Vers un renouvellement de la formation doctorale
Au-delà du professorat, quel avenir pour les jeunes chercheurs?
Au terme de leur formation, 80 % des doctorantes et doctorants ne se destineront pas à la carrière universitaire. Le nombre de finissants au doctorat a augmenté nettement plus rapidement au fil des dernières années que celui de postes de professeures et professeurs disponibles dans les universités. Qui plus est, ce nombre de postes se révèle proportionnellement moindre qu’il y a 30 ans. Plus que jamais, il importe pour les étudiantes et étudiants des cycles supérieurs de développer des compétences transversales qui leur permettront de tirer leur épingle du jeu devant ce bouleversement des perspectives de carrières. C’est d’ailleurs l’objectif premier des Journées de la relève en recherche, événement organisé par l’ACFAS et le Fonds de recherche du Québec, dont l’UdeS est heureuse d’être l’hôte les 18 et 19 octobre prochain.
Le professeur Jean-Pierre Perreault, vice-recteur à la recherche et aux études supérieures à l’UdeS, le reconnaît d’emblée : les programmes universitaires aux cycles supérieurs sont encore définis comme à l’époque où 80 % des diplômées et diplômés se dirigeaient vers la recherche en milieu universitaire. La tendance est maintenant complètement inversée, puisque la majorité ne s’adonnera pas à la recherche universitaire. Dans pareil contexte, il indique qu’il ne fait nul doute que la préparation des études doctorales doit être revue. Le développement de compétences professionnelles doit être davantage mis de l’avant.
Valoriser les compétences professionnelles
Ce constat avait d’ailleurs déjà été clamé dix ans plus tôt par Jean Nicolas, professeur émérite de la Faculté de génie et ancien vice-recteur à la recherche de l’UdeS. Parmi les nombreuses recommandations du Doctorat en question, une imposante et novatrice étude publiée en 2008, ce dernier invitait notamment les milieux universitaires à améliorer la formation à la recherche, pour le bénéfice de l’ensemble de la société québécoise.
Les étudiants-chercheurs représentent une proportion très significative de la force de travail du Québec en recherche et développement. Ils sont les précurseurs du renouvellement et de la création du savoir dans notre société. Il est donc essentiel de leur assurer une formation adéquate dans nos universités. L’importance accordée à l’émergence d’une relève scientifique de qualité doit s’exprimer par le souci des conditions de vie, d’études et d’insertion professionnelle des étudiants-chercheurs.
Du temps où il occupait les fonctions de vice-recteur à la recherche, le professeur Nicolas a contribué à la création d’un microprogramme de formation par compétences en ingénierie mécanique, une première en Amérique du Nord. Dans cette foulée, l’UdeS a mis sur pied en 2009 le Centre universitaire d’enrichissement de la formation à la recherche (CUEFR), chargé d’offrir des activités de formation du même type aux doctorantes et doctorants ainsi qu’aux stagiaires postdoctoraux de l'UdeS. L’objectif de ces formations est de renforcer leurs compétences transversales, communément nommées soft skills, de manière à favoriser une meilleure adaptation au marché du savoir. Pour Jean-Pierre Perreault, ces compétences professionnelles à acquérir sont essentielles pour les étudiantes et étudiants en recherche.
Un centre comme le CUEFR n’enseigne pas simplement des soft skills; ces compétences ne sont pas "molles" ou moindres. Ce sont des compétences complémentaires, importantes et hautement nécessaires pour bien réussir professionnellement.
Il précise que la vulgarisation scientifique, la rédaction d’articles, la préparation de demandes de subvention, la gestion d’une équipe ou d’un groupe de recherche représentent un réel investissement, une stratégie gagnante pour la formation des étudiantes et étudiants, pour le corps professoral, et pour l’ensemble de l’institution.
Le métier de chercheur change. Avant, chaque chercheur pouvait s’apparenter à une PME de type dépanneur, avec une certaine quantité d’activités à gérer. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus complexe, puisque le dépanneur est maintenant une PME de haute technologie, où des choix stratégiques sont constamment à faire, dans un contexte de compétition mondiale.
Une réalité qui s'est complexifiée
Les professeurs Perreault et Nicolas sont unanimes à reconnaître que la pression s’est accentuée de manière significative sur les professeurs-chercheurs au fil des années. Entre un savoir qui se développe très rapidement et une compétition qui se joue désormais à l’échelle internationale, la course aux publications savantes et aux demandes de subventions auprès des organismes subventionnaires se fait à un rythme effréné.
La vitesse de notre société s’est accélérée et on a moins de temps pour les apprentissages. Les exigences des articles ont évolué. Avant c’était un gène, maintenant c’est un génome –l’ensemble des gènes d’un organisme – qu’il faut séquencer!
Cette analogie du vice-recteur Perreault montre à quel point la situation s’est complexifiée. Nombre de chercheurs avouent être complètement débordés et se désolent de manquer de temps pour bien faire leur travail, notamment par rapport à l’encadrement de leurs étudiants. Le parcours des doctorants vers la diplomation s’en trouve affecté, puisqu’ils sont souvent contraints de se débrouiller par eux-mêmes. Une situation que veut renverser le vice-recteur, qui souhaite que la qualité d’encadrement aux cycles supérieurs devienne l’une des forces caractéristiques de l’UdeS.
Revoir la formation et l’encadrement
Tant pour les professeurs Nicolas que Perreault, le fait que le nombre de doctorants soit en hausse par rapport aux débouchés en milieu universitaire est loin de constituer un problème. L’apport d’une formation en recherche est bénéfique partout dans notre société.
Forme-t-on trop de doctorants? Non! Le doctorat présente une valeur ajoutée indéniable. Encore faut-il que cette formation ait été suffisamment large, pour préparer à cette diversité de carrières. La qualité doit être là.
Quelque dix années après la publication du Doctorat en question, les recommandations de Jean Nicolas par rapport à la révision de la formation en recherche, bien qu’elles n’aient que trop timidement été discutées, sont plus que jamais d’actualité.
Pour le professeur émérite, la question de la qualité de la formation a été occultée au profit de celles du financement et de la gouvernance des établissements d’enseignement supérieur. Selon lui, l’enjeu est difficile à mettre de l’avant puisque la qualité est tenue pour acquise, mais l’on pourrait faire mieux si l’on s’en préoccupait davantage.
C’est d’ailleurs l’objectif que s’est donné le vice-recteur Perreault, qui souhaite que les études supérieures à l’UdeS se distinguent par une offre de formation et un encadrement hors du commun, de manière à attirer la meilleure relève scientifique qui soit.
Il faut chercher à stimuler l’indépendance et l’innovation chez nos étudiants. Il faut être créatif dans ce milieu, se réinventer, penser différemment pour se démarquer.
Interdisciplinarité dans les projets et les directions de recherche, programme avantageux de bourses d’excellence aux cycles supérieurs, développement de compétences professionnelles, amélioration de la qualité d’encadrement, concours et événements faisant la part belle à la recherche : la programmation des études supérieures à l’UdeS affiche déjà des couleurs qui lui sont propres.