Le rire de la sorcière dans Les enfants du Sabbat d'Anne Hébert
Nathalie Watteyne
On ne saurait faire l’économie de l’ambiguïté inhérente au fantastique pour l’interprétation des Enfants du Sabbat d’Anne Hébert. Nous voudrons réfléchir à la visée fantastique de ce roman en montrant que l’auteure se livre dès 1971 à une recherche préparatoire considérable, par la lecture d’ouvrages relatifs à la sorcellerie (surtout, mais pas seulement). Elle se consacre ensuite à un travail d’écriture et de réécriture pour nuancer les rires sorciers de Philomène Labrosse, dite la Goglue, dans la campagne québécoise des années 1930, où sévit non moins répandue qu’en ville la pauvreté, et de sa fille, devenant au début des années 1940 sœur Julie de la Trinité, qui provoque le chaos au couvent des dames du Précieux-Sang. Enfin, nous voudrons distinguer un autre rire, celui jubilatoire de l’auteure. Nous voudrons faire ressortir la dynamique qu’entretiennent les registres fantastique et grotesque, à partir de certains jeux de voix, tant dans l’énoncé qu’en ce qui se rapporte à l’énonciation. La prise en compte des deux plans langagiers apparaît nécessaire pour mieux comprendre le rire carnavalesque, et proprement fantastique, de la construction romanesque.