Venir au monde, une deuxième fois…

Mexico, 29 janvier 2015

J’ai été abusée sexuellement et ces souvenirs me hantent encore. J’espérais qu’en quittant le pays je laisserais ce passé lourd derrière. Pourtant ma peine est toujours aussi vive. Ma mère est encore avec lui. Elle n’a jamais voulu me croire, préférant fermer les yeux et m’accusant à l’occasion de vouloir l’empêcher d’être heureuse. Aujourd’hui, en observant les enfants du quartier pauvre où je travaille, j’ai réalisé combien ils réussissent à jouir de la vie avec le peu de moyens qu’ils possèdent. Pourtant, la majorité de ces enfants vivent dans une pauvreté extrême, certains sont orphelins, d’autres se sont prostitués pour survivre.

Pourquoi ne suis-je pas capable de m’ouvrir à la vie comme eux?

Sherbrooke, 12 avril 2016 

Quand je pense à mon passé et à toutes ces années de souffrance, j’étais au fond en attente d’un geste de la part de ma mère. Par le fait même, je remettais entre ses mains la part de moi qui souffrais… sans m’en occuper moi-même. Tant que j’ai espéré qu’elle prenne enfin soin de moi, je me suis empêchée de profiter de la vie. C’était dans l’attente que mon malheur prenait racine. J’ai décidé d’arrêter d’attendre seule dans mon coin. Ma mère ne viendra pas vers moi. Je tourne la page et j’écris un nouveau chapitre. Oui, j’ai vécu des choses difficiles et je ne pourrai jamais rien changer au passé.

Et même si le bonheur m’est étranger, je souhaite le chercher au lieu de l’attendre. Alors, désormais j’avance. Et, tout comme les enfants de Mexico, j’apprends à profiter de tout ce que la vie peut m’apporter.

Éric Maheux, psychologue

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