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Environnement et politique fédérale

L’industrie pétrolière trouve une bonne oreille auprès du gouvernement fédéral

«Le gouvernement de Stephen Harper est en train d’acquérir un discours hégémonique par rapport aux changements climatiques et bloque l’apparition de contre-discours par ses politiques», dit Philippe-David Blanchette.
«Le gouvernement de Stephen Harper est en train d’acquérir un discours hégémonique par rapport aux changements climatiques et bloque l’apparition de contre-discours par ses politiques», dit Philippe-David Blanchette.
Photo : Michel Caron

Le désistement du Canada au protocole de Kyoto et le désengagement du gouvernement fédéral dans la lutte aux changements climatiques fait maintenant place à un discours qui mise sur l’importance de préserver l’environnement. Les pétrolières et le gouvernement conservateur semblent sur la même longueur d’onde, et orientent désormais leur message vers la protection des sols et des eaux, en écartant les gaz à effet de serre de leurs discours. C’est ce que remarque Philippe-David Blanchette, chargé de cours à l’École de politique appliquée et au Centre universitaire de formation en environnement. Dans sa conférence Le Canada, un État pétrolier?, prononcée le 30 janvier au Carrefour de l’information, il a analysé la politique climatique au Canada et l’influence des coalitions d’intérêts et de leurs discours entre 2002 et 2012.

L’influence des compagnies pétrolières

La politique climatique et environnementale du Canada s’est radicalement transformée depuis l’arrivée au pouvoir du Parti conservateur en 2006. Philippe-David Blanchette constate que les compagnies pétrolières exercent une certaine influence sur les politiques mises de l’avant par le gouvernement, alors qu’une proximité remarquable s’est installée : «En moyenne, on compte environ deux rencontres par jour entre des représentants de pétrolières et des représentants du gouvernement.» Le discours projeté par les deux groupes s’en trouve donc très uniformisé, selon lui. «Cette sortie des changements climatiques de la politique de l’environnement permet au secteur pétrolier de continuer à travailler librement», dit-il.

Visions contrastées

Les gouvernements libéraux au pouvoir jusqu’en 2006 avaient mis en place des mesures environnementales visant à encourager le développement durable. Le parlement fédéral appuyait cette volonté en finançant la recherche sur les changements climatiques. Selon Philippe-David Blanchette, le gouvernement cherchait alors à présenter le Canada comme un leader mondial en matière de changements climatiques. Cela s’est traduit par des politiques plus vertes et une certaine conscientisation de la population canadienne face à la préservation de l’environnement.

À l’époque, la vision plus économique du développement, axée entre autres sur l’exploitation de sables bitumineux par l’Alberta, contrastait avec l’orientation du gouvernement fédéral. Philippe-David Blanchette prend comme exemple Ralph Klein, ancien premier ministre de l’Alberta, et son homologue Mike Harris, de l’Ontario, qui faisaient partie de ceux qui s’opposaient vivement à la signature du protocole de Kyoto, prétextant des conséquences graves sur l’économie canadienne si les États-Unis, principaux acheteurs des industries du pays, ne se joignaient pas au mouvement.

Freiner le contre-discours

L’arrivée au pouvoir du Parti conservateur en 2006 marque un point tournant. Le gouvernement Harper adopte une attitude de scepticisme face aux changements climatiques et installe peu à peu un nouveau paradigme par rapport à cet enjeu. «Le gouvernement de Stephen Harper est en train d’acquérir un discours hégémonique par rapport aux changements climatiques et bloque l’apparition de contre-discours par ses politiques», dit le chargé de cours. Ces contre-discours, pour qu’ils soient crédibles, doivent provenir de découvertes scientifiques. Cependant, les subventions accordées à la recherche sur le climat ont été réduites de 59 % depuis l’arrivée des conservateurs.

Ce changement de cap soulève de plus en plus la question de départ : le Canada est-il devenu un État pétrolier dont l’économie se base sur cette ressource? Sans fournir une réponse définitive, Philippe-David Blanchette a voulu stimuler la réflexion des participants sur cette question.

La conférence était présentée dans le cadre des Midis pour apprendre et discuter (Midis MAD) du Centre universitaire de formation en environnement.


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