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Une stagiaire de la Faculté d’éducation partage son expérience

Enseigner en Europe : nourrir ses pratiques en sortant de sa zone de confort

Claudine Fecteau-Labbé à Montpellier

Claudine Fecteau-Labbé à Montpellier


Photo : fournie

La plupart des gens reconnaissent que le travail des enseignantes et des enseignants est très exigeant. Parmi leurs défis quotidiens : stimuler leurs élèves, suivre les tendances pédagogiques et moduler l’accompagnement qu’ils offrent à certains jeunes, selon leur potentiel. Claudine Fecteau-Labbé, étudiante de troisième année au baccalauréat en enseignement au secondaire – profil mathématiques, a choisi d’ajouter des ingrédients supplémentaires à son bagage d’expérience, en faisant un stage en France. En novembre et décembre, elle était à Montpellier, où elle a enseigné les mathématiques à des jeunes de 11 à 13 ans. Ce stage l’amène à connaître une autre approche de l’enseignement, tout en travaillant à motiver des jeunes à travers sa perspective québécoise.

«Adapte-toi!»

Claudine Fecteau-Labbé dit avoir «sauté sur l'occasion» de faire un stage en Europe. Elle enseigne dans un collège d’un quartier défavorisé de Montpellier, qui accueille des élèves dont plusieurs sont d’origine maghrébine. «Cet établissement représente une zone de scolarisation prioritaire, dit-elle. La taille des classes est notamment diminuée, avec 20 à 25 élèves.»

L’étudiante relève que le programme français est encore régi par des objectifs à atteindre, comme ce qui se pratiquait au Québec, avant la réforme du début des années 2000. «En arrivant, mon mot d'ordre a été : "Adapte-toi!"», confie l’enseignante en formation, qui doit donc composer avec deux approches pédagogiques.

«Ici, les cours sont axés sur les connaissances, dit Claudine Fecteau-Labbé. Plus particulièrement en mathématiques, les élèves doivent apprendre des définitions mot à mot, savoir calculer mentalement et rapidement, etc.» Ainsi, l’étudiante observe que l’enseignement privilégie des efforts de mémorisation chez l’élève, plutôt que sa compréhension des concepts. Elle est donc appelée à concilier deux objectifs : «Je dois créer des cours qui répondent à la fois aux critères du milieu mais aussi aux exigences de l'Université et de mon stage. J'essaie donc de trouver un mélange harmonieux des deux, c'est-à-dire créer des cours portant sur l'apprentissage de connaissances et m'assurer que les élèves comprennent et retiennent ce qu'ils font. En conséquence, je dois donner plus de travail à la maison, car j'essaie d'arrimer ces deux objectifs.»

Une expérience marquante

Pour cette future enseignante, une telle expérience enrichit considérablement sa formation. «En ce moment, j'apprends beaucoup sur la gestion de classe, dit-elle. Je me remets en question quant à mes exigences et je me demande aussi comment faire passer mon respect tout en restant près des jeunes. En fait, la barrière entre les enseignants et les élèves me semble beaucoup plus marquée ici qu'au Québec. Je ne crois pas qu'un élève pourrait facilement se confier à un enseignant ici, alors que c'est monnaie courante au Québec. Je constate aussi qu’ici, la discipline est beaucoup plus stricte. Au Québec, on a aussi tendance à chouchouter nos élèves et on considère comme normal qu’ils puissent faire des erreurs... Ici, la réalité frappe un peu plus dur. Les enseignants n'ont pas peur d'affirmer à voix haute qu’un élève n'est pas à la hauteur des exigences.»

Bâtir la confiance

Au départ, le premier contact avec les élèves français n’annonçait pas de grandes différences avec les jeunes Québécois. «Des enfants restent des enfants, dit l’étudiante. Ils ont tous les mêmes questionnements, les mêmes genres de passions, etc.»

Mais en les côtoyant davantage, Claudine a découvert que bon nombre de ses élèves avaient une faible estime d’eux-mêmes. «Je ne sais pas si c'est le quartier dans lequel ces jeunes évoluent ou s'il s'agit de la majorité des jeunes du pays, mais je note chez plusieurs élèves un sérieux manque de confiance en soi. Une élève m'a dit : "Je vais enfin devenir intelligente." J'étais sidérée! J’ai dû lui expliquer qu'il est normal de ne pas tout comprendre du premier coup, et que ce n’est pas signe d’un manque d’intelligence.»

Un autre élève était démoli à la suite d'une mauvaise note, prêt à tout abandonner : «Je lui ai alors demandé de rester après le cours pour discuter, raconte l’étudiante. Après quelques minutes, l'élève s'est mis à pleurer. Il était fâché contre lui-même, car il se sentait stupide. Ça m'a brisé le cœur...»

Ceci dit, Claudine Fecteau-Labbé est ravie d’avoir l’occasion de vivre une telle expérience. «Je suis en apprentissage moi aussi, donc je ne suis pas là pour juger. J'observe, je vis la réalité des jeunes d'ici et je m'adapte. Je suis dans un contexte de stage différent du Québec, certes, mais tout aussi agréable. Les coutumes sont différentes et cela me fait voir le métier d'enseignant sous d'autres angles. En fait, ce stage me permet d'élargir mes horizons et de prendre un temps de réflexion sur mes propres pratiques. Finalement, ce que je constate entre nos deux systèmes d'éducation, c'est qu'au Québec, nous considérons la réussite éducative et la réussite scolaire des jeunes au même niveau. Ici, les jeunes doivent se dépasser sur le plan scolaire pour "réussir" leur parcours. Il s'agit d'une question de culture, tout simplement», conclut-elle.