Nouvelle Chaire de recherche du Canada sur l'utilisation des médias numériques par les enfants
Au-delà du temps d’écran
Il y a 40 ans, l’écran se limitait au téléviseur et occasionnellement au cinéma. Confiné à la sphère des loisirs, il proposait un contenu plus restreint. Aujourd’hui, l’écran est devenu pluriel : tablette, téléphone, téléviseur, ordinateur, console de jeux; son contenu est éclaté et son usage couvre toutes les dimensions de nos vies, dont le travail, les activités quotidiennes et les communications.
S’intéresser aux impacts des médias numériques sur le développement des enfants est donc une nécessité. C’est justement le sujet de recherche de Caroline Fitzpatrick, professeure à la Faculté d’éducation. Celle qui vient de se voir attribuer la Chaire de recherche du Canada sur l'utilisation des médias numériques par les enfants bénéficiera d’un soutien financier de 600 000 $ pour faire progresser les connaissances dans ce domaine.
Des impacts négatifs… mais également positifs sur le développement des enfants
Depuis plus de dix ans déjà, la professeure Caroline Fitzpatrick s'intéresse au lien entre l’utilisation des écrans par les enfants et le développement de leurs capacités physiques, cognitives et sociales. Les recherches de la professeure Fitzpatrick sont d’autant plus pertinentes aujourd’hui qu’elles visent à combler certaines limitations des études existantes, dont l’absence d’études longitudinales basées sur des échantillons de population ayant grandi après l'introduction sur le marché des appareils mobiles.
« La grande majorité des recherches − et c’est vrai aussi pour mes travaux antérieurs − se sont davantage attardées au temps d’écran. Elles ont permis d'établir qu'un trop grand nombre d’heures peut entraîner des conséquences négatives considérables sur les capacités cognitives des enfants de même que sur leur bien-être social et physique, en particulier s’ils proviennent de milieux défavorisés. Mais les travaux ont été peu nombreux à mesurer les contenus et les contextes. »
C’est d’ailleurs ce qui distingue cette chaire de recherche : étudier les habitudes d’utilisation des médias numériques des enfants, oui, mais en tenant compte du contenu, du contexte et de leur influence sur l'évolution des jeunes.
Proposer des balises nuancées pour guider l’entourage des petits
Pour déterminer si les répercussions de cette utilisation sur le développement de l’enfant s’avèrent positives ou négatives, la professeure Fitzpatrick examine plusieurs dimensions de leur usage des technologies. La recherche a d’ailleurs déjà démontré que certains comportements numériques augmentent le potentiel des jeunes et ont un effet positif sur leur développement, par exemple le fait de regarder des contenus à valeur éducative ou présentant des agissements prosociaux (comme les émissions Sesame Street ou Passe-Partout) ou encore de participer à une visioconférence dans laquelle l'enfant échange et améliore son langage.
Avec cette chaire de recherche, nous voulons aller plus loin, émettre des recommandations précises, des balises plus nuancées que le seul temps d’écran, et ce, pour guider les parents, l’école et le milieu de la santé.
Professeure Caroline Fitzpatrick
À terme, cela permettra également de mieux comprendre les circonstances qui mènent à des conséquences négatives pour les distinguer de celles qui ont une incidence positive. Le programme de recherche va aussi s’appliquer à déterminer comment l’impact du numérique peut différer selon l’âge, le sexe, l’ethnicité et les caractéristiques individuelles (fragilités, surpoids) déjà existantes de l’enfant.
Pour Jean-Pierre Perreault, vice-recteur à la recherche et aux études supérieures, cette nouvelle chaire de recherche s’inscrit directement dans l’un des thèmes fédérateurs de l’UdeS, soit la promotion du vivre-ensemble. « Ce programme de recherche nous éclairera sur les différents facteurs faisant en sorte que les médias numériques aident les enfants à réussir, à devenir des étudiantes et des étudiants engagés et en bonne santé, socialement compétents. Il nous permettra aussi d’identifier les circonstances dans lesquelles ces médias peuvent nuire à la réussite personnelle et à la cohésion sociale en augmentant l'isolement, en diminuant l'empathie et en portant atteinte à la santé mentale et physique. »
Décortiquer le quotidien, une activité à la fois
Pour recueillir toutes les données dont elle a besoin, Caroline Fitzpatrick ne part pas de zéro : « Je suis membre d’un consortium de chercheuses et de chercheurs internationaux dont l’objectif est de créer une mesure plus détaillée de l’usage du numérique par les enfants et leur famille. Nous avons développé ensemble des outils que nous partageons et que j’utilise avec une cohorte composée au départ, en 2019, de plus de 300 familles de la Nouvelle-Écosse. »
En plus d’un questionnaire en ligne détaillé, une application pour tablette et téléphone est employée pour mesurer de façon ininterrompue et continue l’utilisation de ces écrans. Les données transversales sur le contenu et le contexte sont recueillies à l’aide d’un journal numérique rempli par les parents participants. Ils y notent, entre autres, le temps de jeu de l’enfant à l’extérieur, ses périodes de sommeil, les contenus qu’il a regardés et les périodes où un adulte l’a accompagné dans son visionnement, etc.
« Même si l’échantillon est composé de familles aux caractéristiques assez semblables, on constate déjà que, dans un groupe relativement homogène, il y a de l’hétérogénéité d’usage. Notre hypothèse est que nous constaterons malgré tout des variations d’impact dans ce groupe d’enfants qui, pourtant, avaient tous un faible niveau de risque au départ. Du moins, c’est ce que nous laissent voir les données colligées lors de nos suivis réalisés en 2020 et 2021 auprès de ces familles. »
La professeure Fitzpatrick vient d’ailleurs d’obtenir un financement de près de 490 000 $ des Instituts de recherche en santé du Canada pour effectuer un troisième suivi auprès des familles participantes, incluant des visites en présence. Dans le cadre de ce volet de recherche intitulé Examiner l’impact des habitudes médiatiques des enfants durant la pandémie sur leur santé et leur développement, des mesures de poids et de taille seront prises, la motricité et la régulation émotive de l’enfant de même que son niveau d’empathie seront évalués, tout comme la richesse de son vocabulaire et sa capacité de concentration. L’équipe de recherche va également contacter le personnel enseignant pour tenir compte de l'adaptation de ces enfants de six ans à leur entrée à l’école.
Un défi à relever en équipe
Pour atteindre son but, la jeune chercheuse peut également compter sur la collaboration de collègues de l’UdeS dont l’expertise viendra enrichir les travaux sur les aspects relatifs aux impacts scolaires, physiques, moteurs et développementaux des enfants : Gabrielle Garon-Carrier, de la Faculté d’éducation, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la préparation à l’école, l’inclusion des populations vulnérables et l’adaptation sociale, Félix Berrigan, de la Faculté des sciences de l’activité physique, et Mélanie Couture, de la Faculté de médecine et des sciences de la santé.
Former la relève est également pour Caroline Fitzpatrick un défi stimulant, qu’il s’agisse de futurs chercheurs ou chercheuses ou de futurs travailleurs ou travailleuses. Plusieurs personnes étudiantes au baccalauréat, à la maîtrise, au doctorat et au postdoctorat font d’ailleurs partie de son équipe de recherche, tout comme des stagiaires internationaux. La professeure cherche d’ailleurs d’autres personnes intéressées provenant de diverses disciplines (éducation, psychologie, activité physique, santé, etc.) pour compléter son équipe.
S’intéresser aux pratiques numériques comme constituantes du vivre-ensemble
Les habitudes numériques des jeunes d’aujourd’hui façonnent les individus et la société de demain. Dans la perspective de promouvoir le vivre-ensemble, la chaire de recherche fera la lumière sur les facteurs individuels, familiaux et scolaires qui font en sorte que les médias numériques aident les enfants à réussir, à devenir des étudiantes et des étudiants engagés et en bonne santé, socialement compétents.