3 questions à 3 écologistes sur l'urgence climatique
Quelle que soit leur spécialité, les chercheuses et chercheurs en écologie fondent leur travail sur un amour viscéral de la nature.
Trois biologistes de l’UdeS, dont les champs d’études sont distincts, composent avec les effets des changements climatiques dans pratiquement toutes leurs recherches :
- Le professeur Mark Vellend se penche sur l’écologie des populations et communautés végétales;
- La professeure Fanie Pelletier est experte en écologie animale comportementale;
- La chargée de cours Limoilou-Amélie Renaud, récemment diplômée du doctorat en biologie, s’intéresse à l’évolution de la faune dans différents contextes.
Les effets des changements climatiques teintent le travail des biologistes du 21e siècle… Ils changent les objets d’études, puisque les populations animales et végétales sont et seront touchées par ces bouleversements. Et ils confirment l’importance des connaissances acquises par ces spécialistes, essentielles à la conservation des espèces et des milieux.
Fanie Pelletier, selon vous, quel est le plus gros enjeu dans votre domaine relativement à l’urgence climatique?
Les changements globaux incluent les changements climatiques, les modifications d’habitat, la pollution, les espèces invasives et la surexploitation.
À mon avis, l’un des plus grands enjeux de l’écologie évolutive face aux changements globaux en cours est la prévision de leurs conséquences sur la dynamique des populations sauvages, qu’elles appartiennent à la faune ou à la flore.
Pourquoi? La prédiction de l'état futur de la nature est le signe distinctif d'une science réussie… Mais seules certaines branches de la science, par exemple l'astrophysique, l'ont fait avec succès. L'écologie évolutive n'a pas encore établi de cadre prédictif.
Est-ce que les espèces vont disparaître, se déplacer ou s’ajuster?
La littérature suggère que les 3 scénarios peuvent se produire… même pour les plantes! C’est d’ailleurs ce dont traite notre article dans la 1re édition du Climatoscope. Il y a aussi des espèces qui bénéficient énormément de ces changements et qui deviennent ou deviendront surabondantes.
Par exemple, les ratons laveurs ont étendu leur distribution plus au nord. Et ils ont réussi à utiliser les villes comme nouvel habitat.
De plus, l’augmentation des températures modifie la composition des forêts. Ainsi, les érables à sucre remplacent peu à peu les conifères en altitude. On peut aussi penser à la toundra : elle verdit… Les arbustes qui la composent se multiplient.
Or, pour poser des actions adéquates en gestion et en conservation, il est important d’aller au-delà de l'explication rétrospective de ce qui s'est déjà produit. Pour l’instant, nos tentatives de prédiction sont limitées.
Mark Vellend, comment réagissez-vous face aux changements climatiques, comme parent et chercheur?
Le réchauffement climatique est le résultat des actions collectives de tous les êtres humains sur la Terre, et chaque être humain devrait faire sa part en réduisant sa contribution aux émissions des gaz à effet de serre. Ma famille y travaille fort.
Depuis quelques années, nous avons acheté un véhicule électrique et faisons l’effort de réduire les distances de nos voyages pour les vacances. Les scientifiques voyagent souvent en avion pour seulement quelques jours afin de donner des conférences. J’ai aussi réduit considérablement le nombre et les distances de tels voyages. Par exemple, pendant la dernière année, j’ai entre autres donné deux conférences « virtuelles » (c’est-à-dire par visioconférence), l’une à Calgary et l’autre en Caroline du Nord.
Cela dit, je reconnais une certaine hypocrisie dans la somme de mes actions parce que ma contribution aux émissions des GES continue à être trop élevée.
Il y a des limites aux sacrifices que chaque individu est prêt à faire. J’ai d’ailleurs écrit un article de blogue, en anglais, sur cette hypocrisie. Il a touché une corde sensible chez plusieurs personnes et il résume bien mon point de vue.
En tant que parent, concernant les enjeux environnementaux plus globalement, je vois que mes enfants sont de plus en plus conscients de nos impacts environnementaux. Grâce aux efforts de ma fille adolescente, nous avons beaucoup réduit nos déchets plastiques. Nous achetons une bonne proportion de notre nourriture en vrac et nous l’entreposons dans des contenants réutilisables. Ma fille a même comparé les prix…
C’est clair que, en réduisant nos achats de produits emballés, nous économisons en même temps!
Limoilou-Amélie Renaud, qu’est-ce qui vous motive le plus et vous donne le plus d’espoir dans le contexte des changements climatiques?
Dans la vie de tous les jours, deux faits me donnent de l’espoir : on parle énormément des changements climatiques dans les médias, et les preuves scientifiques de la présence de ces changements dus à l’activité humaine sont quasi incontestables. Avec toute cette information disponible, les Québécoises et Québécois s’attendent à ce que les gouvernements de demain passent à l’action. Je trouve ceci très motivant!
À une échelle plus rapprochée, je trouve aussi encourageant de voir tous les petits gestes posés par les individus, qui font une différence dans l’atteinte d’objectifs climatiques au niveau sociétal. Acheter une voiture électrique, utiliser les transports en commun ou repenser les systèmes alimentaires sont tout autant d’actions entreprises par des individus, qu’ils soient chercheurs en écologie, militants, étudiants ou parents. Et ces actions peuvent ensuite être appuyées par le gouvernement.
Certains pays ont même l’objectif très ambitieux de devenir carboneutres dans un avenir rapproché. Le message a donc été entendu!
Maintenant, en ce qui a trait à mon travail, mon espoir vient du fait que plusieurs espèces comme les oiseaux et certains mammifères sont capables de s’ajuster aux variations de leur environnement, et donc possiblement aux changements globaux. Bien sûr, la biodiversité et sa préservation restent préoccupantes, mais penser que certaines espèces s’en sortiront sûrement me motive.
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