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Le défi d’Oumar Sangaré

Promouvoir la santé mentale en Afrique de l’Ouest

Oumar Sangaré (à droite) lors d'une mission au Mali.
Oumar Sangaré (à droite) lors d'une mission au Mali.
Photo : Fournie

Créé en 2021, le Centre interdisciplinaire de développement international en santé (CIDIS) de l’Université de Sherbrooke (UdeS) tire sa force dans l’interdisciplinarité découlant de l’association de l’expertise de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) et de la Faculté des lettres et sciences humaines.

Au fil des ans, le CIDIS a su s’entourer de collaboratrices et de collaborateurs de différents horizons afin de renforcer cette vision multidisciplinaire. C’est le cas, entre autres, d’Oumar Sangaré, expert en santé mentale et coordonnateur à la recherche au CIDIS et à la FMSS.

Doctorant en sociologie du développement et titulaire d’une maîtrise en gestion de projet, en santé mentale et en développement rural intégré et chef d’équipes chargées de l’intervention dans les camps de réfugiés, Oumar Sangaré affiche une feuille de route impressionnante.

Après plus de 20 ans sur le terrain, principalement au Burkina Faso d’où je viens, je souhaitais contribuer au développement des projets et former des gens qui poursuivront mon action. L’approche multidisciplinaire du CIDIS rejoignait mes convictions. J’ai observé l’impact de projets comme DECLIC et CLEFS qui ont permis le développement des Centres de santé communautaire universitaires (CSCom-U). Je suis heureux de constater que les soins de santé primaires intègrent de plus en plus la santé mentale.

Oumar Sangaré, expert en santé mentale et coordonnateur à la recherche au CIDIS et à la FMSS.

Son expertise en santé mentale et communautaire ainsi que sa vaste expérience terrain lui permettent d’agir efficacement comme lien entre les partenaires en Afrique de l’Ouest et l’équipe de l’UdeS. Il participe en outre à la conception des projets soumis aux bailleurs de fonds et assure la coordination des projets en santé mentale qui parviennent à l’étape du déploiement.

Cette proximité avec le terrain lui a également permis d’observer la graduelle déstructuration du système de santé mis en place au Mali. Les répercussions des changements climatiques, les séquelles de la COVID-19 ainsi que la violence et l’insécurité persistantes sont des éléments qui ont accéléré le processus au cours des dernières années. Dans ce contexte, les facteurs de stress et de psychotraumatisme se sont multipliés, affectant aussi bien les réfugiés que les populations hôtes, tout particulièrement les femmes et les enfants.

Les problèmes sont nombreux à l’heure actuelle. Les structures de santé mentale manquent de tout : un personnel qualifié en santé mentale, des services spécialisés ou encore un accès aux médicaments et aux données en matière de santé mentale. Sans parler du manque de financement. Il faut travailler sur tous les fronts, car l’impact est systémique.

Deux millions de personnes déplacées, dont 58% sont des enfants, en raison de la violence et de la sécheresse extrême, des conflits communautaires résultants de la compétition pour l’accès à l’eau et à la nourriture nécessaire à la survie des humains et du bétail. Plus de 6000 écoles fermées, plus de 3,4 millions de personnes qui voient leur accès aux services de santé réduit du fait que 375 centres de santé fonctionnent au minimum et que 345 restent fermés. Sans oublier la toxicomanie que laissent dans leur sillage les groupes armés.

Des avenues malgré tout

Pour Oumar, la priorité demeure de rendre les services accessibles en milieu rural, où vit 80 % de la population. Pour ce faire, il est primordial selon lui de former davantage d’intervenants qui pourront assurer une meilleure répartition des services sur le territoire. La formation est d’ailleurs fort bien accueillie.

Oumar effectue une collecte de données terrain au Burkina Faso (avec la casquette rouge)
Oumar effectue une collecte de données terrain au Burkina Faso (avec la casquette rouge)
Photo : Fournie

Pourtant, la santé mentale demeure, au Sud comme au Nord, le parent pauvre des systèmes de santé. Oumar observe que la plupart des gouvernements traitent en priorité les problèmes à incidence épidémique, jugés bien plus urgents. C’est pourquoi le CIDIS plaide pour un renversement de cette tendance à négliger la santé mentale. Oumar Sangaré vient d’ailleurs de mettre la dernière touche à un rapport de priorités internationales produit pour le CIDIS et destiné à sensibiliser les bailleurs et organisations internationales à cet enjeu.

Le chercheur mesure bien le poids de la responsabilité qu’il a accepté d’assumer au sein de l’équipe. Il travaille en étroite collaboration avec toutes les forces alliées, que ce soient les autres chercheurs du CIDIS ou les acteurs en santé dans les pays partenaires, notamment les guérisseurs traditionnels qui demeurent des leaders d’opinion influents au sein de leur communauté. Le chercheur est d’avis que ces guérisseurs sont la clé pour accéder à la population. En leur offrant des formations pour en faire des alliés, ils peuvent orienter au besoin les membres de leur communauté, vivant une problématique de santé mentale, vers le système de santé.

Jusqu’à 80 % des gens entretiennent des croyances irrationnelles, encore bien ancrées, qui les incitent à consulter d’abord le guérisseur de leur communauté.

Comme sur bien d’autres aspects, Oumar Sangaré insiste sur l’importance d’adapter nos approches et nos modèles au contexte et aux réalités sociologiques du terrain. Une vision qui guidera les pas du CIDIS pour plusieurs années encore.


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