Christiane Lahaie, professeure et écrivaine
Une artiste tournée vers les autres
Professeure de littérature, de création littéraire et de cinéma à l’UdeS et depuis peu directrice du Département des lettres et communications, Christiane Lahaie a, en plus de dizaines d’articles et d’essais théoriques, résultats de ses travaux de recherche universitaire, dont certains en collaboration avec son époux Georges Desmeules, également publié des nouvelles, recueils de nouvelles et romans. Elle a écrit son plus récent roman, qui arrive en librairie ces jours-ci, au cours de la session d’hiver 2016, alors qu’elle était en sabbatique. Elle prendra part au café littéraire qui se tiendra au Centre culturel le 30 septembre lors des Journées de la culture.
Muses : Quel est le titre de ce nouveau roman?
Christiane Lahaie : Je l’ai intitulé Parhélie ou Les corps terrestres, du nom d’un phénomène optique qui se produit parfois par temps froid au lever du soleil. Les rayons du soleil se réfléchissent sur des cristaux de glace dans les nuages pour faire apparaître une réplique du soleil de chaque côté du soleil.
Comme j’aime bien ajouter des éléments de surnaturel et de merveilleux dans ce que j’écris, le parhélie de mon roman (parce que le mot «parhélie» est masculin, comme «trampoline») apparaît en plein été, vers la toute fin de l’après-midi, une fois le destin de mes personnages scellé.
M : Et de quoi est-il question dans Parhélie?
CL : Du corps, de l’importance démesurée qu’on accorde à son apparence à notre époque. L’idée m’est venue à la suite de la lecture d’un fait divers. Après avoir subi une importante chirurgie plastique, une dame a souffert d’un grave délire postopératoire. Elle a arraché tous ses pansements et s’est enfuie pour se retrouver nue sur le toit de l’édifice où se trouvait la clinique. Malgré la présence des services de secours accourus sur les lieux, elle a fini par se tuer en se jetant dans le vide.
J’ai lu cette histoire il y a plus de deux ans. Je me suis mis à réfléchir à cette obsession du corps, de l’éternelle jeunesse et de la beauté à tout prix. C’est terrible tous ces gens qui souffrent parce qu’ils n’aiment pas leur corps! Alors petit à petit l’idée du roman a commencé à prendre forme dans ma tête.
M : Comment ça fonctionne? Vous prenez des notes?
CL : Pas du tout. Pas de notes, pas de journal d’écriture, pas de plan. Je lis, je me renseigne, je discute avec les gens de mon entourage et tout ça reste dans ma tête. Ça se dépose petit à petit et l’histoire se met en place. Les lieux, les symboles et l’atmosphère se précisent. Ça va assez vite lorsque j’arrive à l’étape de l’écriture comme telle.
M : Parlant de temps, avec l’enseignement, la recherche, les lectures, les corrections, les articles scientifiques à rédiger, vous ne trouvez pas cela suffisant? Pourquoi vous faut-il écrire de la fiction en plus?
CL : Je suis de nature curieuse. Déjà, toute petite, je remarquais des choses, des détails que les autres ne voyaient même pas. Tout m’intéresse : les paysages, la musique, la peinture, la joaillerie, etc. Je suis très sensible aux lieux que j’habite et surtout aux gens qui m’entourent ou que je croise. Je suis très empathique envers les humains. Et quand je ne le suis pas assez, je m’en veux. Je me mets facilement à leur place. Je cherche constamment à donner un sens aux choses. Pourquoi on agit de telle ou telle façon? Pourquoi, par exemple, est-on aussi obsédé par la jeunesse et la beauté? Toutes ces réflexions me poussent à écrire. Il faut que j’écrive, alors je trouve le temps pour le faire. Quand on est artiste, écrire, créer, ça devient un must. Et c’est ce qu’il y a de plus fascinant sur terre.
M : Si, comme vous le dites, l’écriture provient de l’intérieur. Comment enseigne-t-on la création littéraire?
CL : Je n’enseigne pas l’écriture, j’accompagne des apprentis écrivains. Il faut que ce qu’ils écrivent viennent d’eux-mêmes, que ça leur ressemble. Moi, je n’ai pas d’a priori. Mes étudiants peuvent écrire ce qu’ils veulent. Et il n’est pas question qu’ils écrivent comme moi! J’essaie simplement de leur faire profiter de mon expérience, de les amener à écrire de manière à ce qu’ils souhaitent partager passe le mieux possible en attirant leur attention sur le rythme de leur écriture, sur l’ordre et le choix des mots, sur leur sonorité, etc.
Pour moi, enseigner la création littéraire, c’est enseigner la littérature d’une autre façon. En amenant les étudiants à réfléchir sur leur propre pratique d’écriture, je les amène à la littérature, je leur montre comment des auteurs, confrontés à des problèmes similaires aux leurs, ont trouvé une façon de s’exprimer. Pour moi, il faut lire pour être écrivain. Certains étudiants me disent qu’ils ne lisent pas parce qu’ils craignent de se contaminer. « Contaminez-vous, ça presse! », que je leur réponds!
M : Au moment où sort Parhélie, avez-vous d’autres projets d’écriture?
C L : Oui, mon éditeur travaille actuellement à la réédition de Chants pour une lune qui dort, un roman qui traite d’un amour destructeur que j’ai écrit il y a une dizaine d’années. J’ai aussi en tête un projet de road novel. C’est l’histoire de quatre jeunes qui partent à la recherche de preuves de l’existence d’extraterrestres. Ils tentent de se rendre dans la Zone 51, un site « top secret » situé au cœur d’une base militaire dans le désert du Nevada.
Dans les deux cas, que ce soit les amours destructrices ou la croyance à l’existence des extraterrestres, je me pose la même question : pourquoi? Pourquoi des femmes endurent-elles de vivre ainsi dans la violence? Pourquoi des gens consacrent-ils une part importante de leur vie à la recherche des extraterrestres? Qu’est-ce tout ça dit sur nous, sur notre société? Finalement, je crois que je suis demeurée au stade du pourquoi.