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Gaz de schiste : «Il faut prendre le temps de bien faire les choses» – Luc Savard

Luc Savard, professeur au Département d'économique de la Faculté d'administration
Luc Savard, professeur au Département d'économique de la Faculté d'administration
Photo : Michel Caron

Sujet chaud de l'heure, le gaz de schiste soulève beaucoup d'interrogations. Bien que l'industrie présente cette ressource comme une occasion favorable pour le Québec, une analyse plus approfondie pourrait révéler quelques aspects moins encourageants. Coûts économiques et environnementaux, analyse incomplète et mauvais encadrement des exploitants ont été constatés ailleurs dans le monde selon Luc Savard, professeur d'économie de la Faculté d'administration. Ce dernier a présenté une conférence sur le sujet le 25 janvier au Carrefour de l'information.

Données partielles

C'est avec l'arrivée de deux documents, l'un produit par le gouvernement du Québec et l'autre par l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), que l'industrie du gaz de schiste commence à faire parler d'elle au début de l'année dernière. Dans son rapport, l'APGQ dénombrait plusieurs points positifs reliés à l'exploitation du gaz de schiste, mais selon Luc Savard, il y a un autre côté à la médaille : «Essentiellement l'étude qui nous a été montrée nous a exposé seulement les bénéfices; elle ne nous a pas présenté les coûts.»

En effet, le rapport étaie plusieurs aspects profitables à la société québécoise. On parle de création d'emplois, de redevances aux propriétaires des terres, de taxes et impôts provenant de l'industrie, etc. Or, le problème selon l'économiste est que l'on surestime les aspects positifs en omettant d'indiquer dans le document des précisions essentielles pour les nuancer.

Le syndrome hollandais

Plusieurs personnes étaient venues au Carrefour de l'information pour entendre le point de vue du professeur d'économie sur les gaz de schiste.
Plusieurs personnes étaient venues au Carrefour de l'information pour entendre le point de vue du professeur d'économie sur les gaz de schiste.
Photo : Michel Caron

Par ailleurs, Luc Savard craint qu'un danger en lien avec l'industrie du gaz de schiste guette la société québécoise : le syndrome hollandais. Phénomène économique associé au développement des ressources naturelles, le syndrome hollandais provient de la croissance du secteur pétrolier durant les années 50 en Hollande où l'économie s'était trop concentrée autour de cette ressource.

Ainsi, l'exploitation d'une ressource naturelle florissante pourrait amener le gouvernement à négliger les autres industries. Lorsque le secteur favorisé se retrouverait en déclin, les autres ne pourraient pas prendre le relais sur le plan économique. «Il y a des économies qui essaient de se diversifier avec les recettes de ces ressources naturelles, mais si elles ne le font pas, ces économies se retrouvent en difficulté», tranche Luc Savard. Le Québec n'est malheureusement pas à l'abri de ce piège.

Tout a un prix

En plus de ces problèmes, beaucoup d'autres coûts n'ont pas été soulevés par l'étude de l'APGQ. D'une part, des coûts économiques avec la dégradation et la construction de différentes infrastructures nécessaires à l'exploitation du gaz de schiste. D'autre part, des coûts environnementaux qu'entrainerait la contamination des sources d'eau et des fuites de gaz nocifs, par exemple.

De plus, à ces impacts écologiques s'ajoute une augmentation potentielle du bilan des gaz à effet de serre pour le gouvernement. D'après Luc Savard, même dans le scénario le plus optimiste, l'exploitation de cette ressource au Québec compromettrait grandement certains objectifs environnementaux fixés par le gouvernement du Québec.

À première vue, l'exploitation du gaz de schiste au Québec semble être une bonne chose pour l'économie québécoise. Or, pour bien optimiser l'impact positif que pourrait avoir l'exploitation du gaz de schiste sur la société québécoise, le gouvernement du Québec se doit de prendre tout le temps nécessaire pour bien analyser la situation et ainsi prendre une décision bien éclairée.

«Si l'on fait les choses trop rapidement, on risque de casser les pots et la réparation pourrait être difficile, voire impossible», conclut l'économiste.

La conférence était présentée dans le cadre des midis discussion du Centre universitaire de formation en environnement.