Les discours de l’éditeur (vol. 10, n° 2, 2019)
The Publisher's Discourse
Ce numéro vise à enrichir la connaissance et l’analyse de la parole et du discours de l’éditeur, entendu au sens du responsable de l’élaboration, de la production et de la diffusion de livres ou de périodiques (publisher). À la jonction de la sociologie de l’édition, de l’histoire culturelle et de l’histoire intellectuelle, nous adoptons ici une perspective transnationale et transhistorique (XIXe-XXIe siècles), afin d’identifier des points de convergence entre les différents cas étudiés. De quelle manière l’éditeur se présente-t-il par la parole et par l’écrit, depuis la naissance de sa figure sociale au XIXe siècle jusqu’à ses incarnations contemporaines ? Comment sa position dans les champs littéraire, intellectuel et éditorial est-elle construite par les discours qui accompagnent sa pratique ? L’objectif est de mettre au jour un corpus qui a jusqu’ici souvent été réduit à sa valeur de témoignage, peu considéré par les historiens ou les littéraires, et voir ce qu’il a à nous apprendre sur les zones de contact entre vie intellectuelle et vie économique. Quels ont été les formes et les modes d’intervention de l’éditeur dans des débats politiques, intellectuels et commerciaux de son époque ?
Afin d’analyser les stratégies énonciatives de l’éditeur, les contributeurs ont recours à plusieurs types de textes, dont : 1) les récits autobiographiques, mémoires, correspondance et retours sur expérience ; 2) les prises de position publiques (manifestes, pamphlets, pétitions) ; 3) les interventions médiatiques (entrevues télé, radio, écrites, articles dans des journaux) ; 4) les discours d’escorte (préfaces, quatrièmes de couverture, etc.).
Plus précisément, les articles s’inscrivent dans les deux axes de réflexion suivants :
1. L’éditeur dans le champ littéraire : Quels discours tient-il sur le marché du livre, sur les conditions légales, les politiques culturelles et les pratiques commerciales qui le régissent ? Comment ces prises de parole peuvent-elles être reliées à l’état du champ littéraire et à la position occupée par l’éditeur en son sein ? La parole publique de l’éditeur nous informe également sur la tension entre l’énonciation collective et le régime de singularité inhérente à l’étude du champ littéraire. Comment l’éditeur rend-il raison de sa position double, à la fois homme de lettres et homme de commerce ? Ce volet de notre réflexion vise à saisir les conditions d’exercice de son métier et son rôle spécifique de médiateur essentiel dans la chaîne du livre, partant de ses prises de position publiques.
2. L’éditeur dans la société : Comment l’éditeur construit-il sa fonction sociale par le discours ? Nous chercherons à interroger son indépendance politique en observant les propos qu’il tient sur les événements historiques, sur les luttes de pouvoir entre groupes sociaux, de sexe ou d’ethnie. Par les choix commerciaux qu’il opère, par les causes qu’il embrasse ou récuse, par les textes qu’il accepte ou refuse, l’éditeur infléchit la circulation des idées dans sa société. En quoi l’éditeur se perçoit-il comme un vecteur de changement social ? Quelles sont les limites de son intervention ?
Placé sous la direction d'Anthony Glinoer (Université de Sherbrooke) et de Julien Lefort-Favreau (Université Queen's), le numéro est disponible à l’adresse suivante : https://www.erudit.org/fr/revues/memoires/2019-v10-n2-memoires04677/