Utilisation des données - Partie 2
Recourir à l’IA pour extraire l'information des banques de données
Si Pre Isabelle Dufour aborde la donnée médicale administrative d'un œil clinique, Yohann Moanahere Chiu, professeur-chercheur au Département de médecine de famille, de son côté, a un point de vue davantage axé sur l'intelligence artificielle. Il cherche plus spécifiquement à savoir comment l'intelligence artificielle peut permettre de dégager des phénomènes et de modéliser des relations complexes.
« Les données médicales administratives sont très peu compatibles avec la recherche. C'est comme si on avait accès à une mine d'or de renseignements cachée derrière la lourdeur administrative. Avec ma lunette de biostatisticien épidémiologiste, j'essaie de créer des modèles qui utilisent l'intelligence artificielle pour extraire de l'information des banques de données, de l'information qui serait utile pour améliorer le système de santé », mentionne Pr Chiu. Le chercheur s'intéresse plus particulièrement aux personnes vivant avec un trouble bipolaire, trouble qui est souvent accompagné de maladies co-occurentes nécessitant la prise de médicaments.
Ces médicaments peuvent avoir de lourds impacts dans la vie des personnes. On parle d'antipsychotiques, d'antidépresseurs. Il y a beaucoup d'interactions entre ces médicaments et on cherche à savoir dans quel ordre ils sont prescrits, comment ils interagissent et quels sont leurs effets. L'intelligence artificielle pourrait permettre de faire ressortir les combinaisons de médicament les plus fréquentes et à quel point ces séquences de médicaments sont associées à une hospitalisation.
Professeur Yohann Moanahere Chiu
Le développement de ce genre de modèle donnerait un sérieux coup de pouce aux médecins. Certes, ces derniers ont accès au dossier médical des patients et sont en mesure de voir quels médicaments ont été prescrits, mais cette analyse répétée pour chaque patient demande un temps considérable. « Si on pouvait avoir des indicateurs qui résument toute cette information et qui soulèvent les problèmes liés à une séquence de médicaments inappropriée, le médecin pourrait alors corriger ou à tout le moins ajuster la médicamentation, et ce serait aidant pour les cliniciens », ajoute Pr Chiu, qui compte bien pouvoir lancer ce modèle prometteur d'ici un an ou deux.
La fin de la recherche en silo
Le fait de travailler avec Pre Isabelle Dufour est très éclairant pour Pr Chiu : « Isabelle a une super connaissance clinique par rapport à l'utilisation des médicaments sur les comorbidités et le vieillissement. Ça me nourrit beaucoup dans les modèles que je développe. Elle sait tout de suite que le médecin n'aura pas le temps de consulter un outil ou au contraire, qu'il aimerait avoir un tel outil. Ça me permet de mieux comprendre le contexte de l'utilisation de mes modèles, leur application concrète et leur impact dans la vie des cliniciens. C'est l'avantage que je vois de me retrouver au PSPRT, de collaborer avec plusieurs chercheurs, c'est le genre d'impact que ça va avoir sur ma pratique. »
Les plateformes numériques : un coup de pouce indispensable
Isabelle Dufour et Yohann Moanahere Chiu l'affirment à l'unisson. Le fait de pouvoir travailler avec les plateformes du numérique de la santé, comme la Plateforme de recherche, de valorisation, d'analyse et de liaison en informatique de la santé (PREVALIS), est un réel avantage de l'Université de Sherbrooke.
C'est tellement extraordinaire d'avoir des gens qui ont une expertise en analyse des données et qui offrent de l'accompagnement au niveau statistique. Cela permet de démocratiser l'utilisation des données. On leur fournit nos données et eux les structurent, les analysent. C'est un privilège de pouvoir compter sur toute cette infrastructure accélérer l'utilisation des données en recherche.
Professeure Isabelle Dufour
Selon Pr Chiu, la plateforme lui permettra de bénéficier d'une puissance informatique accrue. « Il y a énormément de combinaisons possibles de médicaments. Il faut aussi prendre en compte le dosage, la durée de prescription, l'ordre dans lequel sont pris les médicaments. Ça devient exponentiel comme données à traiter. On fera certainement appel à l'équipe de PREVALIS pour nous aider dans cette analyse complexe ».
Des outils performants à même le PSPRT
Les deux acolytes puisent leurs données auprès du Centre d'accès aux données de recherche de l'Institut de la statistique du Québec, le CADRISQ. Un outil disponible en ligne qui facilite grandement le travail des chercheuses et chercheurs et des étudiantes et étudiants, qui devaient auparavant prévoir un déplacement à Québec ou à Montréal pour avoir accès à de telles données.
Le nouveau laboratoire de statistiques, nouvellement implanté au PSPRT et le deuxième du genre à l'UdeS, permet aussi un accès sécurisé aux données.
Toutes ces technologies sont maintenant à la disposition des équipes de recherche pour leur permettre un meilleur accès aux données. Grâce à ces outils performants et à la synergie des équipes, de nouvelles avancées visant à améliorer les soins de santé offerts à la population verront certainement le jour dans un avenir proche. C'est là toute la force du Pavillon de santé de précision et de recherche translationnelle.
À propos de Yohann Moanahere Chiu
- Professeur-chercheur au Département de médecine de famille et de médecine d'urgence de la FMSS
- Professeur-chercheur au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS)
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