La gouvernance des modes de prévention et de règlement amiables de différends en ligne : états des lieux, enjeux et propositions

Une justice différée est une justice refusée (KATSH, E. et C. RULE, 2016). Cette phrase exprime la préférence des citoyens pour un accès aisé à des processus de justice rapides, à faibles coûts et technologiques plutôt qu’à des processus longs qui offriraient plus de garanties de protection des droits. Ce fait explique l’engouement pour entre autres la négociation, la médiation ou l’arbitrage en ligne. Le développement de la résolution en ligne des différends est un fait aujourd’hui incontestable. L’essor de ce qui est indiqué sous l’appellation générique de processus de prévention et règlement amiables des différends en ligne (PRADL) se réalise dans un certain enthousiasme, mais sans réelle organisation cohérente voire dans un certain chaos (Noam Ebner and Daniel Rainey, 2021).

Dans le même sens, le 21 novembre 2018, la ministre française de la Justice de l’époque déclarait que le marché de la prévention et du règlement amiable de différends en ligne (PRADL) dénote « une réalité foisonnante, parfois anarchique. On trouve le meilleur et le pire » (Assemblée nationale française, 2018). Cette affirmation décrit avec élégance l’espace « d’absence de gouvernance » ou de « chaos » au sein duquel évoluent les plateformes de PRADL. Un tel constat ne vaut pas que pour la France, mais pour plusieurs pays (Canada, Allemagne, Brésil, États-Unis, etc.) (Biard, 2019).

L’offre de services en PRADL se retrouve principalement au travers de plateformes en ligne entendue comme des systèmes permettant de générer, d’envoyer, de recevoir, de stocker, d’échanger ou de traiter de toute autre manière des communications dans le cadre de processus de prévention et de règlement de différends en ligne (APEC, Collaborative Framework for ODR, 2019). La PRADL et les plateformes d’offre de services posent des défis de protection du public. Il faut s’interroger, quelles sont les garanties procédurales par exemple en matière d’équité procédurale mesurée à partir de 6 facteurs que sont égalité de traitement, respect, neutralité, fiabilité, cohérence et règles éthiques (Abedi, Fahimeh et coll., 2019) offertes par les fournisseurs de services? De quelles protections bénéficient les usagers en cas d’utilisation de l’IA (France, Loi no 2019-222 du 23 mars 2019)? Comment assurer la confidentialité des processus de PRADL et des informations communiquées par les protagonistes? Quelles doivent être les règles en matière de sécurité et de gestion des données des utilisateurs de ces processus?

Les modes de prévention et de règlement de différends en ligne ont le potentiel de s’avérer un processus d’amélioration de l’accès à la justice, il est cependant nécessaire d’en faire des procédés adéquats, efficients et de qualité par un encadrement approprié des obligations pesant sur les prestataires de services de PRADL, de prévoir les sanctions applicables en cas d’inobservation des règles et de proposer le cas échéant des exigences de formation gage de la compétence des fournisseurs de services. En un mot, le temps de mettre en place une gouvernance des modes de prévention et de règlement de différends en ligne est venu. La gouvernance des modes de prévention et de règlement de différends en ligne pourrait être définie comme « [L]'application de politiques, la mise en œuvre adéquate et la surveillance continue des praticiens de l’ODR, des prestataires de services, des systèmes et des services, afin de s’assurer que les procédures sous-jacentes sont justes que les services sont fournis d’une manière professionnellement satisfaisante, dans le but d’améliorer et de faire progresser le domaine de l’ODR. » (Ebner, 2016). La thématique de cette journée d’étude Lyon-Sherbrooke tournera donc autour de la question suivante : quelle gouvernance pour des modes de prévention et de règlement de différends en ligne PRADL de qualité? L’utilisation du terme gouvernance n’est pas innocente, elle sous-tend l’idée de propositions de normes flexibles relatives aux processus de PRADL tels la médiation en ligne, la négociation en ligne ou l’arbitrage en ligne qui fournissent un cadre sécuritaire au public tout en évitant une surrèglementation qui pourrait affecter l’essence et l’esprit de ces processus qui sont recherchés par les protagonistes qui y ont recours.