Créateurs et créatrices d'innovation
Pr Sylvain Nicolay : nouveau directeur de la plateforme 3IT.Énergies
Découvrez le professeur belge Sylvain Nicolay, au Québec depuis la fin 2021, nouveau directeur de la plateforme Énergies au 3IT. Auparavant chef de groupe au laboratoire photovoltaïque de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse, cet ingénieur-physicien a également participé au lancement du centre photovoltaïque réputé mondialement, le Centre suisse d’Électronique et de Micro-technologie, où il a géré un groupe de recherche pendant près de 10 ans.
Formation
2003 — Diplôme d’ingénieur-physicien, Université Libre de Bruxelles, École Polytechnique de Bruxelles
2003 — ERASMUS (programme d’échange), Institut technique de Lund, en Suède
2004-2008 — Doctorat en photonique et optoélectronique quantique, École polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse au sein du Laboratoire en Semiconducteurs Avancés pour la Photonique et l’Électronique (LASPE-EPFL)
2008-2012 — Postdoctorat et chef d’'équipe au sein du Laboratoire de Photovoltaïque et couches minces (PVlab-EPFL), Université de Neuchâtel/École polytechnique fédérale de Lausanne
2012-2021- Chef de secteur dans la division photovoltaique du Centre Suisse d’Electronique et de Microtechnique (CSEM SA, Neuchatel, Suisse)
Année d’arrivée au 3IT : septembre 2021 associé de recherche, nommé professeur en janvier 2022
Qu’est-ce que l’innovation représente pour vous ? Comment l’insufflez-vous dans votre quotidien ?
Pour moi, l’innovation est la poursuite de la science. Ce que j’aime dans la science, c’est qu’elle nous permet de comprendre. Depuis mon enfance, je veux faire de la science, surtout la physique, car elle est la base de toutes les sciences et elle permet de comprendre ce qui se passe autour de nous : les phénomènes naturels, mais aussi les phénomènes humains. L’innovation, quant à elle, est la mise en pratique de la science dans le monde.
Quand j’ai terminé mes études secondaires en Belgique, je voulais faire de la physique pure et puis mon père, qui est ingénieur, m’a dit : « Essaie d'abord d’être ingénieur-physicien, et si tu veux faire de la physique pure après tu pourras le faire. »
Rapidement, je me suis aperçu que la recherche appliquée correspondait à ce que j’aimais au plus haut point. Je me suis donc tourné vers l’innovation, car, c'est le transfert de la science vers l’industrie, vers l’application.
Sylvain Nicolay
Et c’est exactement ce que je fais actuellement en travaillant sur des projets en collaboration avec des partenaires industriels.
Comment la philosophie du 3IT vous rejoint-elle ?
Comme j’ai une expérience de 10 ans dans un centre de recherche privé, travailler en partenariat avec l’industrie est comme une seconde nature pour moi. Comme c’est exactement le but du 3IT, cela me rejoint complètement.
Il y a vraiment un bel aspect collaboratif au 3IT, avec les plateformes communes.
L'ensemble des équipes de recherche ont des équipements en commun, contrairement à ce que l’on retrouve la plupart du temps dans le milieu académique. Le fait de partager les plateformes et de travailler avec l’industrie sont deux éléments de la philosophie du 3IT qui m'interpellent énormément.
Comment voyez-vous votre avenir au 3IT ?
Avec le 3IT, j’aspire à démontrer une ligne pilote pour la technologie à base de supraconducteurs que je développe. Le but d’une ligne pilote est de mettre en place des procédés qui vont ressembler à ce que les industriels ont ou auront à disposition sur leur ligne de fabrication. Cela permet donc de faciliter le transfert de connaissance. Voilà le but du 3IT et le mien pour les cinq prochaines années.
Ensuite, ayant récemment repris la responsabilité de la plateforme 3IT.Energies, je supporterai aussi le développement les technologies reliées aux énergies renouvelables et à leur intégration dans le réseau électrique.
Par exemple, le photovoltaïque est une avenue très prometteuse pour l’avenir, notamment au Québec, bien que ce ne soit pas encore tout à fait compris. Certains s’imaginent que les panneaux solaires ne fonctionnent pas à cause des conditions climatiques hivernales, ce qui est complètement faux.
Qui plus est, en tant que technologie la plus à même de diminuer les émissions de GES au moindre coût (selon le rapport du GIEC 2022), le photovoltaïque représente une énorme opportunité de marché notamment à l’export pour le Québec si nous pouvions développer des lignes de production locales.
À ce sujet d’ailleurs, les Européens ont compris, après les récents événements, qu’ils étaient en mauvaise position par rapport à l’énergie qu’ils recevaient de la Russie. Ils déploient donc beaucoup d’efforts en ce moment pour développer la technologie photovoltaïque, cependant cela ne se ne fait pas du jour au lendemain ! On a tout intérêt à s’y préparer aussi au Québec si l’on veut pouvoir décarboner efficacement notre économie et nos modes de vie.
Avez-vous un chercheur ou une chercheuse d’inspiration ?
Une personne, non, c’est plutôt plein de petites choses. Ça peut paraître cliché, mais quand j’étais enfant, je jouais avec des trousses scientifiques et c’est ainsi que j'ai voulu travailler dans ce milieu. Ensuite, j’ai eu de bons professeurs et professeures. Mon professeur de physique au secondaire m’a vraiment donné la piqure. Bien que je n’aie pas de scientifiques précisément comme modèles, les personnes que je “suis” dans les réseaux sociaux, par exemple, sont typiquement celles qui abordent la transition énergétique.
En tant qu’ingénieur, j’aime beaucoup les approches chiffrées parce qu’elles nous montrent la réalité. Plusieurs approches sont purement politiques, on est alors pour ou contre parce que c’est la croyance de notre parti, mais lorsqu’on utilise les chiffres, ça ne ment jamais.
Donc si je devais choisir un modèle, ça serait cette approche-là : se baser uniquement sur les faits.
Qu’est-ce qui vous rend unique, en tant que chercheur ?
Je suis pragmatique, j’essaie de ne pas entrer dans des situations irréversibles. Les Suisses sont généralement très pragmatiques. Ensuite, je dirais que ma longue expérience de la collaboration avec l’industrie me distingue des autres chercheures et chercheurs qui font peu de projets transférables sur le marché. Finalement, j’évite de « micro-manager », je préfère laisser de l’autonomie parce que mon but n’est pas d’être un meilleur scientifique que mes équipes.
Mon travail consiste à gérer et à trouver les moyens pour que mon équipe puisse effectuer une recherche efficace. Cela ne fonctionnera que si les membres de mon équipe sont meilleurs que moi.
Quel « impact » désirez-vous générer en société à titre de chercheur ?
Le plus important pour moi est d’amener la technologie que je développe actuellement à maturité industrielle. Ensuite, je voudrais également développer les technologies d’électrification, d’énergie renouvelable.
Il faut développer notre autonomie, que ce soit alimentaire ou énergétique afin de répondre aux besoins primaires qui sous-tendent toutes nos autres activités.
Tant que le Québec n’aura pas développé son autonomie, on aura de sérieux problèmes dans les années à venir, il n’y a qu’à voir ce qui se passe en Europe en ce moment, avec les changements climatiques et les tensions politiques.
Outre la science, possédez-vous une autre passion ?
J’aime m’impliquer politiquement dans la société. Quand j’étais en Suisse, je faisais partie du parti écologique, qui fonctionne mieux qu’au Canada! Sinon, dans la vie de tous les jours, j’aime passer du temps avec ma famille dans les espaces verts, c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons déménagé au Québec. Profiter de la forêt, j’adore ça!
Qu’est-ce qui vous passionne dans vos recherches ?
Constater que ce que je vais faire sera utilisé par un partenaire industriel. Je serai content si j’arrive à démontrer un procédé utilisable par un industriel pour exploiter la technologie. J’aime beaucoup discuter avec les membres de mon équipe sur nos méthodes utilisées pour atteindre notre objectif scientifique et technique. Je leur demande de m’expliquer ce qu’on va faire, au lieu de leur dire quoi faire, j’aime néanmoins leur donner une direction pour faire progresser intellectuellement le tout.