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Refuser d'oublier. Dans un monde d'hommes. Femmes, archives et histoire de l'imprimé (vol. 12, n° 2, 2021)

Refusing to forget. Amongst Men. Women, Archives and Studies in Print History

La question des archives du livre a suscité, au cours des dernières années, plusieurs colloques et projets de recherche. Les chercheures et chercheurs qui s’y sont confrontés n’ont pu que constater la présence évanescente et feutrée des femmes et de leurs trajectoires au sein de ces masses de documents. C’est précisément cette question que ce numéro, inspiré du colloque « Dans un monde d'hommes. Femmes, archives et histoire de l'imprimé », souhaite soulever de manière frontale : quelles sont les traces laissées par les femmes dans les archives du livre et de l’imprimé?

Longtemps écartées de tout poste à responsabilité, les femmes ont développé des stratégies alternatives, qui nous obligent à penser autrement la recherche sur leurs pratiques. La mise à la marge des femmes dans le monde de l’imprimé au Québec et l’obligation de renouveler nos approches de la recherche seront les deux axes autour desquels s’organisera le colloque. L’objectif principal de ce numéro consiste à comprendre les modalités de l’émergence et de la consolidation de la présence des femmes dans l’histoire du livre et de l’imprimé au Québec, laquelle s’est organisée sur le mode associatif puis, avec les féministes de la 2e vague, par la création de collectifs à objectifs politiques (maisons d’édition, collections, revues, librairies, œuvres en collaboration).

Le récit de l’histoire du livre et de l’imprimé au Québec, au moins jusqu’aux années 1970, est celui d’un monde d’hommes. Nier cette réalité reviendrait à s’aveugler, néanmoins il y eut des femmes dans l’histoire de la littérature et de l’imprimé. Si notre connaissance de l’histoire des femmes écrivaines et journalistes s’affine de plus en plus, reste à éclairer celle de leur présence au sein des maisons d’édition, du monde de l’illustration, des imprimeries, des librairies, des associations. Et qu’en est-il également de leur implication dans les périodiques, en particulier les publications spécialisées s’adressant aux femmes —et, pour cette raison même, souvent désaffectées par la recherche—, comme les revues de mode, de couture, de cuisine, ou les catalogues de robes de mariées et autres vêtements? À partir de matériaux d’archives, les articles se situant dans cet axe visent à :

  • Mettre au jour la trajectoire de femmes méconnues dans l’histoire de l’imprimé;
  • Étudier les conditions de travail des femmes dans le monde du livre, au moyen des documents d’archives laissés par les différentes entreprises qui les emploient;
  • Cerner et interroger les phénomènes de mise à l’écart des femmes, dans une perspective diachronique ou synchronique;
  • Réfléchir aux types de postes occupés par les femmes dans l’histoire de l’imprimé, en fonction des époques et, dans la foulée, cerner les différents secteurs de production qui leur sont dévolus (ex. écrits pour la jeunesse, écrits intimes, etc.);
  • Mesurer, dans l’histoire du livre et de l’imprimé au Québec, les effets de la double marginalisation des femmes éloignées du grand centre qu’incarne Montréal, que ces femmes résident en région ou ailleurs au Canada français;
  • Réfléchir aux conséquences de la relégation des femmes et des féministes dans des collections précises, dans les pages de catalogues de maisons généralistes, dans les listes et palmarès, etc.

Où trouver les traces du travail des femmes dans le milieu du livre et de l’imprimé? Plus leur action est éloignée dans le temps, plus les chercheures et chercheurs doivent faire preuve d’inventivité pour débusquer même les faits biographiques les plus banals. À partir de matériaux d’archives, les articles se situant dans cet axe visent à :

  • Proposer des démarches méthodologiques permettant d’appréhender pleinement la présence des femmes dans l’histoire de l’imprimé;
  • Lancer des interrogations sur la façon spécifique de manipuler des types de documents encore peu utilisés en recherche (ex. agendas, calendriers, carnets de notes, mémoires de famille, témoignages);
  • Réfléchir à la valorisation des archives des femmes en histoire de l’imprimé, laquelle est souvent entravée par l’infériorité hiérarchique des postes occupés et par la dévaluation des types de documents qu’elles ont laissés.

Placé sous la direction de Marie-Andrée Bergeron (U. de Calgary) et de Marie-Pier Luneau (U. de Sherbrooke), le numéro est disponible à l’adresse suivante : https://www.erudit.org/fr/revues/memoires/2021-v12-n2-memoires06997/