La ministre accorde 990 000 $ sur cinq ans pour la création d'une chaire de recherche
Québec mandate une professeure de l'UdeS pour combattre la maltraitance faite aux aînés
En juin 2010, la ministre québécoise responsable des aînés, Marguerite Blais, avait dévoilé le plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance dont sont victimes les personnes âgées. Ce plan de 20 M$ en cinq ans comportait quatre grandes mesures. Ce matin, à l'Université de Sherbrooke, on annonçait la troisième phase du plan d'action : la création d'une chaire de recherche qui confère à sa titulaire, la professeure Marie Beaulieu, le mandat de lutter contre ce fléau.
La Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées, qui constitue une initiative unique au monde selon le gouvernement du Québec, est mise en place pour cinq ans et poursuit l'objectif d'accroître les connaissances des chercheurs et des praticiens afin d'améliorer la prévention, le dépistage et la qualité des interventions auprès des victimes.
«On me confie une responsabilité que je qualifie d'énorme et dont la portée se veut bien au-delà de la recherche», s'est spontanément exprimée la chercheuse au moment de présenter ses visées. «Je devrai non seulement aider à faire la lumière sur un sujet qui est encore tabou, mais mon rôle sera aussi et avant tout de contribuer à des changements concrets dans les pratiques pour le mieux-être des aînés.»
D'avis que l'octroi de cette chaire n'est pas étranger aux liens solides qui unissent l'Université de Sherbrooke à plusieurs institutions oeuvrant auprès des aînés – notamment l'Institut universitaire de gériatrie et le CSSS – la rectrice Luce Samoisette a tenu à souligner la densité du réseau de collaborateurs qui permet aux chercheuses et chercheurs de l'UdeS de s'attaquer à des problématiques complexes, comme celle qui fait l'objet de la chaire : «Dirigée par Marie Beaulieu, professeure de notre Département de service social et également chercheuse au Centre de recherche sur le vieillissement du CSSS-IUGS, cette chaire assurera la formation de personnel hautement qualifié, apte à mieux comprendre la maltraitance et à la combattre plus efficacement. Ainsi, les aînés maltraités seront dorénavant accompagnés par des professionnels formés spécifiquement pour restaurer leur bien-être psychologique, physique et social.»
La maltraitance : un sujet tabou
Selon un sondage commandé par le gouvernement, au moins 6 % des aînés québécois seraient victimes de maltraitance verbale, physique ou psychologique.
La ministre Blais croit toutefois que beaucoup de personnes âgées hésitent à dénoncer les mauvais traitements qu'ils subissent. «Quand j'ai fait la consultation publique sur les conditions de vie des aînés, on parlait de maltraitance et je voyais dans les yeux des gens qu'ils n'osaient pas en parler. C'est difficile de parler de ça, c'est un sujet tabou et il y a une génération de personnes aussi, je dirais peut-être des femmes en particulier, qui n'ont pas l'habitude de dire ce genre de choses et de dénoncer», affirme-t-elle.
Même son de cloche du côté de la Fédération de l'âge d'or du Québec. Questionné à ce sujet, le président Jean-Claude Grondin, présent au moment de l'annonce, était convaincu que dans la société plusieurs personnes âgées hésitent à parler de ce genre de difficultés. Pour lui, la création de la chaire est donc une nouvelle plus que réjouissante : «Créer une chaire de recherche est selon moi une véritable assurance-vie pour les personnes aînées. Les études qui seront effectuées viendront démystifier le sujet et donner des outils tangibles pour changer les comportements de façon durable. On connaîtra mieux le phénomène et ce sera la clé qui permettra aux intervenants d'agir aux bons endroits.»
Mieux comprendre pour mieux intervenir
Mieux comprendre est justement la toute première volonté de la titulaire de la chaire, qui estime que les données qui sont actuellement disponibles au Québec ne sont pas représentatives. Ces statistiques, datant d'une dizaine d'années, ont été tirées de sondages téléphoniques faits auprès de personnes âgées, à domicile seulement. Elles pourraient donc cacher certaines réalités, entre autres, la situation en centre d'hébergement.
Une vaste enquête pancanadienne est donc déjà prévue pour que l'équipe puisse se doter de données riches sur l'ampleur de la situation. L'équipe vise aussi à identifier les facteurs de vulnérabilité et de risque que présentent les personnes aux prises avec différentes formes de maltraitance, puis évaluer les conséquences néfastes que celles-ci peuvent engendrer dans leur vie. Un volet pédagogique est finalement prévu pour assurer le transfert des savoirs acquis par la chaire dans les divers milieux de pratique.
C'est d'ailleurs en soulignant cette préoccupation que la ministre Blais a terminé la conférence : «On voit souvent les chercheurs universitaires comme étant des personnes qui travaillent dans leur tour : leurs recherches restent en haut. En octroyant cette chaire à la professeure Beaulieu, nous lui donnons les moyens d'aller sur le terrain pour voir avec les personnes clés comment on peut réellement améliorer les conditions de vie de ces personnes. C'est en connaissant mieux la situation que nous pourrons intervenir à la source», conclut-elle.