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Carnets de voyage

Bolivie, le joyau caché du continent sud-américain

La Paz entourée du Nevado Illimani à droite et du Nevado Mururata à gauche
La Paz entourée du Nevado Illimani à droite et du Nevado Mururata à gauche

Après avoir terminé son baccalauréat en géomatique appliquée à l'environnement, Alexandre Cerruti a mis en place une mission de coopération internationale entre le Centre d'applications et de recherches en télédétection de l'Université de Sherbrooke et l'Instituto Hydraulica e Hidrologia de l'Universidad Mayor de San Andrés en Bolivie. Le projet sur lequel il travaille touche à des enjeux socioéconomiques importants pour les populations boliviennes vivant au contact des glaciers andins. Les tâches principales d'Alexandre Cerruti consistent à renforcer l'utilisation de la géomatique afin d'évaluer la contribution des eaux de fonte des glaciers au système d'alimentation en eau potable des villes. Dans l'éventualité où les glaciers tendent à disparaître et que les villes augmentent leur consommation, il est important d'avoir une bonne connaissance des ressources disponibles et d'adopter une bonne gestion de l'eau afin d'éviter une crise de l'eau.

Prise de mesures GPS et radar sur les glaciers de la Cordillère royale
Prise de mesures GPS et radar sur les glaciers de la Cordillère royale

Après avoir passé plusieurs heures dans l'avion, j'atterris au petit matin sur l'altiplano bolivien à plus de 4000 m d'altitude. Cet aéroport international est le plus haut du monde. À mon arrivée, je ressens tout de suite le mal de l'altitude : souffle coupé, migraine. Mais tout ceci est oublié lorsque je franchis les portes de l'aéroport. Devant moi se trouve la Cordillère royale avec ses sommets à plus de 6000 m : Huayna Potosi, Mururata, Condoriri, Illimani. En voyant ce spectacle, je comprends pourquoi la mythologie andine a considéré ces montagnes comme des divinités qu'il fallait respecter et honorer par des offrandes. Je suis sur la terre de ces civilisations millénaires qui ont écrit l'histoire des Andes en laissant visibles des vestiges d'une grandeur passée. Je vais pouvoir découvrir ces cultures autochtones (Aymaras, Quechuas, Guaranis…), leur patrimoine et leur culture, des horizons inconnus, des fêtes originales et uniques. Me voilà arrivé à La Paz, capitale la plus élevée du monde, établie entre 3200 et 4000 m d'altitude.

Marché aux sorcières de La Paz
Marché aux sorcières de La Paz

Le chauffeur de taxi qui me conduit à l'hôtel doit être amateur de formule 1. Il prend beaucoup de plaisir à faire crisser ses pneus dans les virages. Je me cale dans mon siège, je boucle ma ceinture et admire le paysage qui s'offre à moi. La voie rapide pour rejoindre le centre-ville depuis l'altiplano descend sur plus de 1000 m de dénivelé. De ma fenêtre, je peux voir La Paz briller de mille feux, une métropole de plus d'un million et demi d'âmes nichée dans une cuvette entourée par les sommets enneigés des Andes. Je ne peux m'empêcher d'admirer le majestueux Illimani, montagne culminant à 6490 m. Ce seigneur veille jalousement sur la ville. Plus bas, près du centre-ville, dans les marchés populaires, les cholitas (amérindiennes) vêtues de ponchos bariolés et de chapeaux melon s'activent à l'ouverture de leur kiosque.

Danse de cholitas lors du Grand Poder, festival religieux de La Paz
Danse de cholitas lors du Grand Poder, festival religieux de La Paz

L'auto arrive sur le prado, promenade fleurie qui traverse le cœur de la ville. Dans cette rue, le décor a plutôt une influence nord-américaine à la Walt Disney. À 200 m d'intervalle, j'ai pu trouver les marchés populaires bariolés et remplis d'odeurs, puis le centre d'affaires. Deux mondes différents qui coexistent et dont le seul point commun est le chaos et le bruit. Puis j'arrive enfin à mon hôtel. Je prends quelques instants de répit avant de partir à l'aventure, à la découverte de cette ville, de ce pays.

La découverte

Le lac Titicaca et le Nevado Illimani au loin
Le lac Titicaca et le Nevado Illimani au loin

L'extraordinaire beauté et la grande diversité des paysages nous fait passer des neiges éternelles de la Cordillère à la torride et luxuriante forêt amazonienne, dans un dénivelé de plus de 5000 m. On retrouve également un symbole de l'Amérique du Sud : le lac Titicaca. C'est le lac navigable le plus haut du monde, et le berceau de la mythologie inca. Alors, comment parler de la Bolivie sans utiliser les superlatifs?

Les Boliviens travaillant avec moi utilisent souvent cette formule : Todo es posible, pero nada es seguro (tout est possible, mais rien n'est sûr). Il est vrai que la Bolivie est à la fois envoûtante, attirante, magnifique, mais aussi fatigante en raison de ses imprévus. On apprécie ses extrêmes et ses contrastes. C'est un pays agréable, attachant, préservé, authentique, métissé et contrasté, qui vit dans un univers différent, dans un siècle parallèle. On rencontre le moderne et l'ancestral, l'occidental et l'autochtone, l'hispanique et l'indigène dans une parfaite harmonie. Ce pays semble vivre au 16e siècle et avoir des préoccupations du 21e siècle. Malheureusement, la Bolivie est l'un des pays les moins connus d'Amérique du Sud, et il ne bénéficie pas de l'attention qu'il mériterait de la part des touristes.

Folklore

Rencontre avec un diable de la diablada
Rencontre avec un diable de la diablada

Ce pays est très proche de ses traditions et de ses coutumes. Le folklore est ancré dans les toutes les couches de la population sans distinction. Chaque occasion est bonne pour faire la fête et danser dans les rues au son de musiques ancestrales. Je me souviens du jour où le Pérou a voulu dérober une danse ancestrale bolivienne, la diablada. Insultés, les Boliviens ont alors organisé une grande manifestation en bloquant le centre-ville de La Paz toute une journée. Les meilleurs danseurs du pays sont venus montrer au Pérou que la diablada es boliviana.

Croyance, tradition, religion

Les croyances ici se mélangent aux légendes toujours vivantes. Ainsi, de nombreux Boliviens honorent la Panchamama, déesse de la Terre, et el Tio, le diable, en leur donnant de nombreuses offrandes (alcool, cigarette, coca…).

Alexandre Cerruti présentant La Paz
Alexandre Cerruti présentant La Paz

Ici la coca fait partie de la culture du pays. Cette petite feuille verte sacrée est consommée depuis le temps des Incas. La coca procure une meilleure résistance à l'effort et atténue la sensation de faim et le mal de l'altitude. Ses effets sont ceux d'un simple excitant, comparables à ceux du café. Les Boliviens la consomment infusée ou mâchée. Je précise que la hoja de coca no es cocaina (la feuille de coca n'est pas de la cocaïne).

Le Nevado Huayna Potosi (6088 m)
Le Nevado Huayna Potosi (6088 m)

Dans tout le pays, le soccer est une véritable religion. On retrouve des terrains partout et chaque Bolivien s'entraîne toutes les semaines. Ce sont de véritables athlètes, car il est difficile de courir plus de 10 minutes à 3800 m. Lorsque la FIFA veut interdire les matchs de soccer en Bolivie en raison de l'altitude, les Boliviens organisent alors un match de démonstration sur le plus haut sommet du pays, le Sajama (6542 m), pour démontrer que c'est possible. Il est vrai que lorsque les matchs ont lieu à La Paz, les Boliviens remportent de belles victoires : la Bolivie a déjà écrasé l'Argentine par la marque de 6 à 1.

Réflexion

Des alpacas au pied du Nevado Sajama (6542 m)
Des alpacas au pied du Nevado Sajama (6542 m)

Voyager permet d'oublier la logique de la vie quotidienne, d'élargir notre vision des choses. En tant que visiteur natif d'un pays riche, matérialiste, je constate que la Bolivie choque par des questions sans réponse sur la pauvreté. Cependant, on retrouve de nombreux paradoxes. Par exemple, ce pays est le plus pauvre d'Amérique du Sud, mais détient les richesses les plus importantes du continent voire du monde (gaz, argent, lithium…).

Danse ancestrale de la culture tinkus
Danse ancestrale de la culture tinkus

J'espère que les choses vont évoluer dans le bon sens, que ces richesses ne vont pas attirer la convoitise de certains et entraîner des affrontements, mais aider plutôt au développement du pays. La Bolivie vaut bien plus par sa culture, son patrimoine et ses paysages que pour ses trésors.