La fiction au tribunal : quatre procès littéraires en contexte médiatique (1896-1934)
Subvention CRSH – Développement Savoir, 2024-2026.
Chercheure principale : Mélodie Simard-Houde (UQTR)
Collaboratrice : Nathalie Droin (U. de Bourgogne)
Le projet « La fiction au tribunal : quatre procès littéraires en contexte médiatique (1896-1934) » a pour objectif principal d'éclairer l’histoire de la judiciarisation de la littérature, en particulier des litiges concernant des récits fondés sur des faits vécus et des personnes réelles. Si des travaux récents ont mis en évidence la pénalisation croissante des actes de langage, comme la diffamation, dans la société française actuelle, les études sur les procès littéraires à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle ont porté sur l’atteinte à la morale publique plutôt que sur le droit des écrivains à s’inspirer du réel. Notre enquête permettra d’historiciser cette question d’une vive actualité. En convoquant les travaux pluridisciplinaires jumelant histoire du droit et de la littérature, mais aussi les recherches sur les écritures de presse et la littérature réaliste des années 1890 à 1930, nous mettrons en évidence les enjeux de la judiciarisation des écritures du réel qui émergent à cette époque. Pour ce faire, nous examinerons comment les tribunaux et la presse ont traité des litiges opposant des écrivains à des individus qui se sont plaints d’avoir été portraiturés dans des œuvres littéraires.
L’objet principal de ce projet consiste ainsi en l'étude de la mise en procès de récits littéraires fondés sur des faits vécus entre 1896 et 1934. L’équipe étudiera 4 procès relatifs à des œuvres littéraires survenus au cours de la période retenue. Par l’examen croisé des discours judiciaires issus des procès, des discours journalistiques qui en rendent compte et des œuvres incriminées, nous mettrons en lumière les arguments mobilisés dans le débat sur le droit des écrivains à s’inspirer du réel. Nous identifierons également les caractéristiques des œuvres qui paraissent problématiques aux contemporains. Quels genres d’œuvres littéraires inspirées du réel ont été mis en procès dès la fin du XIXe siècle ? Sur quels arguments se fondait le traitement des plaintes en diffamation ? Quelles opérations cognitives et discursives assuraient l’identification des données du réel mises en fiction et évaluaient leur traitement ?
L’attention portée aux discours judiciaires et journalistiques, qui témoignent de l’interprétation des œuvres qu'ont faite magistrats et journalistes, permettra de répondre à ces questions et d'atteindre les trois objectifs spécifiques suivants :
1) Identifier les critères de définition et d’évaluation des œuvres littéraires fondées sur des faits vécus et des personnes réelles, dans les discours respectifs des magistrats et des journalistes.
2) Analyser ces critères à l’aide des théories de la fiction afin de mieux cerner les stratégies interprétatives mobilisées par les acteurs de l’époque.
3) Comprendre les précédents historiques du débat sur le droit des écrivains à s’inspirer du réel en France.