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Après 38 années en tant qu’expert de la communication orale, Jean Malo quitte le CUFE

« Bien se présenter en public et bien s’exprimer verbalement, c’est se respecter et respecter les autres »

Les diplômées et diplômés du CUFE reconnaîtront cette phrase. Une phrase prononcée avec toute la vigueur et la conviction qui caractérisent l’enseignement de Jean Malo. Elle éveille probablement des souvenirs de cette époque, où assis en classe ils attendaient, les mains moites de nervosité, le moment de se lever pour prendre la parole au micro devant leurs collègues de classe. Un moment qui aurait pu tourner au cauchemar, mais que Jean Malo, avec une « bienveillance féroce » transformait en une incroyable occasion d’épanouissement personnel.

« Il est assez singulier que lorsque je rencontre un diplômé, une des questions qui revient le plus c’est : est-ce que Jean Malo donne encore des cours de communication?  Je n’ai jamais assisté à ses ateliers de communication mais visiblement, Jean Malo est quelqu’un qui marque les personnes avec qui il travaille pour de nombreuses années », constate Jean-François Comeau, directeur adjoint du Centre universitaire de formation en environnement et développement durable. Il faut dire que Jean Malo enseigne au CUFE depuis 1982. Il en a vu passer des cohortes d’étudiantes et d’étudiants en environnement durant ces 38 années.

Il était responsable d’un bloc de formation théorique et pratique de douze heures sur la manière de s’exprimer en public à Sherbrooke et à Longueuil. « Au sein de notre programme de maitrise en environnement, la communication orale est l’une des compétences professionnelles essentielles que nos étudiantes et étudiants doivent développer afin, notamment, de leur permettre de devenir des porteurs de changement dans leur carrière. », explique Karine Vézina, responsable du programme de maîtrise en environnement à Sherbrooke.

Un ancien étudiant, Maxime Tardif se rappelle les conversations de corridors à propos du cours de M. Malo : « Déjà en 2008, lorsque j’ai commencé ma maîtrise en environnement, l’atelier de communication orale de Jean Malo était emblématique. Les étudiants de 2e année nous parlaient d’une expérience mémorable, et je n’ai pas été déçu! »

Année après année, tous les étudiants qui étaient affolés à l’idée de s’exprimer au micro et devant une caméra ressortaient de cette formation le sourire aux lèvres et confiants de leurs nouvelles habiletés de communicateur. La formation de Jean Malo était une « expérience » pour chacun de ces étudiants. La rigueur, la passion et le climat de respect avec lesquels monsieur Malo partageait sa grande expérience ne pouvaient que motiver les étudiants à se dépasser.

Assurément, mon passage dans l’atelier de Jean Malo aura teinté mes autres oraux durant la maîtrise, mes présentations de projet lors des stages et mes prestations comme chargé de cours », illustre Maxime Tardif. « J’y reconnais la rigueur avec laquelle je me prépare et mon souci d’être cohérent, articulé et en contact constant avec l’auditoire. Comme disait Jean, c’est un privilège d’avoir l’attention d’un groupe de personnes pendant quelques minutes, alors soyons clairs et pertinents!

Sur les traces de Jean Malo

Figure publique québécoise, Jean Malo est une vedette bien connue des années 70. L’auteure de ces lignes l’a vu plusieurs fois à la télévision interpréter ses chansons ou répondre aux questions des animateurs des émissions de grande écoute comme Allo Boubou.

Jean Malo durant les années 1990.
Jean Malo durant les années 1990.

Né à Joliette, c’est à Granby que Jean Malo commence sa carrière de communicateur à la radio et à la télévision. Auteur-compositeur-interprète, avec 50 titres de chansons sur disque, il sera la révélation masculine de l’année en 1970. Il enchaîne les spectacles sur scène, devient conférencier et fonde le Studio Jean Malo en 1982 à Sherbrooke. Propriétaire du studio pendant 28 ans, il donne des cours en communication orale en privé ou pour de petits groupes, des formations en entreprise et se fait offrir une charge de cours en communication orale à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke.

C’est Bénédict Therrien, qui suivait son cours au studio, qui propose à Jean Malo d’enseigner au CUFE. Elle est, à cette époque, responsable du programme de maîtrise en environnement. C’est ainsi que Jean Malo fait son entrée au CUFE, en tant que conférencier-invité.

« De tout mon parcours, ce dont je suis le plus fier, c’est l’expérience avec les étudiantes et les étudiants en environnement. Comment décrire cette jouissance de les voir arriver en bourgeon puis de les voir quitter en fleur. La satisfaction du devoir accompli. De sentir que j’ai contribué, à ma manière, en leur donnant des outils pour mieux se construire », confie Jean Malo.

À la fin de la session d’hiver 2020, monsieur Malo a annoncé son départ à la retraite. « Je me demandais si j’étais encore pertinent? J’aimais mieux quitter par moi-même. J’aimais mes étudiantes et mes étudiants, me rendre utile, par amour, par passion! Je n’ai jamais calculé l’énergie et le temps que j’ai investi durant toutes ces années. Le CUFE a été un amour d’environnement pour moi! »

Un pédagogue original, énergique et d’une grande générosité

Jean Malo avait une approche bien à lui. Sa mission était de faire en sorte que tous arrivent à la ligne d’arrivée en ayant passé par-dessus leurs complexes et la peur de prendre la parole en public. « Mettez de côté la gêne et les ‘’chus pas capable’’! Finissez-en avec la crainte du ridicule, que je leur disais, sachez qui vous êtes, découvrez votre valeur et prenez la parole! »

Il souhaitait former des communicatrices et des communicateurs polyvalents efficaces en tous lieux et en toutes circonstances. Leur offrir un coffre à outil pour la vie. « Grâce à son enthousiasme et à son énergie électrisante, Jean Malo nous a plongés en quelques minutes dans un climat de confiance et d’ouverture. Bye bye la timidité! », confirme Maxime Tardif. « Il prenait au sérieux l’art oratoire ‘’on ne veut pas faire perdre son temps à notre public!’’, mais nous ressentions surtout sa passion pour cette forme de communication. Il utilisait beaucoup de phrases colorées ou d’expressions imagées, et il interprétait souvent des personnages pour illustrer des exemples et des contre-exemples. »

Au premier cours, les participants et participantes devaient immédiatement se jeter dans le vide en répondant pendant deux minutes à la question « Qui es-tu? ». Suivait une période où monsieur Malo, avec franchise abordait tout ce qui entravait la communication de chacun : tics, diction, volume de la voix, le ton, le regard, la posture, la gestuel, tout y passait! Avec respect et humour tout en soulignant aussi les forces de chacun. Sur la base de ces observations, les participants avaient le devoir de s’améliorer pour le prochain cours.

Au deuxième cours, un exposé de quelques minutes sur un thème environnemental était le prétexte à une autre séance d’observation, mais cette fois-ci…avec un micro et devant la caméra. Celle-ci tournait durant la prestation des participants. À la fin, tout le monde avait la chance, ou la malchance, de se visionner et d’obtenir les conseils de monsieur Malo. « Il prenait soin de souligner les forces de chacun, pas seulement les lacunes, et il partageait généreusement trucs et conseils fondés sur sa riche expérience. À l’occasion, il aimait bien se moquer gentiment, toujours dans un grand respect, des situations insolites qui survenaient pendant les exposés, en les reliant ensuite à un apprentissage », se rappelle Maxime Tardif.

Déjà au troisième cours, la magie avait opéré. Sur un thème libre, les exposés permettaient à chacun de prendre la mesure de l’évolution accomplie en si peu de temps. Ils entendaient la musicalité de leur voix et découvraient leur personnalité de communicateurs et communicatrices. Monsieur Malo, avec fermeté les amenait à expérimenter une prise de parole naturelle dans un climat de confiance, allant parfois jusqu’à la confidence. « En cours, plusieurs huîtres se sont enfin ouvertes et ont révélé une superbe perle. Je leur disais : ouvre tes ailes, tu es brillant ou brillante et tu as de l’allure. C’est quoi cette maudite manie de voir juste les défauts. Prenez cette formation comme une occasion de développement personnel autant que d’acquisition de connaissances. Votre voix est un outil, apprenez à la connaître! »

Répertoire des phrases chocs de Jean Malo

  •  « Je préfère de beaucoup une tête bien faite à une tête bien pleine » pour citer Montaigne dans son traité sur l’Éducation.
  • Dans la vie vous n’aurez jamais ce que vous voulez tant et aussi longtemps que vous ne saurez pas ce que vous valez. Mon rôle : vous le faire découvrir.
  • Transpirer c’est normal, le laisser voir c’est fatal.
  • Tirer le meilleur de la situation dans laquelle je me trouve.
  • La musique de la voix sert de locomotive à la compréhension de votre message. Soyez convaincu et la musique va venir.
  • Attention! On vous voit et vous entend pour la première fois.
  • Bien parler c’est se respecter et respecter les autres.
  • Vous devez être hyper préparé et avoir une tenue sobre : vêtements sobres, rien de clinquant.
  • Respecter votre auditoire, palpez-le et adaptez-vous à lui.

« Ce que je retiens de cette expérience, c’est que j’ai autant reçu que donné. En fin de session, leurs applaudissements me donnaient des larmes aux yeux. Il n’est pas prétentieux de dire que j’ai beaucoup aimé ‘’mes’’ étudiantes et ‘’mes’’ étudiants et ils me le rendaient bien. Plusieurs n’oublient pas mon anniversaire. D’autres me parlent de leur emploi qu’ils ont obtenu grâce, un peu, à mes enseignements. J’aime croire que j’ai contribué à allumer l’étincelle, le goût de plonger et d’aller plus loin en se mettant au défi! »

- Jean Malo, Sherbrooke, juin 2020