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Le CIDIS a décidé de rendre hommage à un précieux collaborateur

Mahamane Maïga, une vie au service de sa communauté.

Dr Mahamane Maïga donnant une conférence aux professeurs et étudiants de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS).
Dr Mahamane Maïga donnant une conférence aux professeurs et étudiants de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS).
Photo : Martin Blache - UdeS

Natif d’Iloa, un petit village du nord du Mali, il a consacré plus de 30 ans de sa vie à la pratique de la médecine, particulièrement aux soins de santé primaire et à l’enseignement clinique en première ligne, en soutenant le développement des capacités dans le milieu des centres de santé communautaires. Professeur associé à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de Sherbrooke (FMSS) depuis près de 15 ans, il est actuellement le directeur du projet CLEFS (Communautés locales d’enseignement pour des femmes et des filles en santé).

Pour mieux comprendre sa démarche et celle du Centre interdisciplinaire de développement international en santé (CIDIS), nous avons rencontré pour vous le docteur Maïga. Nous avons discuté de son parcours, de son engagement, de son travail avec l’Université de Sherbrooke et de sa vision de l’appui au développement.

De Tombouctou à Sherbrooke, un parcours improbable

Mahamane est né « vers 1962 » en milieu traditionnel songhaï au sein d’une famille d’éleveurs et d’agriculteurs, vivant à quelques kilomètres de Tombouctou entre le désert et le fleuve Niger. Encore aujourd’hui, le Dr Mahamane Maïga revendique fièrement ses racines villageoises.

Mahamane n’a pas vraiment connu son père, chef traditionnel d’Iloa, décédé tôt dans son enfance. Sa mère étant la plus jeune des épouses, la situation est très difficile pour elle lorsqu’elle devient veuve. Mahamane est alors confié au marabout chargé de l’enseignement coranique axé sur les coutumes, les traditions et les rites religieux. Malgré les limites de cette formation initiale, il réussira à emprunter un chemin différent, ayant été remarqué favorablement par un enseignant qui voit en lui un élève doué.

Comment en est-il arrivé à étudier la médecine à l’université ? Humble, il évoque le hasard, « des rencontres pivots à des moments charnières », pour expliquer cet improbable cheminement.

Dans le Mali socialisant de la période des Indépendances, chaque famille doit permettre à au moins un de ses enfants d’intégrer le système de scolarisation obligatoire. C’est ainsi que le jeune Mahamane se retrouve à Tombouctou où il rencontre un cousin enseignant qui l’accueille et le traite comme son propre fils, lui permettant ainsi d’échapper à l’errance et à la mendicité qui sont trop souvent le lot des enfants des écoles coraniques. Il tire profit de cette chance en se démarquant en classe, un premier pas qui l’amènera quelques années plus tard à l’école de médecine.

Il raconte ce parcours inusité dans un récit intitulé Un homme Une vie.

Médecin et enseignant

Dr Maïga lors d’une formation SONUB (Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence et de Base) au Mali
Dr Maïga lors d’une formation SONUB (Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence et de Base) au Mali
Photo : CIDIS – UdeS

En obtenant son diplôme de l’École nationale de médecine et de pharmacie de Bamako, le Dr Maïga se fixe comme objectif de pratiquer une médecine différente, tournée vers la communauté.

Je voulais servir les communautés les plus pauvres comme celle de mon village, confie-t-il, c’était ma vocation.

Il débute comme médecin bénévole à l’Association de santé communautaire de Banconi (ASACOBA) mais se voit rapidement confier de plus lourdes responsabilités en raison de son savoir-faire. Ainsi, il devient bientôt médecin responsable du volet malnutrition dans les quartiers périphériques de Bamako, puis échographiste en 1994. En 1999, huit ans seulement après avoir commencé à pratiquer la médecine, il est nommé médecin en chef du Centre de santé communautaire (CSCom) de Banconi.

Mahamane Maïga ne s’en cache pas : bien que la médecine ait occupé une place importante dans sa vie, l’enseignement l’intéressait également, au point d’envisager d’y faire carrière. La transmission est pour lui une valeur fondamentale.

J’ai traversé le monde grâce aux étudiants […] je ne vis pas bien quand je n’enseigne pas.

Au CSCom de Banconi, dès 1997, il supervise et encadre des médecins résidents canadiens en stage clinique dans le cadre du microprogramme de Santé internationale de la FMSS de l’Université de Sherbrooke, faculté à laquelle il est aujourd’hui formellement associé comme professeur.

Instigateur de changements

Dr François Couturier, professeur à la FMSS et Dr Mahamane Maïga, coconcepteur du projet DECLIC pour la formation des professionnels de la santé au Mali
Dr François Couturier, professeur à la FMSS et Dr Mahamane Maïga, coconcepteur du projet DECLIC pour la formation des professionnels de la santé au Mali
Photo : CIDIS – UdeS

Médecin efficace, dévoué auprès de ses patients, engagé dans le développement de soins de santé accessibles pour l’ensemble de la population, le Dr Maïga a identifié rapidement le besoin d’une formation plus appropriée pour les futurs professionnels de la santé afin qu’ils puissent répondre de façon optimale aux besoins des populations.

Au fil des années, avec un groupe de professeurs de la FMSS rencontré en 1997 au CSCom de Banconi, il conçoit et met en œuvre le projet de Développement de l’enseignement clinique et communautaire (DECLIC). Ensemble ils proposent un modèle de formation des professionnels de la santé (médecins, infirmières et sages-femmes) innovant, délocalisé dans la communauté. Inspirés du modèle québécois de l’Unité de médecine de famille (UMF), cinq centres de santé communautaire maliens obtiennent une accréditation universitaire (CSCom-U) entre 2010 et 2018.

Pionnier de la médecine communautaire au Mali, Dr Maiga compte parmi les principaux instigateurs du tout premier programme d’études supérieures de médecine de famille et communautaire en Afrique de l’Ouest, basé à Bamako. Une pédagogie plus appropriée voit progressivement le jour.

L’évolution des projets d’aide au développement

À titre de co-concepteur du projet DECLIC et de directeur de l’équipe malienne du projet CLEFS, Dr Maïga a consacré une partie importante de sa vie à l’amélioration de la santé au Mali, notamment à travers les projets de développement international auxquels il a activement participé. Ces initiatives se démarquent par des formules de supervision et de mentorat croisés permettant aux professionnels de la santé maliens comme canadiens d’apprendre les uns des autres en toute collégialité. Dans ce contexte Mahamane Maïga se révèle un habile passeur, un précieux décodeur.

Selon lui, la façon dont sont mis en œuvre les projets et les approches de développement ont changé pour le mieux. « On observe une remarquable amélioration avec la nouvelle génération de professionnels. On tente de mieux comprendre la culture locale et les besoins réels des communautés, de sorte qu’elles s’engagent aujourd’hui de façon volontaire et plus active au sein des projets, contribuant ainsi à leur pérennité », analyse-t-il.

Les besoins spécifiques des femmes et des filles sont ainsi mieux pris en compte. Le projet CLEFS par exemple est axé sur les soins de santé sexuelle et reproductive qui les concernent et aborde la violence basée sur le genre.

Son deuxième village

L’Université de Sherbrooke est mon deuxième village, mon deuxième chez moi.

Remise de la médaille humaniste de la FMSS par Pr Pierre Cosette, recteur de l’Université de Sherbrooke
Remise de la médaille humaniste de la FMSS par Pr Pierre Cosette, recteur de l’Université de Sherbrooke
Photo : Martin Blache - UdeS

Le Dr Maïga entretient des liens étroits avec plusieurs membres de l’Université de Sherbrooke. Cette dernière lui a permis de s’ouvrir sur le monde en lui offrant plusieurs opportunités qu’il a mises à profit en faisant bénéficier l’institution de ses compétences. En 2016, la Faculté de médecine et des sciences de la santé lui a décerné la médaille humaniste pour son engagement de longue date et indéfectible pour l’amélioration de la santé et de la situation de ses concitoyens du Mali.

Plusieurs des collègues canadiens avec qui il a travaillé et qui ont pu apprécier la richesse de son expérience et la profondeur de sa réflexion n’hésitent pas à dire qu’il a eu sur eux une influence marquante. Il n’en demeure pas moins modeste en concluant :

L’Université de Sherbrooke m’a permis de faire ce que j’aimais, ce en quoi je croyais, et le tout en gagnant ma vie ; je lui en serai éternellement reconnaissant.


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