Microprogramme de 1er cycle en études autochtones
Langues et cultures autochtones au cœur d’un nouveau programme
La langue abénakise décrit la caractéristique principale – la plus utile – de ce qu’elle désigne. Comme l’indique Philippe Charland, chargé du cours d’abénakis, tmakwa, le castor, est « celui qui coupe des arbres »; seg8gw, la mouffette, est « celle qui se vide ». Cette langue, d’une poésie certaine, exprime avant tout une vision du monde qui mérite qu’on s’y attarde.
En effet, les langues des Premières Nations révèlent la richesse de leurs relations, tant au territoire qu’aux êtres, humains et non humains. Elles véhiculent ainsi une part considérable de leurs cultures. Qui les comprend saisit ainsi mieux les enjeux autochtones. Or ces langues – et cultures – sont dans une situation critique.
L’abénakis est une des langues autochtones les plus menacées au Canada. Sa chance, c’est de faire l’objet d’une très grande documentation, qui sert en ce moment aux efforts de revitalisation de la langue à Odanak et à Wôlinak.
René Lemieux, responsable du microprogramme et professeur au Département des arts, langues et littératures
Faire des langues et des cultures le pivot central d’un microprogramme de 1er cycle en études autochtones tombe donc sous le sens.
Dans certaines situations, l’université peut aussi permettre à des Autochtones de se réapproprier leur langue, notamment quand les grand-parents l’ont perdue en raison des politiques d’assimilation, comme les pensionnats.
Pierre-Simon Cleary, étudiant au 2e cycle ayant corédigé le rapport sur le contexte de création du microprogramme
Les politiques d’assimilation seront d’ailleurs couvertes dans le microprogramme, aux côtés de plusieurs autres enjeux autochtones.
Deux objectifs…
Faire connaître ces enjeux est l’un des deux objectifs principaux du microprogramme en études autochtones. Il vise à leur donner une perspective historique pour en tracer les ramifications contemporaines. Par exemple, dans quoi s’enracinent les revendications politiques et le militantisme autochtone en faveur des enjeux environnementaux et de la protection du territoire?
Pour atteindre ce premier objectif, le Département des arts, langues et littératures (DALL) adopte une approche décolonisatrice, qui se traduit assez simplement : ne pas écrire les récits des Autochtones à leur place.
Ainsi, Sherbrooke étant situé sur un territoire abénakis, le DALL a approché le Conseil des Abénakis d’Odanak et entretient des liens avec le Grand Conseil de la Nation Waban Aki, formé des communautés de Wôlinak et Odanak. Le but? Établir une collaboration favorisant la considération des réalités autochtones dans le microprogramme.
D’ailleurs, le comité en assurant le développement comptera obligatoirement au moins un membre autochtone. Des personnes autochtones seront invitées dans le cadre des cours, par exemple à titre de conférencières.
Les échanges avec des Autochtones ont aussi permis de valider le deuxième objectif du microprogramme : faciliter l’accès aux études universitaires pour les membres des Premières Nations en s’assurant que l’enseignement intègre les grands principes de la sécurisation culturelle.
Grâce à un programme universitaire orienté vers leurs réalités, les Autochtones pourraient dépasser plusieurs facteurs liés au décrochage scolaire, dont la préparation académique inadéquate et le choc culturel.
… Des cours multiples
En accord avec ses objectifs et ses orientations, le microprogramme compte deux cours obligatoires, liés aux objectifs, soit AUT101 – Introduction aux enjeux autochtones contemporains et AUT102 – Langues et cultures des Autochtones en Amérique du Nord. Le reste du microprogramme est assez flexible : qui s’y inscrit construit ainsi son cheminement selon les champs d’intérêt qui l’y amènent.
Par conséquent, le microprogramme en études autochtones est résolument multidisciplinaire. En plus du DALL, trois départements de la Faculté des lettres et sciences humaines y offriront des cours : histoire, philosophie et éthique appliquée, ainsi que politique appliquée. Les facultés de droit et d’éducation y participeront également.
Cette diversité de contenus répondra aux besoins de formation des différents publics susceptibles de s’intéresser au microprogramme : membres des Premières Nations, oui, mais aussi toute personne souhaitant mieux comprendre les réalités autochtones, par intérêt professionnel ou personnel. À cet égard, les cours offerts du microprogramme sont ouverts aux étudiantes et étudiants en parcours libre.
De plus, le microprogramme, en complément d’une formation de 1er cycle, peut faciliter la poursuite d’un projet de recherche en études autochtones au 2e cycle. D’ailleurs, l’offre et le contenu des cours sont appelés à évoluer en fonction de la recherche sur les enjeux autochtones menée à l’Université de Sherbrooke. Ils seront enrichis, notamment, par le projet Awikhiganisaskak et le Centre de recherche collaborative autochtone – Atalwijokadimek.
Des objectifs plus grands qu’un microprogramme
Les deux objectifs principaux du microprogramme, soit initier les étudiants et étudiantes aux enjeux contemporains des Autochtones et faciliter l’accès aux études universitaires pour les membres des Premières Nations, répondent, en partie, aux Appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.