Chaire de recherche du Canada en chimie des matériaux organiques et hybrides avancés
Les matériaux verts de Jérôme Claverie
«Depuis 15 ou 20 ans, il y a une petite révolution dans le monde des matériaux, déclare le professeur de chimie Jérôme Claverie. On essaie de faire des matériaux aux propriétés supérieures à celles qui existent actuellement, basés sur la chimie verte. L’industrie chimique commence à réaliser qu’il faut utiliser ces méthodes, et il y a énormément de travail à faire.»
Les matériaux jouent un rôle prépondérant dans la vie de tous les jours. Pourtant, leur production et leur utilisation ne sont pas toujours compatibles avec la conception du développement durable. C'est le cas des matériaux organiques, qui sont le plus souvent issus de produits pétroliers, ainsi que des matériaux hybrides, qui contiennent une partie organique et une autre inorganique. Ils sont fabriqués à partir de matières premières non renouvelables; la préparation et l'utilisation de tels matériaux sont le plus souvent dommageables pour l'environnement.
La Chaire de recherche du Canada en chimie des matériaux organiques et hybrides avancés
Les travaux de la Chaire de recherche du Canada en chimie des matériaux organiques et hybrides avancés portent sur le développement de nouvelles méthodes pour la production de matériaux durables et écologiques. «Ces méthodes se doivent d'être plus vertes, plus respectueuses de l'environnement, et elles sont versatiles», précise Jérôme Claverie, titulaire de la Chaire qui a vu le jour en juin 2016.
«Par exemple, il est possible de préparer des résines époxys partiellement biosourcées qui ne contiennent pas de bisphénols - des composés qui, en plus d’être des perturbateurs endocriniens, ont des impacts nocifs sur l’environnement.» Pas moins de 80% des résines époxys produites dans le monde contiennent ces composés indésirables. Et contrairement aux alternatives existantes sur le marché, les résines développées par l’équipe de la Chaire ont des propriétés thermiques et mécaniques remarquables : elles préservent leur dureté jusqu’à 350° Celcius, ce qui multiplie leur champs d’applications. Les résines époxys entrent dans la composition d’une quantité de matière : la majorité des matériaux composites de même que de nombreux revêtements, de colles, d'adhésifs, de vernis ou d'isolants électroniques. «On peut aussi utiliser nos résines époxys pour mettre au point de nouveaux photocatalyseurs qui, à leur tour, sont utilisés pour la dépollution de l'eau ou de l'air», ajoute le chercheur.
Des nanocapsules pour lutter contre les ravageurs des choux
Question d’illustrer la polyvalence des idées développées par son équipe, Jérôme Claverie raconte une collaboration fructueuse de son équipe avec Agriculture Canada. «C’est une histoire que nous affectionnons particulièrement dans le laboratoire, une aventure qui a mené à la publication d’un premier article dans un journal d’entomologie!»
Approchés par Charles Vincent, agronome et chercheur spécialisé en entomologie chez Agriculture Canada, le groupe de Claverie s’est penché sur le problème de la détérioration rapide de la bactérie Bt. La toxine libérée par la bactérie Bacillus thuringiensis est couramment utilisée par les agriculteurs sous forme de poudre pour lutter contre les ravageurs de la famille des choux. Le hic est qu’une fois appliqué dans les champs, ce biopesticide se dégrade rapidement sous l’effet des rayons UV du soleil. Si bien que son action de protection contre la piéride ou la fausse arpenteuse du chou, par exemple, est très limitée dans le temps.
«Nous, ce qu’on a fait, c’est qu’on a intégré trois souches de Bt à une solution liquide que nous avons conçue et qui contient des millions de nanocapsules. Noires mais invisibles à l’œil, ces petites capsules viennent se mettre autour de chaque spore de Bt pour les protéger du soleil.» Ces nanoparticules sont fabriquées de substances sans danger pour l’humain ou pour l’environnement, dont de l’huile de tournesol. Un mécanisme déclencheur a été intégré aux nanocapsules : une fois appliquées dans les champs, elles sont avalées par les larves de ravageurs et se dissolvent lorsque le PH atteint 8,5 – soit le niveau d’acidité de leur tube digestif.
«Environ 12 jours après l’application, le nombre de larves était plus bas qu’avec la formulation commerciale. Autrement dit : l’encapsulation prolonge la durée de vie du biopesticide, passant de 48 heures à plus d’une semaine. Plus encore : notre formule s’est révélé tout aussi efficace que les pesticides de synthèse tels que lambda-cyhalothrine.» Le lambda-cyhalothrine est un insecticide de synthèse hautement toxique pour les hommes et les mammifères, de même que pour les abeilles, qui sont pourtant essentielles à la pollinisation.