De l'ombre à la lumière
Le suicide c’est grave. Il faut en parler. C’est pourquoi j’ose sortir de l’ombre et vous raconter mon histoire…Je ne suis pas passé à l’action, mais ç’a passé proche, très proche même… J’avais tout planifié : ce que je ferais, comment je m’y prendrais, où je mettrais fin à mes jours et le moment…
Je débutais l’université. J’étais encore remué par la séparation inattendue de mes parents et toutes les complications qui s’ensuivaient. Ma blonde de ce moment représentait ma bouée, l’élément stable de ma vie. Mais voilà qu’elle se posait des questions sur notre relation. Elle ne savait plus si elle m’aimait encore vraiment. Le fait que j’étudiais à Sherbrooke et elle à Québec ne facilitait pas les choses. Avec toutes mes préoccupations, mes résultats aux intras ont été désastreux. C’était plus que je ne pouvais en prendre. Il me semblait que tout me lâchait dans ma vie. Alors, j’ai eu le goût de la lâcher moi aussi.
Un copain de classe, intrigué de me voir de moins en moins aux activités, est venu s’informer de moi. Je n’avais pas le goût de m’ouvrir et de parler. Il me semblait, à ce moment-là, que ça ne ferait que raviver ma peine. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans sa tête, mais il est resté là, persévérant. J’ai fini par lui raconter un peu ce qui m’arrivait. Il a osé me demander si je pensais à me suicider. Quand il m’a posé cette question, je me suis senti moins seul. C’était comme si quelqu’un saisissait suffisamment l’importance de ma douleur pour reconnaître que l’idée du suicide pouvait me sembler être une réponse à la mesure de sa gravité. Ma souffrance ainsi partagée devenait moins lourde. Il m’a beaucoup encouragé à ne pas rester avec « ma solution » et à aller plutôt vers une ressource qui m’aiderait peut-être à trouver d’autres issues. Il m’est difficile de décrire le bien que ce copain m’a fait, seulement en venant vers moi. Il me semble qu’à partir de ce moment, le cours des événements a commencé à changer. Je suis allé chercher de l’aide. Ce support m’a permis de faire face aux difficultés de ma vie.
J’éprouve encore un serrement au cœur quand je pense à tout cela aujourd’hui. Je frémis à évoquer ma détresse de ce temps-là, mais aussi, surtout, à penser que j’aurais pu commettre l’irrémédiable alors qu’au bout du compte, il y avait des solutions. J’ai envie de dire à ceux qui sont dans une mauvaise passe : même si la mort semble être la seule issue, croyez-moi, il y en a d’autres et donnez-vous une chance de les trouver.
Johanne Bernatchez, psychologue
Service de psychologie et d’orientation
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