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Campagne de terrain du GRIMP

Qikiqtaruk :  à la rencontre du désert blanc

Sur le terrain
Sur le terrain

Photo : fournie

L’Arctique marque l’imaginaire collectif par ses grands espaces et son horizon à perte de vue. Or, sous nos pieds, des processus à l’échelle des fourmis se réalisent à notre insu. Tel un effet boule de neige, la couche de neige de quelques dizaines de centimètres contribue indirectement aux changements climatiques. Comment intégrer ce paramètre parmi tant d’autres dans l’étude du climat? C’est ce que notre groupe de recherche s’affaire à étudier dans les différentes régions du pôle Nord.

En avril 2019, mon collègue Vincent et moi-même avons traversé le Canada vers le Nord-Ouest pour rejoindre une équipe de recherche européenne et canadienne à Inuvik, dernier arrêt dans la civilisation avant de séjourner sur l’Île Herschel (Qikiqtaruk – île en Inuvialuktun) située dans l’océan Arctique, au nord du Yukon. Pendant trois semaines, nous sommes restés sur cette île arctique afin de compléter une première campagne d’acquisition de données dirigée sur la microstructure de la neige.

Malgré son humble superficie de 115 km2, soit un peu plus de la moitié de la taille des Îles-de-la-Madeleine, Qikiqtaruk renferme une histoire fascinante, quel qu’en soit l’aspect! Alors que le premier Européen à fouler l’île en 1826 était nul autre que l’explorateur Sir John Franklin, Qikiqtaruk était habitée depuis des milliers d’années par les Thules, ancêtres des Inuvialuit.  C’est d’ailleurs à la suite du passage de cet explorateur que l’île a hérité du nom d’Herschel. L’occupation sur le territoire fut dès lors partagé entre les communautés locales, les baleiniers, institutions cléricales… puis les communautés scientifiques !

La première expédition scientifique canadienne remonte à 1913, où la Commission géologique du Canada installa son camp de base. Ainsi, Qikiqtaruk, désormais un parc territorial du Yukon, détient une banque de données inestimables pour les scientifiques étant donné le suivi temporel qu’on y retrouve, notamment dans l’évolution de la végétation et du pergélisol (sol gelé depuis au moins deux ans) sous l’effet des changements climatiques. Bien que cette île soit caractérisée depuis des siècles, du travail reste toujours à faire : encore aucune acquisition de données sur la microstructure de la neige n’a été effectuée sur l’île ! Pour notre groupe de recherche, c’est un terrain de jeu qui s’ouvre grâce à la nouvelle collaboration avec l’Institut de recherche allemande Alfred-Wegener (AWI) dans le cadre du projet européen Nunataryuk (voir information complémentaire).

Sur le terrain
Sur le terrain

Photo : fournie

Outre la mise en place d’un nouveau terrain de recherche pour le GRIMP, cette campagne de terrain est essentielle pour mon projet de recherche. Les 66 stations de mesures que nous avons effectuées seront utilisées pour valider les acquisitions du satellite radar TerraSAR-X quant à l’évolution du couvert de neige et la distribution en termes de ses propriétés physiques.

La neige, par sa capacité isolante, a un impact important sur la stabilité du pergélisol ainsi que sur l’évolution de la végétation. Le suivi de la neige représente toutefois un défi de taille en Arctique, puisque les campagnes de terrain de grande envergure représentent des coûts considérables. La télédétection représente alors une alternative pour optimiser l’acquisition de données. Le défi est alors de relier le signal radar enregistré par le satellite aux propriétés retrouvées au sol. Une caractérisation précise est donc essentielle pour la suite du projet.  De l’épaisseur à la densité, en passant par la taille des grains et les types de grains de neige, chaque couche retrouvée dans le couvert de neige a été caractérisée et mesurée.

Sans réseau cellulaire ni électricité, ce type de campagne demande beaucoup d’organisation, qui a débuté dès janvier pour être fin prêts lors du départ prévu à la fin avril. De la quantité de nourriture pour approvisionner les troupes jusqu’au calcul du poids de chaque instrument, tout est comptabilisé pour entrer dans le nolisé qui nous déposera sur l’île pour ce séjour scientifique de trois semaines.

Photo : fournie

Malgré les kilomètres de désert blanc qui nous entourent, ce n’est pas pour autant que l’île est sans vie. Nos nombreuses sorties sur le terrain nous ont permis d’observer une panoplie d’animaux : harfang des neiges, grizzly, bœuf musqué et caribou; ce n’est qu’un échantillon des espèces que nous avons eu la chance de croiser, sous l’œil avisé de Peter, engagé en tant que surveillant de faune dans l’équipe, et dont les connaissances sur le comportement des espèces arctiques et sur son territoire ont animé nos journées passées à genou à mesurer la neige, peu importe les températures et le vent.


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