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Les vendeurs vus comme des prédateurs

Olivier Mesly, étudiant au doctorat en marketing
Olivier Mesly, étudiant au doctorat en marketing

Négocier avec un vendeur de voitures est parfois une expérience déstabilisante pour le consommateur. Le client cherche la bonne affaire tout en se méfiant du vendeur. De son côté, ce dernier multiplie les stratégies pour gagner la confiance de l’acheteur. Un peu comme le prédateur qui traque sa proie. C’est du moins l’analogie que fait Olivier Mesly, doctorant au Département de marketing. «La prédation fait partie de l’écosystème humain et on ne peut pas se débarrasser de cet élément inné», dit-il. Cela dit, l’attitude du vendeur n’est pas exactement celle des bêtes dans la nature. «Le vendeur recourt à une prédation de nature informationnelle en cinq étapes stratégiques pour atteindre son objectif», poursuit le chercheur, dont les travaux de recherche sont codirigés par les professeurs Paul Prévost et Jean Roy, de la Faculté d’administration.

L’auteur de la recherche recourt à des approches quantitatives et qualitatives à forte composante psychologique pour scruter cette relation singulière entre vendeur et consommateur. Récemment, Olivier Mesly proposait une conférence dont le thème posait la question : «Les vendeurs sont-ils tous des voleurs?» Or, la réponse est non, dit le chercheur, qui a mené une expérience terrain chez le concessionnaire automobile Sherbrooke Toyota. «Cette partie de la recherche visait à mettre à l’épreuve des outils mesurant le taux de malaise entre vendeurs et acheteurs, explique-t-il. Ce modèle de mesure s’attardait à différents niveaux à atteindre dans la dynamique interpersonnelle. Or, plusieurs consommateurs avaient une bonne perception de l’attitude des vendeurs. Cela montre que les vendeurs ne sont pas tous des voleurs!»

Olivier Mesly a conçu une grille d’analyse ayant pour but d’améliorer la perception des vendeurs par les clients. Cette grille, baptisée AmadeUS®, cible huit paramètres très précis. «Il s’agit de critères pour déterminer la teneur de la confiance et de la coopération entre le vendeur et l’acheteur, explique le chercheur. Par exemple, l’un des critères concerne la perception de l’intégrité. Si l’on se rend compte qu’un vendeur est perçu comme ayant des faiblesses à cet égard, le responsable des ventes saura que cet aspect est à améliorer chez son vendeur. Il pourra ainsi augmenter son potentiel de réaliser de meilleures ventes.»

Mais le cœur de l’approche développée par le doctorant est de cerner les mécanismes de prédation qui animent le travail des vendeurs.

Prédation perçue

Le concept de prédation développé par Olivier Mesly repose sur une série de cinq étapes stratégiques. «Ultimement, en déployant sa stratégie, le vendeur honnête n’a pas pour but d’imposer une perte à l’autre partie, en capitalisant sur l’effet de surprise», dit-il. Dans ce sens, le vendeur a tout avantage à favoriser un climat de bonne entente. «Plus la prédation perçue est faible, meilleure est la bonne entente entre vendeur et acheteur, poursuit le chercheur. Pour améliorer cet aspect, les deux parties doivent en venir à développer une relation basée sur la confiance, la coopération et la réciprocité.»

Prédateurs et proies

Certains vendeurs sont très convaincants et démontrent un talent naturel dans leur activité. Est-ce à dire que ces personnes déploient plus ou moins consciemment une attitude de prédateur? Olivier Mesly répond que la prédation implique deux acteurs : le prédateur et la proie. «Oui, il y a des personnes plus habiles à être des prédateurs, mais d’autres présentent les caractéristiques à devenir des proies et ne maîtrisent pas les stratégies pour se dégager de leur position.»

Sur ce point, Olivier Mesly ajoute qu’il ne faut pas donner le mauvais rôle uniquement au vendeur : «L’acheteur peut aussi attaquer la vulnérabilité du vendeur, par exemple en se plaignant à son patron ou en publiant des commentaires négatifs sur des forums de consommateurs. Autre exemple, le vendeur peut passer quelques heures avec un acheteur sans savoir si celui-ci dispose du crédit nécessaire pour compléter l’achat. Bref, chacune des deux parties se trouve sur ses gardes.»

Un modèle applicable ailleurs

Dans le cadre de ses travaux de doctorat, Olivier Mesly a évalué son approche basée sur les mécanismes de prédation dans une demi-douzaine de contextes de relations interpersonnelles. Certaines situations n’ont rien à voir avec le commerce. «Par exemple, dans le domaine des arts, les mêmes mécanismes de prédation perçue se retrouvent dans la relation entre un chef d’orchestre et ses musiciens, dit le chercheur. Le même principe prévaut dans les relations de couple; il survient des situations où l’on se retrouve soit en mode attaque, soit en mode défensive.»

Ces exemples montrent le caractère particulier des travaux d’Olivier Mesly. En marketing, il est plus fréquent de privilégier une approche quantitative basée sur la statistique. «Le concept de prédation est assez original, et j’ai vu peu d’écrits sur cet aspect dans le domaine du marketing, affirme-t-il. Mes recherches sur le terrain ont suivi une approche appelée théorie enracinée. Elles combinent une approche à la fois qualitative et quantitative, et prennent en compte une grande composante psychologique.»

Désormais, on comprend un peu mieux la source du malaise que certains ressentent en négociant de gros achats!