Pôle d’innovation notariale
Se dégourdir la créativité
Au trimestre d’été 2023, l’étudiante Valérie Corriveau s’est inscrite à une activité clinique en innovation juridique conçue et supervisée par le Pôle d’innovation notariale, qui a pour mission d’éveiller l’intérêt des personnes étudiantes pour la profession notariale et pour l’innovation en droit.
« Cette activité, qui compte pour trois crédits, vise à développer des solutions à certaines problématiques de la pratique notariale, raconte Valérie. Je me suis dit que ce serait une bonne occasion pour moi d’en savoir plus sur le notariat et de faire ma part pour cette profession qui m’intéresse depuis longtemps. J’ai donc posé ma candidature et j’ai été acceptée! »
L’enjeu étudié par Valérie et son groupe était la conciliation intergénérationnelle, « c’est-à-dire quels sont les aspects positifs ou négatifs de travailler avec des notaires ou des collègues plus jeunes ou plus âgés que soi », précise l’étudiante, qui a depuis terminé son baccalauréat en droit et poursuit maintenant son parcours à la maîtrise en droit notarial.
Afin de colliger des observations et d’élaborer d’éventuelles pistes de solutions aux problèmes soulevés, les personnes étudiantes devaient chacune conduire trois heures d’entrevue avec des notaires en pratique à l’aide de grilles d’analyse.
« Car pour innover, il faut nécessairement aller sur le terrain pour voir ce qui se passe, explique Miguel Aubouy, conseiller en innovation collaborative à l’Université de Sherbrooke, qui anime ces activités en collaboration avec le Pôle d’innovation notariale. On cherche un détail, un début de fil rouge qui nous guidera vers une idée nouvelle, même si, au départ, cette idée est nécessairement floue puisque personne ne l’a émise avant. »
Des apprentissages surprenants
Apprendre à travailler dans le flou est donc le cœur de cette activité unique en son genre à la Faculté de droit. « Ce flou est dérangeant, car à l’université, on développe plutôt l’intelligence analytique, c’est-à-dire de travailler sur des choses précises pour pouvoir en dire quelque chose, poursuit Miguel Aubouy. D’un point de vue académique, si on veut résoudre un problème, la première chose à faire est d’analyser tout ce que les gens ont dit sur ce problème. Mais pour innover, il faut plutôt utiliser une intelligence de création, ce qui est bien différent. »
Ainsi, les personnes étudiantes qui participent à ces ateliers d’innovation juridique développent diverses habiletés. Parmi elles, l’écoute active, pour recueillir et comprendre efficacement les réalités du terrain, de même que leur capacité à avancer des idées librement, sans se mettre des barrières, même si ces idées peuvent à première vue paraître bizarres.
Enfin, elles apprennent à « prototyper » une idée rapidement, ajoute Miguel Aubouy. « On a longtemps pensé que l’innovation consistait à avoir une idée, à s’enfermer dans son garage pendant six mois pour fabriquer une maquette extraordinaire pour illustrer notre idée et d’ensuite tenter de convaincre les autres que notre idée est la bonne. Mais ça ne marche pas! Il faut plutôt confronter notre idée à la réalité et à la critique pour savoir si l’idée peut se réaliser ou non. »
C’est pourquoi, après avoir brassé des pistes de solutions innovantes, les personnes étudiantes vont les confronter à la réalité des notaires sur le terrain pour arriver à des solutions coconstruites, explique Miguel Aubouy. « C’est ce qu’on appelle la pensée design (« design thinking » en anglais), un concept né en Californie en 1999 qui est très utilisé par les entreprises, mais qui est nouveau dans le domaine académique, et encore plus en droit. D’ailleurs, je suis très admiratif de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, qui est une grande pionnière en innovation. »
Faire avancer la profession notariale
Depuis sa fondation en 2022 par l’Université de Sherbrooke, le Pôle d’innovation notariale propose des solutions pour l’avenir de cette profession du droit souvent méconnue. Son volet « Innovation juridique » vise à répondre à des enjeux contemporains de la profession notariale par le biais de solutions innovantes, rappelle Me Stéphanie Sherrer, notaire, coordonnatrice des volets Accès à la justice et Innovation juridique au Pôle.
Depuis 2022, trois activités cliniques en innovation juridique regroupant 23 personnes étudiantes au baccalauréat en droit et à la maîtrise en droit notarial ont été offertes à la Faculté de droit. Deux enjeux ont été analysés dans le cadre de ces ateliers : la conciliation intergénérationnelle et l’utilisation des nouvelles technologies par les notaires. « On demande à la fois aux notaires de travailler de façon ultra sécurisée, mais en même temps d’être efficaces avec de nouveaux outils technologiques. Il y a matière à amélioration et à innovation dans ce domaine », souligne Miguel Aubouy.
À l’hiver 2024, les personnes étudiantes inscrites à l’activité analyseront de nouveau l’enjeu intergénérationnel. « L’objectif est d’obtenir des solutions variées, indique Me Stéphanie Sherrer. En reprenant le processus avec de nouvelles personnes étudiantes, il est fort probable que leurs idées aillent dans une autre direction, car c’est un enjeu très vaste. »
Éventuellement, les solutions qui émanent de ces activités d’innovation juridiques seront mises à la disposition de la communauté notariale, qui pourra s’en inspirer afin de faire face à ces enjeux. « En attendant, si des notaires souhaitent participer à ce processus d’innovation en répondant aux questions des personnes étudiantes, ils sont invités à nous faire signe en écrivant au pole.innovation.notariale@USherbrooke.ca », conclut Me Stéphanie Sherrer.