Quand chercheurs et gens d’affaires collaborent : l’exemple de l’Université de Sherbrooke
L’Université de Sherbrooke est un modèle d’écosystème unique de la recherche à la commercialisation, de l’idée à la réalisation. D’ailleurs, les partenariats entre chercheurs et entreprises sont si importants pour l’institution qu’un vice-rectorat y est aujourd’hui dédié.
L’intérêt à développer des collaborations d’affaires fructueuses ne date pas d’hier à l’Université de Sherbrooke. « On ne devient pas ultraperformant du jour au lendemain », confirme le vice-recteur à la valorisation et aux partenariats, Vincent Aimez, qui occupe le poste depuis sa création en 2017.
Cheminement coopératif et recherche
Un des secrets de l’université pour obtenir autant de succès commerciaux, selon Vincent Aimez ? Le régime coopératif, instauré dans de nombreux programmes de premier cycle il y a plus de 50 ans et qui permet à quelque 5 000 étudiants par année d’alterner sessions d’études et stages rémunérés. « Il n’y a pas de baguette magique ! s’exclame-t-il. Pour placer les étudiants, il faut les former en adequation avec les besoins du marché et écouter nos partenaires, ce qui incite les professeurs à savoir ce qui se passe à l’extérieur et à sans cesse se renouveler. » Une synergie qui aurait « changé l’attitude globale des chercheurs » en les poussant à être plus ouverts aux occasions d’affaires, révèle celui qui est lui-même professeur titulaire et chercheur à la Faculté de génie.
De nouvelles approches
Dans le cadre de son vice-rectorat, Vincent Aimez s’emploie à défendre de nouvelles façons de créer des liens entre gens d’affaires et chercheurs. « La méthode classique et universelle, qui consiste à obtenir un brevet, puis à le vendre, n’est pas la seule façon de faire », croit-il cependant.
Par exemple, on peut très bien entamer un dialogue entre l’industrie et la recherche fondamentale « très tôt dans le processus », souligne-t-il. L’objectif ? Créer une chaîne d’innovation intégrée permettant aux chercheurs « d’anticiper les problèmes et les besoins de l’industrie » en travaillant main dans la main avec les partenaires. Encore une fois, l’Université de Sherbrooke a une longueur d’avance dans le domaine grâce à sa chaîne d’innovation intégrée pour la prospérité numérique, qui regroupe l’Institut quantique (IQ), l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT) et le Centre de collaboration MiQro innovation (C2MI). Ensemble, ces trois instituts ont attiré des investissements de près de 1 milliards $ en 10 ans, dont plus de 60 % provenant du secteur privé. TransferTech, une entité qui contribue à la création de liens entre les entreprises et les 1 200 professeurs, en est un autre exemple.
Cette ouverture et ce travail d’équipe facilitent également les choses en matière de propriété intellectuelle. « L’important, c’est que la recherche soit valorisée, martèle Vincent Aimez. Si le partenaire doit en avoir le plein contrôle, pourquoi pas ? » Le vice-recteur parle d’un « cercle vertueux » où tout le monde y gagne : la propriété intellectuelle revient à l’entreprise qui, en échange, s’engage à financer les travaux de recherche « comme une extension de son département de R&D » et à solidifier son partenariat avec l’université. À terme, des emplois seront ainsi créés pour les jeunes diplômés.
Un modèle à répliquer
Même si l’Université de Sherbrooke compte plusieurs « histoires à succès », difficile de parler de valorisation et de partenariats sans évoquer ACELP, une plateforme technologique de compression de la parole utilisée dans plus de 95 % des téléphones cellulaires, partout dans le monde. Une technologie issue de travaux menés dans les laboratoires du Département de génie électrique et informatique depuis les années 1990.
VoiceAge, l’entreprise qui en a permis la commercialisation et qui a depuis ajouté 45 inventions protégées par 850 brevets à son portefeuille, célèbre cette année ses 20 ans, indique Vincent Aimez. « Sur le plan du développement de produit, c’est du jamais vu », continue-t-il. En effet : « il s’agit du plus grand succès de valorisation commerciale de travaux de recherche universitaires au Canada », rappelle l’université dans un communiqué.
Outre ce spectaculaire exemple, le vice-recteur précise que toutes les facultés mettent la main à la pâte. La Faculté de médecine et des sciences de la santé est d’ailleurs très active, souligne-t-il, en citant notamment les travaux de Roger Lecomte dans le domaine de l’imagerie médicale. « Les innovations en sciences humaines sont tout aussi importantes, poursuit-il. Par exemple, des initiatives de la Faculté de l’éducation ont permis de réduire significativement le taux de décrochage scolaire en Estrie. »
Cet article fait partie de la série 10 solutions pour innover réalisée en partenariat avec Les Affaires.