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Article de vulgarisation - cuvée 2021

La petite Choristoneura fumiferana :  la plus grande ennemie des forêts du Québec

Ce texte de vulgarisation a été rédigé par Florence Larouche, une étudiante en première année du baccalauréat en études de l’environnement dans le cadre du cours ENV 130 Communication donné par Catherine Dumont. Vous trouverez les références mentionnées dans le texte à la fin de l'article. 

L’objectif consistait à mesurer la qualité de l’expression et la capacité de vulgarisation des étudiants et étudiantes : titraille accrocheuse, angle de traitement original, respect des principes de la pyramide inversée, procédés de reformulation et de vulgarisation, qualité de la langue, pertinence des éléments visuels et vivacité de l’écriture. 

En tout, 10 articles couvrant trois grands thèmes seront publiés : l’agroalimentation, la faune et les infrastructures.

C’est le mois de juin, vous prenez votre marche en forêt. Vous constatez que plusieurs chenilles sont pendues à l’extrémité de fils de soie. « Comme c’est joyeux, ces chenilles deviendront de jolis papillons », pensez-vous. Cependant, vous êtes loin de vous douter que ce petit insecte à l’apparence si inoffensive est en réalité le plus redoutable ennemi des forêts québécoises! (Bauce et al., 2001)

La tordeuse des bourgeons de l’épinette

Son nom scientifique est Choristoneura fumiferana, mais elle est mieux connue sous le nom de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Non seulement cette chenille fait des ravages aux épinettes blanches, rouges et noires, mais ce sont surtout les sapins baumiers qui sont victimes de l’insecte et qui voient leurs épines devenir sèches et de couleur rouille. (Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec [MFFP], 2021)

Défoliation : phénomène de perte des feuilles chez un arbre, que ce soit l’entièreté de son feuillage ou seulement une partie.

Son cycle vital

Sur ce gros plan, nous pouvons voir les œufs de la tordeuse des bourgeons de l'épinette.
Sur ce gros plan, nous pouvons voir les œufs de la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

Cet insecte défoliateur commence sa vie dans un œuf, passe par six stades sous forme de larve, atteint sa phase chrysalide, puis devient finalement un papillon au bout d’une année. À son deuxième stade larvaire, après avoir passé l’hiver en hibernation, la tordeuse des bourgeons de l’épinette se déplace à l’extrémité de sa branche et dévore les bourgeons et les aiguilles des années précédentes. Lorsque les bourgeons de l’année actuelle s’ouvrent enfin, elle s’y infiltre et mange le nouveau feuillage.

À son quatrième et cinquième stade, elle utilise des débris et de la soie pour se créer un abri. Elle y reste jusqu’à ce qu’elle ait dévoré tout son bourgeon, puis elle en cherche un nouveau, sur un autre arbre, qui l’hébergera. C’est pendant ses derniers stades en tant que larve que la gourmande chenille fait les dégâts les plus importants, cachée dans ses bourgeons. (Ressources naturelles Canada, 2014)

Des ravages considérables

Les épidémies de Choristoneura fumiferana ont lieu environ tous les trente ans, et peuvent durer jusqu’à dix ans (Marmen, 2014). La plupart des arbres touchés par la défoliation pendant plusieurs années consécutives meurent après environ cinq ans, et ceux qui ne sont pas encore morts deviennent vulnérables aux maladies et à d’autres insectes ravageurs. (Ressources naturelles Canada, 2014; Hardy, 1979.) Lors d’une infestation, jusqu’à dix millions d’hectares d’arbres peuvent être défoliés. Seulement en 2020, l’équivalent de 2,5 millions de terrains de football de forêts privées ont été affectées par l’insecte au Québec! (Fédération des producteurs forestiers du Québec, 2020)

Quoi faire de cette chenille?

Pour diminuer les effets de la tordeuse sur l’industrie du bois, la stratégie actuelle consiste à prévoir les dommages, notamment lors des aménagements forestiers, plutôt que de réduire les conséquences post-épidémiques. Par exemple, il est possible de récolter les arbres plus vulnérables avant une épidémie, de répandre une bactérie qui touche seulement les papillons, de planter les nouveaux arbres plus éloignés les uns des autres ou simplement de retirer manuellement les chenilles pendues à leur fil. (Ressources naturelles Canada, 2018)

Et l’humain?

Sans les humains, les épidémies causées par la Choristoneura fumiferana se termineraient par elles-mêmes, lorsque la nourriture des chenilles serait épuisée. Cependant, c’est principalement pour des raisons économiques que les humains souhaitent diminuer les impacts de ces petites chenilles sur les forêts, car les arbres sont utilisés pour la fabrication de meubles, de pâtes et papiers, de poteaux, et bien d’autres objets.  

Les changements climatiques, amplifiés par certaines activités humaines qui émettent des gaz à effet de serre, sont susceptibles de rendre les épinettes noires plus sensibles à la chenille. Puisque le cycle de vie de la tordeuse et l’émergence des bourgeons sont synchronisés avec le climat, les changements climatiques dérègleront le cycle actuellement en place.

Des chercheurs de l’Université du Québec à Chicoutimi ont découvert que ce sont les épinettes noires qui deviendront plus vulnérables aux épidémies d’après la période d’émergence de leurs bourgeons, et que les épidémies se déplaceront vers des régions qui n’ont pas encore été touchées. (Roy, 2020) Dans ce cas, si ce sont les activités humaines qui causeront des épidémies plus néfastes, ne serions-nous pas en train d’offrir à la petite Choristoneura fumiferana l’occasion de devenir une plus grande menace encore pour nos forêts?

Références

Bauce, E., Carisey, N. et Dupont, A. (2001). Tordeuse des Bourgeons de l'épinette: l'apprivoiser dans nos stratégies d’aménagement. 
https://www.researchgate.net/publication/289401716_Tordeuse_des_Bourgeons_
de_l'epinette_L'apprivoiser_dans_nos_Strategies_D'amenagement

Bonhomme, C. et Rhéaume, M-A. (2020). Évolution de l’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. https://www.foretprivee.ca/infolettre-forets-de-chez-nous-plus/evolution-de-lepidemie-de-la-tordeuse-des-bourgeons-de-lepinette-2/

Fédération des producteurs forestiers du Québec. (2020). Tordeuse des bourgeons de l’épinette : suivi de l’épidémie. https://www.foretprivee.ca/je-protege-ma-foret/maladies-et-epidemie-dinsectes/tordeuse-des-bourgeons-de-lepinette/suivi-de-lepidemie/

Hardy, Y. (1979). Les recherches sur la tordeuse des bourgeons de l’épinette (Rapport de recherche). http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/21332/RFF_1979_S_217.pdf?sequence=1

Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec. (2021). La tordeuse des bourgeons de l’épinette. https://mffp.gouv.qc.ca/forets/fimaq/insectes/fimaq-insectes-insectes-tordeuse.jsp

Marmen, S. (2014). Traitements de contrôle des populations de tordeuse des bourgeons de l’épinette et leur respect des principes de développement durable. (Essai de maîtrise). Université de Sherbrooke, Sherbrooke, QC, Canada. 
https://www.usherbrooke.ca/environnement/fileadmin/sites/environnement/documents/Essais_2013/Marmen_
S__2014-02-20__01.pdf

Ressources naturelles Canada. (2014). Tordeuse des bourgeons de l’épinette. http://publications.gc.ca/collections/collection_2014/rncan-nrcan/Fo124-11-2014-fra.pdf

Ressources naturelles Canada. (2018). La tordeuse des bourgeons de l’épinette. https://cfs.nrcan.gc.ca/pubwarehouse/pdfs/39412.pdf

Roy, G. (2020). Changements climatiques et tordeuses: les forêts d’épinettes à risque. https://www.operationsforestieres.ca/changements-climatiques-et-tordeuses-les-forets-depinettes-a-risque/

Tousignant, A. (2015). Percer le secret de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. https://partenariat.qc.ca/wp-content/uploads/2015/07/OT-209.pdf

Image 1 : Jerald E. Dewey, USDA Forest Service, United States — http://www.forestryimages.org/browse/detail.cfm?imgnum=2252020, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7485896

Image 2 : By USDA Forest Service - Northeastern AreaArchive, USDA Forest Service, United States -http://www.forestryimages.org/browse/detail.cfm?imgnum=1396004, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7485885

Bibliographie

Gouvernement du Canada. (2020). Tordeusedes bourgeons de l’épinette. https://www.rncan.gc.ca/nos-ressources-naturelles/forets-foresterie/feux-de-vegetation-insectes-pert/principaux-insectes-maladies-des/tordeuse-des-bourgeons-de-lepinette/13384

Hicks, B.J. (2016). Optimization of Beauveria bassiana in a spray formulation againstChoristoneura fumiferana. CanadianJournal of Forest Research, 46(4). https://cdnsciencepub.com/doi/10.1139/cjfr-2015-0435

Jardon, Y., Morin, H. et Ditilleul, P. (2003). Périodicité et synchronisme desépidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette au Québec. https://cdnsciencepub.com/doi/pdf/10.1139/x03-108


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