à très court terme. »
« Ici, ce qui est intéressant, c’est que la robotique est réellement en train d’être intégrée dans leur prochaine génération de produits. Leurs technologies sont à maturité, ce qui rend l’implémentation robotisée plus rapide et plus près de la commercialisation. »
Alexandre a aussi découvert, tout comme ses trois collègues, à quel point il aimait enseigner. Les premiers finissants du programme de génie robotique termineront d’ailleurs en décembre cette année : ils auront vraisemblablement eu la chance de côtoyer de vrais passionnés au cours de leur parcours! De plus, une nouvelle professeure se joindra à l’équipe enseignante en génie robotique d’ici quelques mois grâce au Grand Concours de bourses postdoctorales Claire-Deschênes. Avoir le vent dans les voiles? Non. Trop léger. Ici, on va un peu plus loin : on a de la puissance dans les actionneurs!
Informations complémentaires
- Page professionnelle Nicolas Quaegebeur
- Page professionnelle François Grondin
- Page professionnelle François Ferland
- Page professionnelle Alexandre Girard
- Baccalauréat en génie robotique
- IntRoLab - Laboratoire de robotique intelligente / interactive / intégrée / interdisciplinaire
- Institut interdisciplinaire d'innovation technologique (3IT)
- CoRoM